Spécialité | Neurologie |
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OMIM | 610382 |
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MeSH | D020238 |
La prosopagnosie est un trouble de la reconnaissance des visages, distinct de la prosopamnésie. C'est une agnosie visuelle spécifique rendant difficile ou impossible l'identification des visages humains. Le prosopagnosique reconnait les personnes en recourant à des subterfuges, comme l'identification visuelle par l'allure générale (démarche, taille, corpulence) ou à des détails (vêtement familier, coiffure, barbe, tache de naissance, lunettes) ou des indices multisensoriels (voix, odeur, poignée de main, etc.)
Le mot est composé du grec πρόσωπον « visage », α (privatif) et γνωσία « reconnaissance ».
Elle se manifeste chez les sujets atteints par une incapacité à reconnaître et différencier les visages familiers tels que ceux de leurs proches, amis et parfois même leur propre visage. Les sujets atteints de cette pathologie sont capables de voir, mais pas de reconnaître. Leur acuité visuelle est normale, ils sont capables de décrire en détail un visage familier, mais n’y associent pas d’identité.
La première description de la prosopagnosie acquise a été rapportée par un neurologue allemand, Joachim Bodamer (de) en 1947. Il publie une description détaillée de deux soldats qui sont incapables de reconnaître des visages familiers après des lésions cérébrales survenues pendant la guerre. Une forme pédiatrique est décrite en 1995 par une neurologue anglaise, Helen McConachie[1],[2].
Le développement des études scientifiques est facilité par l’essor de techniques d'imagerie.
La proportion de la population mondiale atteinte de cette pathologie n'est pas connue. Le seul chiffre disponible concernant la prévalence de la prosopagnosie est celui d'une étude allemande, qui a estimé sur la base d'un échantillon dans une université allemande que 2,5% de sujets étaient atteints[3].
Il existe principalement deux types de prosopagnosie : la prosopagnosie innée et la prosopagnosie acquise.
Si on considère que le traitement précoce des informations permettant l’analyse des visages est préservé chez certains sujets mais pas chez d’autres, on est amené à penser qu’il existe différentes formes de prosopagnosie.
Il existe un cadre théorique permettant l’analyse des différents processus impliqués dans l’identification des visages. Bruce et Young en 1986, ont introduit l’un des modèles théoriques les plus influents, dans lequel ils postulent que le traitement des visages se réalise de manière sérielle, selon trois étapes :
On estime que les étapes de traitement des images perçues des visages sont perturbées chez les patients prosopagnosiques. Le dysfonctionnement pourrait résider soit dans l’étape initiale du traitement, dès l’analyse structurale du visage, soit dans l’étape plus tardive, rendant impossible l’accès aux unités de reconnaissance faciale et/ou aux informations sémantiques. Ces hypothèses ont été analysées par des études utilisant des tâches de traitement d’appareillement de visages non familiers et/ou exprimant diverses émotions, présentés sous différents angles et éclairage. Toutefois, à nouveau les résultats divergent, tout comme les avis des chercheurs. Certains établissent que les mécanismes généraux du traitement des visages ne sont pas affectés, puisque les sujets prosopagnosiques de l’étude semblent être capables d’estimer l’âge, de distinguer le sexe du faciès, d’en juger l'expression, et d’appareiller différentes vues d’un même visage. D’autres chercheurs rapportent le contraire, en montrant que certains sujets atteints présentent des déficiences dans le traitement général des visages, ne distinguant ni le sexe ni l’âge ni les émotions.
Les données développées dans ce paragraphe sont issues de travaux de la littérature scientifique. Les études analytiques de patients atteints de prosopagnosie montrent que plus de la moitié d’entre eux présentent des lésions cérébrales bilatérales (des deux hémisphères cérébraux). Mais les avis divergent : certains auteurs parlent de bilatéralité univoque alors que d’autres estiment qu'une lésion unilatérale suffit pour qu'apparaisse le trouble. Une des raisons pouvant expliquer le débat est la symétrie cérébrale. En effet, la mise en place de cette symétrie ne suit pas de règles précises et dépend généralement de la latéralisation du sujet.
Qu’il s’agisse de lésions unilatérales ou bilatérales, ce sont les lobes temporaux et occipitaux qui sont les plus fréquemment touchés, tandis que les lobes frontaux et pariétaux semblent beaucoup moins touchés. Par ailleurs, il ressort de la littérature que ce sont les lésions droites et plus particulièrement situées dans les lobes temporal et occipital qui provoqueraient l’apparition des troubles. En effet, le lobe pariétal comprend certaines aires corticales composées de neurones liés aux processus mnésiques ainsi que de neurones dédiés à la reconnaissance d’objets associés, tels que les visages. Des lésions des aires visuelles de V4 (selon la topographie de Brodman) semblent provoquer la pathologie. Une étude réalisée en 1991 par J. Sergent a permis de révéler l’intervention de structures cérébrales particulières dans la pathologie. Grâce à la tomographie par émission de positons (TEP), la chercheuse française a découvert que les gyrus fusiforme et lingual droits situés dans le lobe temporal doit, ainsi que la partie antérieure des lobes temporaux sont activés lors de la présentation d’un stimulus facial. D’autres études ont permis de découvrir que le gyrus occipital inférieur serait fréquemment touché en cas de prosopagnosie.
Ces régions cérébrales hébergent notamment certaines zones fonctionnelles primordiales qui interviennent dans la reconnaissance des visages : « fusiforme face area » (FFA, ou aire fusiforme des visages), zone du gyrus fusiforme, « occipital face area » (OFA, ou aire occipitale des visages), zone du gyrus occipital inférieur. Lors d'études par imagerie cérébrale d'activation (IRM fonctionnelle), la reconnaissance d’un visage semble activer préférentiellement la FFA et la OFA de l’hémisphère droit. Il semble logique qu'une lésion d’une de ces deux zones entraîne l’apparition de la prosopagnosie. On retiendra qu’il est plus fréquent d’observer une prosopagnosie associée à une lésion de l’hémisphère droit qu’à une lésion unique de l’hémisphère gauche.
Le , une équipe de chercheurs de l'Université Ben Gourion du Néguev[4] a étudié grâce à l'IRM fonctionnelle plusieurs sujets atteints de prosopagnosie congénitale (PC)[5] :
Il faut identifier les mécanismes cognitifs à l’origine des dysfonctionnements observés chez les patients prosopagnosiques. Plusieurs hypothèses s'opposent, mais l'une d’entre elles est largement répandue, qui suppose que prosopagnosie découlerait d’un déficit de traitement holistique. D’autres hypothèses sont apparues relativement récemment, mettant en cause une possible atteinte de la perception des distances, ou encore une atteinte des traitements visuels. Le courant de pensée « holistique » né à la fin du XIXe siècle considère que la perception sensorielle d’une entité globale est qualitativement différente de la somme des perceptions individuelles de chacune de ses composantes.
Au travers des publications scientifiques, une tendance s’est largement répandue pour expliquer la prosopagnosie en termes de déficit d’intégration de composants locaux en un tout indissocié. En effet, des auteurs tel Galton (1883) considèrent que les traits du visage ne seraient pas représentés et perçus de façon indépendante, mais intégrés dans une représentation perceptive globale. Certaines études en IRMf par présentation de visages inversés montrent la présence « d’inversions » pour les visages au niveau de l'aire fusiforme des visages (et dans une moindre mesure au niveau du lobe occipital). Ceci va dans le sens d’un processus de codage holistique dans cette région[7] (Angélique Mazard et al., 2006)[source insuffisante]. Ces preuves sont cependant indirectes, étant donné que l’inversion haut-bas du stimulus visuel affecte non seulement l’intégration des traits faciaux en une représentation holistique, mais également le codage de traits localisés. Les données actuelles de la littérature font évoquer la possibilité d’intervention d’autres facteurs explicatifs.
Il existe assez peu de tests permettant une évaluation diagnostique de la pathologie qui permettrait de déterminer le type de prosopagnosie ou l'étape défaillante dans le traitement de l’information.
Un des tests généralement utilisé est celui des visages célèbres, dans lequel des visages de personnalités sont présentés aux sujets. Il existe aussi le test de reconnaissance facial de Benton (BFRT), basé sur l’appariement de visages identiques présentés sous différents angles.
Un autre test, développé par des chercheurs américains et anglais, et basé sur une présentation successive de stimuli visuels (objets, visages, animaux…), a montré que les sujets prosopagnosiques étaient incapables de reconnaître les visages qui leur avaient été présentés, alors qu'ils reconnaissaient les objets et animaux de la série.
La prise en charge de la prosopagnosie est souvent longue et semble apporter peu de résultats. L’échec des rééducations est probablement lié pour part à la méconnaissance des mécanismes responsables du déficit.
Le neurologue Oliver Sacks parle de sa propre prosopagnosie dans son ouvrage L’Œil de l'esprit (2010). Il cite également le cas de la primatologue Jane Goodall, dont le déficit de reconnaissance faciale concerne autant les humains que les primates qu'elle étudie[8]. Parmi les personnalités contemporaines, les acteurs Thierry Lhermitte[9] et Brad Pitt[10], l'essayiste Éric Naulleau[11], le journaliste Philippe Vandel, la comédienne Aude GG et l'auteur de bande dessinée Boulet[12] reconnaissent être atteints de ce handicap.
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