Victor Schœlcher | |
Victor Schœlcher photographié par Étienne Carjat. | |
Fonctions | |
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Sénateur inamovible[1] | |
– (18 ans et 9 jours) |
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Élection | |
Groupe politique | Extrême gauche |
Député de la Martinique[2] | |
– (4 ans, 9 mois et 4 jours) |
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Élection | |
Groupe politique | Extrême gauche |
Député de la Guadeloupe[2] | |
– (3 mois et 23 jours) |
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Élection | |
Groupe politique | Montagne |
– (1 an, 10 mois et 19 jours) |
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Élection | |
Groupe politique | Montagne |
Député de la Martinique[2] | |
– (9 mois et 17 jours) |
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Élection | |
Groupe politique | Montagne |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Paris (France) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Houilles (France) |
Sépulture | Panthéon |
Nationalité | Française |
Parti politique | La Montagne |
Diplômé de | Lycée Condorcet |
Profession | Journaliste |
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Victor Schœlcher (/vik.tɔʁ ʃœl.ʃɛʁ/[n 1]) est un journaliste et homme politique français, né à Paris le [3] et mort à Houilles le [3]. Il est connu pour avoir agi en faveur de l'abolition définitive de l'esclavage en France, via le décret d'abolition, signé par le gouvernement provisoire de la deuxième République[4] le . Il est également élu député de la Martinique puis de la Guadeloupe.
Victor Schœlcher naît le à Paris (5e arrondissement ancien, aujourd'hui 10e arrondissement) au 60 rue du Faubourg-Saint-Denis[n 2], dans une famille catholique bourgeoise. Son père, Marc Schœlcher (1766-1832), originaire de Fessenheim (Haut-Rhin) en Alsace[3], est propriétaire d'une usine de fabrication de porcelaine[5]. Sa mère, Victoire Jacob (1767-1839), originaire de Meaux (Seine-et-Marne), est marchande lingère à Paris au moment de son mariage[6].
Victor Schœlcher est baptisé à l'église Saint-Laurent de Paris le [7].
Il fait de courtes études au lycée Condorcet, côtoyant les milieux littéraires et artistiques parisiens[3], faisant connaissance avec George Sand, Hector Berlioz et Franz Liszt[5].
Son père l'envoie au Mexique en 1828[n 3],[3], aux États-Unis et à Cuba en 1828-1830 en tant que représentant commercial de l'entreprise familiale[3]. Lorsqu'il est à Cuba, il est révolté par l'esclavage.
De retour en France, il devient journaliste et critique artistique[3], publiant des articles, des ouvrages, multipliant ses déplacements d'information.
Il adhère à la franc-maçonnerie, étant initié dans la loge parisienne « Les Amis de la Vérité » (Grand Orient de France), qui est à l'époque un atelier très fortement politisé, pour ne pas dire ouvertement révolutionnaire[8]. Il passe ensuite à une autre loge parisienne, « La Clémente Amitié ». Il cesse toute activité maçonnique en 1844, lorsqu'il est radié par la chambre symbolique du Grand Orient de France, en compagnie de dix-sept autres frères de la loge « La Clémente Amitié », pour s'être opposé à la révision des statuts généraux de l'obédience et avoir soutenu le vénérable Bègue-Clavel[9].
Il revend rapidement la manufacture dont il hérite de son père en 1832 pour se consacrer à son métier de journaliste et ses activités philanthropiques[5].
Le discours abolitionniste de Schœlcher évolue au cours de sa vie. En 1830, dans un article de la Revue de Paris, « Des Noirs »[10], après avoir fait une description terrible de la situation des esclaves, et montré comment l'esclavage transforme ces hommes en brutes, il se prononce contre l'abolition immédiate, car pour lui, « les nègres, sortis des mains de leurs maîtres avec l'ignorance et tous les vices de l'esclavage, ne seraient bons à rien, ni pour la société ni pour eux-mêmes » ; « je ne vois pas plus que personne la nécessité d'infecter la société active (déjà assez mauvaise) de plusieurs millions de brutes décorés du titre de citoyens, qui ne seraient en définitive qu'une vaste pépinière de mendiants et de prolétaires » ; « la seule chose dont on doive s'occuper aujourd'hui, c'est d'en tarir la source, en mettant fin à la traite »[11].
En 1833, il publie un premier ouvrage : De l'esclavage des Noirs et de la législation coloniale[12]. Ce livre est un réquisitoire contre l'esclavage et pour son abolition, mais il renvoie celle-ci à un « futur incident révolutionnaire que j'appelle du reste de mes vœux », car, écrit-il « Les révolutions se font pour rétablir dans l'ordre social l'équilibre que les envahissements de la richesse tendent toujours à détruire ». Il estime, dans la préface de l'ouvrage, que la Révolution de 1830 a ouvert une période longue dans laquelle les libertés ouvrières sont confisquées, bien que les ouvriers en aient été le moteur. Mais tous les éléments de son combat sont en place, et ses idées sont claires, car il considère que « l'homme noir n'est pas moins digne de la liberté que l'homme blanc » (Chapitre X) ; « l'esclavage des nègres est une injure à la dignité humaine, parce que l'intelligence de l'homme noir est parfaitement égale à celle de l'homme blanc » (Chapitre XI). Mais il ne propose en conclusion de son ouvrage qu'un texte de loi visant à humaniser autant que faire se peut l'esclavage, et non pas à l'abolir immédiatement. Car à cette époque il pense que dans le cadre du régime issu de la révolution de 1830, il ne sera pas possible d'aller plus loin. Cette loi encadrerait l'esclavage dans des limites, donnerait des droits aux esclaves, limiterait donc les droits des maîtres, mais tolérerait malgré tout le maintien de la peine du fouet, « toute révoltante qu'elle soit », sans laquelle « les maîtres ne pourraient plus faire travailler dans les plantations ». Il est complètement lucide sur la portée de sa proposition, et surtout sur ses limites, car il confesse : « dès que vous acceptez un mode d'existence contraire à toutes les lois de la nature, il faut vous résigner à sortir des bornes de l'humanité » ; or, pour lui, l'esclavage sort des bornes de l'humanité.
De mai 1840 à juin 1841, il retourne aux Antilles[13] et visite plusieurs habitations, parmi lesquelles celle de Trou-Vaillant (Saint-James), dont le domaine et les esclaves appartiennent à l’État. Cette situation le révolte, comme on peu le lire dans Des colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage[14], ouvrage qu'il publie en 1842 :
« LA FRANCE POSSÈDE DES HABITATIONS ! Nous avons visité celle du Trouvaillant près Saint-Pierre. Eh bien ! les esclaves de la France, les nègres du roi comme on les appelle, ne sont pas mieux traités que ceux du plus mince petit blanc. Aucun essai particulier n'a été tenté en leur faveur, aucune amélioration n'a été introduite dans leur régime ; il n'y a pour eux aucun avantage d'appartenir à la France ; point d'éducation, point de lecture, point de moralisation, aucun de ces enseignements où l'homme au moins apprend à se connaitre et à s'estimer. Des planteurs ont des usines moins délabrées, des cases plus belles, et une infirmerie mieux tenue que celles de la nation ! Et vous voulez que les colons vous supposent le désir d'affranchir ! Quelle honte, d'ailleurs, que le gouvernement de France ait encore des esclaves ! Pourquoi ne donne-t-il pas le signal de l'abolition en élargissant tous ses nègres, comme fit la couronne d'Angleterre le 12 mars 1831 ? Il hésite, tandis que le bey de Tunis vient de proscrire l'esclavage dans ses états ! La France reçoit maintenant des leçons d'humanité des régences barbaresques ! »
Après ce séjour aux Antilles, il se prononce pour une abolition immédiate et complète, et se consacre désormais entièrement à cette cause.
Ses voyages en Grèce, en Égypte et au Sénégal le confortèrent dans cette conviction. En 1845, à l'occasion du débat parlementaire sur des lois d’humanisation de l’esclavage, il publie des articles nombreux dans des journaux et revues comme Le Courrier Français, le Siècle, Le Journal des Économistes, L’Atelier, L'Abolitioniste français, La Revue Indépendante et surtout la Réforme.
En 1847, il regroupe ces articles dans un ouvrage intitulé Histoire de l’esclavage pendant ces deux dernières années[15]. Après avoir écrit que « tout le monde est d’accord sur la sainteté du principe de l'abolition », et « que le sort des esclaves n'a pas cessé d'être horrible, atroce, dégradant, infâme, malgré les lois, les ordonnances, les règlements faits pour l'alléger », il conclut le préambule de son ouvrage par : « Le seul, l'unique remède aux maux incalculables de la servitude c'est la liberté. Il est impossible d'introduire l'humanité dans l'esclavage. Il n'existe qu'un moyen d'améliorer réellement le sort des nègres, c'est de prononcer l'émancipation complète et immédiate ».
En 1848, Victor Schœlcher est nommé sous-secrétaire d'État à la Marine et aux colonies dans le gouvernement provisoire de 1848 par le ministre François Arago. Nommé également président de la commission d'abolition de l'esclavage, il est l'initiateur du décret du 27 avril 1848, signé à l'Hôtel de la Marine[16], qui abolit définitivement l'esclavage en France. L'esclavage avait déjà été aboli en France, pendant la Révolution française le 16 pluviôse an II, puis rétabli par Napoléon Ier par la loi du 20 mai 1802.
Sa notoriété le conduit à être élu[13] député, à la fois par la Martinique (le , 3e et dernier par 19 117 voix sur 20 698 exprimés) et par la Guadeloupe (le , 2e sur 3, par 16 038 voix sur 33 734 votants). Il opte pour la Martinique.
En Martinique en 1849, une alliance est conclue entre Cyrille Bissette et le béké François Pécoul en vue des élections législatives de juin. Les résultats consacrent l'écrasante victoire du tandem Bissette-Pécoul qui obtiennent respectivement 16 327 voix et 13 482 voix. Victor Schœlcher est battu et ne recueille que 3 617 voix. Il fut élu en , comme représentant de la Guadeloupe à l'Assemblée législative.
D' à , il siège à gauche, en tant que vice-président du groupe de la Montagne. Il intervient en faveur des noirs, demande l'élection des officiers de l'armée jusqu'au grade de capitaine, dépose un amendement demandant que les compagnies de chemins de fer équipent les 3e classes de wagons fermés, réclame l'abolition de la peine de mort[17]. Il vote pour le droit au travail, pour l'ensemble de la Constitution, contre l'expédition de Rome, etc.[13]
Lors du coup d'État du 2 décembre 1851, il fut un des députés présents aux côtés d'Alphonse Baudin sur la barricade où celui-ci sera tué. Républicain, il est proscrit durant le Second Empire par le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte. Il s'exile en Angleterre et y devient un spécialiste de l'œuvre du compositeur de musique sacrée Georg Friedrich Haendel, rassemble une collection très importante de ses manuscrits et partitions[18] et rédige une de ses premières biographies, mais celle-ci n'est éditée que dans sa traduction anglaise. En 1870, il revient en France à la suite de la défaite de Sedan. Il est alors nommé colonel d'état-major de la garde nationale et obtient le commandement de la légion d'artillerie[19].
Après l'abdication de Napoléon III, il est réélu député de la Martinique à l'Assemblée nationale de à . En , en pleine crise communaliste, il publie un appel pour que l'assemblée de Versailles choisisse la conciliation plutôt que l'affrontement avec la Commune :
« L'Assemblée, bien qu'elle ait le droit de son côté, ne peut avoir la criminelle pensée, pour le faire prévaloir, d'assiéger la Commune[20]. »
Le , il est élu sénateur inamovible par l'Assemblée nationale.
En 1877, Victor Schœlcher dépose une proposition de loi pour interdire la bastonnade dans les bagnes. La commission d'initiatives refuse la proposition, mais les peines corporelles seront abolies en 1880. Sous la Troisième République, le gouvernement Ferry promulgua la loi du , dite de « réparation nationale », qui allouait une pension ou rente viagère aux citoyens français victimes du coup d'État du 2 décembre 1851 et de la Loi de sûreté générale. La Commission générale chargée d'examiner les dossiers, présidée par le Ministre de l'Intérieur, était composée de représentants du ministère, de conseillers d'État, et comprenait huit parlementaires, tous d'anciennes victimes : quatre sénateurs (Victor Hugo, Jean Macé, Elzéar Pin, Victor Schœlcher) et quatre députés (Louis Greppo, Noël Madier de Montjau, Martin Nadaud et Alexandre Dethou)[21].
En 1884 et 1885, il tente de s'opposer, sans succès, à l'institution de la relégation des forçats récidivistes en Guyane. Abolitionniste mais colonialiste, il continue de défendre la colonisation par le bulletin de vote et la scolarisation[22].
À la fin de sa vie, comme il ne s'était jamais marié et qu'il n'avait pas eu d'enfant, il décida de donner tout ce qu'il possédait ; il a notamment fait don d'une collection d'objets au Conseil général de la Guadeloupe, aujourd'hui hébergée au musée Schœlcher. Victor Schœlcher est mort le à l'âge de 89 ans dans sa maison qu'il louait depuis 1876 au 26 rue d'Argenteuil[23], devenue depuis l'avenue Schœlcher, à Houilles dans les Yvelines.
Enterré à Paris au cimetière du Père-Lachaise, mais non incinéré bien qu'il en ait exprimé le souhait[24], son corps fut transféré par décision de l'Assemblée nationale et du Président du Conseil de la République, Gaston Monnerville au Panthéon le en même temps que les restes du Guyanais Félix Éboué (premier noir à y être inhumé) et également ceux de son père Marc Schœlcher, porcelainier de son état, car Victor Schœlcher avait exprimé désirer vivement être inhumé à son côté.
« Évoquer Schœlcher, ce n'est pas invoquer un vain fantôme, c'est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive… Schœlcher dépasse l'abolitionnisme et rejoint la lignée de l'homme révolutionnaire : celui qui se situe résolument dans le réel et oriente l'histoire vers sa fin (…) Victor Schœlcher, un des rares souffles d’air pur qui ait soufflé sur une histoire de meurtres, de pillage et d’exactions. »
— Aimé Césaire, extrait de l'introduction de Esclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schœlcher publié par Émile Tersen, Presses Universitaires de France, 1948[25].
Le 22 mai 2020, jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique, les deux statues de Victor Schoelcher présentes à Fort-de-France et à Schoelcher sont détruites[28] par des manifestants se proclamant « antibéké et anti-héritage colonial »[29]. Les manifestants reprochent au pouvoir français et aux collectivités « de ne célébrer que des hommes blancs, et d’occulter les figures des esclaves qui se sont révoltés »[30] ; et à Schœlcher en particulier, d'avoir permis une indemnisation financière des anciens maîtres blancs, en compensation de l'abolition.
Statue de Victor Schœlcher dans la commune de Schœlcher en Martinique.
Buste de Victor Schœlcher, musée Schœlcher en Guadeloupe.
« L'an mil huit cent quatre-vingt treize, le vingt-six décembre, à neuf heures du matin, par devant nous Henri Vanin, maire officier de l'état civil de la commune de Houilles, arrondissement de Versailles, département de Seine-et-Oise, ont comparu messieurs Marcel Mar… Joseph, âgé de cinquante-deux ans, inspecteur du contrôle des chemins de fer, et Marcel Gustave, âgé de cinquante cinq ans, propriétaire, adjoint au maire de la commune, tous deux domiciliés à Houilles, voisins du décédé ci-après dénommé, lesquels nous ont déclaré que Schœlcher Victor, sénateur inamovible, âgé de quatre-vingt neuf ans, né à Paris le 4 juillet 1804, fils de Marc et de Jacob Victoire décédés, demeurant à Houilles, avenue d'Argenteuil, est décédé hier, à dix heures du soir à son domicile. Et après nous être assuré du décès, nous avons dressé le présent acte que les déclarants ont signé avec nous après lecture faite. »
— Signé : G. Marcel, Marcel, Vanin. Archives départementales des Yvelines.
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