Développé par | NSO Group |
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Système d'exploitation | IOS et Android |
Type | Logiciel espion |
Licence | Licence propriétaire |
Pegasus est un logiciel espion destiné à attaquer les téléphones mobiles sous iOS et Android. Il est conçu et commercialisé dès 2013 par l'entreprise israélienne NSO Group et les premières traces de ses intrusions ne sont découvertes qu'en 2016. Installé sur l'appareil, il accède aux fichiers, messages, photos et mots de passe, écoute les appels, et peut déclencher l'enregistrement audio, la caméra ou encore le suivi de la géolocalisation.
Pegasus est officiellement vendu uniquement à des organisations étatiques pour la surveillance des personnes soupçonnées de terrorisme ou autre crimes graves. Dans la pratique, il se révèle être aussi utilisé par des régimes démocratiques et des régimes autoritaires pour surveiller des journalistes, des opposants politiques et des militants des droits de l'homme. En vertu d'accords de principe, les clients de Pegasus ne peuvent pas cibler de téléphones aux États-Unis, en Chine, en Russie, en Israël ou en Iran.
La société israélienne NSO Group fabrique et commercialise des équipements de pointe destinés à lutter contre le terrorisme et le crime organisé[1] et le logiciel Pegasus fait partie de son offre. L'acquisition d'une licence peut atteindre 25 000 $ par cible[2]. Chaque vente doit être visée par le ministère israélien de la Défense[3].
Le groupe NSO fait face à plusieurs poursuites reliées à l'utilisation du logiciel espion[3]. Une fuite de courriels indique que le logiciel est commercialisé dès , date à laquelle les Émirats arabes unis l'achètent[4]. En 2016, grâce à la vigilance de l'opposant émirati Ahmed Mansour (en) exilé au Canada, les chercheurs du Citizen Lab de l'université de Toronto découvrent Pegasus sur son téléphone[5].
Le fonctionnement technique du logiciel Pegasus qui utilise les failles de sécurité des systèmes d'exploitation iOS ou Android des téléphones mobiles évolue en permanence. La société NSO Group qui le produit analyse aussi les découvertes réalisées sur les modes opératoires du logiciel par des ONG ou des journalistes et le modifie en fonction[6].
Les vulnérabilités zero-day étant très difficiles à trouver — elles font l'objet d'un véritable marché dans lequel des hackers vendent leurs trouvailles au plus offrant[7] —, elles ont un coût élevé[8], par exemple jusqu'à 2,5 millions d'euros pour une faille concernant le système d'exploitation Android[9]. La découverte de vulnérabilités sur iOS est relativement rare, mais Pegasus exploite de nouvelles vulnérabilités au fur et à mesure qu'elles sont détectées et avant qu'elles ne soient corrigées par Apple[8].
Par exemple, dès 2016, l'iPhone 6 a été la cible de Pegasus qui exploitait plusieurs vulnérabilités logées dans la bibliothèque WebKit. Les failles permettent, en chargeant une page web, d'exécuter du code tiers sur l'iPhone puis de réaliser un Jailbreak d'iOS sur un iPhone ; ensuite, le logiciel chargé localise les zones mémoire du noyau de système d’exploitation pour les modifier, mettant hors d'usage les différentes couches de protection applicative. Le piratage se termine par le téléchargement et l'installation de Pegasus[10].
L'installation du logiciel sur le smartphone visé peut se faire par plusieurs moyens[11]:
Pegasus fournit au commanditaire un large accès aux données du téléphone, incluant les sms et les messages (y compris chiffrés) envoyés et reçus, le carnet d'adresses, il peut activer micro et caméra, capter les données de localisation GPS et permettre l'enregistrement des appels téléphoniques[11],[14]. Il peut accéder aussi aux publications sur les réseaux sociaux, aux photos, aux vidéos, aux enregistrements. Il a accès aux historiques des consultations internet. Il peut aussi retracer l’itinéraire de son utilisateur[15]. Par exemple, Pegasus est capable de capter des données d’applications, comme WhatsApp, Skype, Facebook ou Gmail. Il peut aussi enregistrer tous les caractères saisis sur le téléphone ou photographier l’écran[16].
Le logiciel espion Pegasus est sophistiqué et modulaire, en plus de permettre une personnalisation selon le pays d'utilisation ou les propriétés achetées par l'utilisateur final. Il utilise un chiffrement pour se protéger de la détection des outils de sécurité traditionnels et dispose d'un mécanisme de surveillance et d'autodestruction[17]. Les versions les plus récentes du logiciel sont susceptibles de se loger uniquement dans la mémoire vive du smartphone, et non sa mémoire permanente, ce qui permet d'en faire disparaître toute trace lors de l'extinction du téléphone[11].
L'architecture technique du système s'appuie sur trois niveaux : une station de travail, un serveur informatique d'infection et une infrastructure cloud. L'opérateur lance son attaque depuis sa station, ce qui provoque l'envoi du SMS piégé. Le lien qu'il incorpore pointe vers l'un des serveurs web de l'infrastructure cloud. Le serveur web redirige la victime ensuite vers le serveur d'infection qui va exécuter l'attaque[10].
Pegasus s'appuie sur les serveurs informatiques d'Amazon Web Services (AWS), filiale d'Amazon et de serveurs hébergés en Europe, dont ceux d'OVH[18]. Suite aux révélations du Projet Pegasus en juillet 2021, Amazon débranche ces serveurs. Selon le laboratoire de recherches canadien Citizen Lab, les services informatiques d’AWS constituent un pilier important de l’infrastructure technique de Pegasus, sans pour autant constituer le cœur de son infrastructure informatique[19].
Pour vérifier si un téléphone mobile est infecté, une analyse technique par des experts en sécurité informatique est nécessaire. Dans le cadre de l'enquête journalistique du projet Pegasus, le Security Lab d’Amnesty International, qui par ailleurs offre pour les initiés un outil de détection, a analysé des téléphones ciblés et y a détecté des traces d’intrusions. La méthode de détection a été validée de manière indépendante par les chercheurs du Citizen Lab de l’université de Toronto[20],[21].
L'entreprise NSO Group qui revendique une quarantaine de clients étatiques[6] travaille en relation avec le gouvernement israélien qui délivre les autorisations d’exportation[22]. Parmi les États qui utiliseraient le logiciel figurent l'Espagne, l'Arabie saoudite, l'Azerbaïdjan, Bahreïn, les Émirats arabes unis, la Hongrie, l'Inde, le Kazakhstan, le Maroc, le Mexique, le Panama, le Rwanda et le Togo[23],[24],[25].
L'utilisation du logiciel est controversée. En effet, si l'entreprise revendique une utilisation légale de cette technologie (enquêtes criminelles comme celle qui a mené à l'arrestation du baron de la drogue El Chapo), Pegasus est dans la pratique utilisé par des agences de renseignements étatiques, parfois de dictatures, pour espionner des journalistes, des opposants politiques et des militants des droits de l'homme[26].
L'Espagne a utilisé Pegasus contre le mouvement indépendantiste catalan, à partir de 2015[27].
Les premières révélations sortent en 2016 sur la société israélienne NSO Group[28].Le , le laboratoire Citizen Lab et l'entreprise Lookout (en) révèlent que le smartphone du militant des droits de l'homme Ahmed Mansoor (en) a été ciblé par un logiciel espion nommé Pegasus[29]. Ahmed Mansoor est un militant émirati, lauréat 2015 du prix Martin Ennals. Le , il informe les chercheurs du Citizen Lab, Bill Marczak et John Scott-Railton, qu'il vient de recevoir deux SMS suspects sur son iPhone 6. Ces SMS promettent de lui révéler des secrets sur les prisonniers torturés dans les prisons des Émirats arabes unis (EAU). Mansoor devient immédiatement suspicieux : il a été emprisonné pour son activisme et est régulièrement la cible de malwares commerciaux que les analystes ont rattachés au gouvernement des EAU[29].
L'analyse publiée par Citizen Lab et Lookout indique que l'URL du SMS (qui relève du hameçonnage ciblé) dirige vers le téléchargement d'un logiciel malveillant qui exploite trois vulnérabilités critiques dites « zero-day » du système d'exploitation iOS, dénommé Trident. Le logiciel s'installe alors discrètement sur l'iPhone sans en informer l'utilisateur et transmet au commanditaire de nombreuses données (localisation GPS, communications, photos, liste des contacts, accès aux micro et caméra, etc.)[17],[30],[15],[31]. Les chercheurs découvrent que le virus est un produit référencé par NSO Group, appelé Pegasus dans des documents confidentiels[17]. Des détails du logiciel espion confirment aux chercheurs que son emploi n'est pas nouveau et remonte à plusieurs années[32].
Au Mexique, où le gouvernement a payé 80 millions de dollars pour en faire l'acquisition, il a servi à suivre le journaliste mexicain Javier Valdez Cárdenas, assassiné en 2017, et au moins huit autres journalistes, ainsi que l'a démontré le Citizen Lab de l'université de Toronto dans une série d'articles[33]. En Arabie saoudite, il a servi à espionner divers activistes, notamment un confident de Jamal Khashoggi en [34].
En , le Citizen Lab a alerté Facebook après avoir découvert une activité suspecte dans le téléphone d'un avocat britannique, Yahya Assiri (en), impliqué dans des poursuites visant NSO Group. L'entreprise est en effet accusée de fournir à l'Arabie saoudite des outils pour pirater les téléphones d'Omar Abdulaziz (vlogger) (en), un dissident saoudien installé au Canada — dont l'espionnage est susceptible d'avoir concouru à l'assassinat de Jamal Khashoggi —, un citoyen qatarien et un groupe de journalistes et de militants mexicains[35],[36],[37],[38]. Dès le , WhatsApp reconnait publiquement qu'une vulnérabilité de son logiciel[39] permet au groupe NSO d'infecter un téléphone par un simple appel, même laissé sans réponse, et il invite toute sa base d'usagers à installer une mise à jour[40]. La mise à jour iOS 9.3.5, publiée le , a supprimé les vulnérabilités exploitées par Pegasus à cette date[41]. In fine, WhatsApp évalue à 1 400 le nombre d'utilisateurs dont les téléphones ont été infectés par Pegasus[42].
L’ONG Citizen Lab établit qu'en 2019 le téléphone de Roger Torrent, président du Parlement de Catalogne, a été ciblé par ce logiciel espion[43].
Le logiciel a été employé par le gouvernement mexicain d'Enrique Peña Nieto pour surveiller des journalistes, des opposants politiques, et des enquêteurs internationaux[44].
En , Amnesty International a déposé un affidavit en Israël demandant de cesser la vente et la distribution du logiciel espion parce que celui-ci menace le droit à la vie privée et à la liberté d'opinion et d'expression, en violation des obligations d'Israël[45],[46].
En , le journal Le Monde révèle, d'après une enquête menée conjointement avec le journal The Guardian, que six Togolais, opposants au régime en place ou dignitaires religieux, dont Mgr Benoît Alowonou, évêque du diocèse de Kpalimé, ont été la cible d'espionnage via l’utilisation du logiciel Pegasus[47].
Quelques mois plus tard, en , le laboratoire Citizen Lab révèle que plus d'une trentaine de journalistes de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera ont été pris pour cible par Pegasus, probablement à l'initiative de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis[48],[49].
En , une enquête nommée « Projet Pegasus » du collectif de journalistes Forbidden Stories s'appuyant sur l'expertise technique d'Amnesty International (Security Lab d’Amnesty International), montre que le logiciel est utilisé à des fins politiques par onze États, notamment pour espionner des opposants, des militants, des journalistes et des juges[50],[51].
Parmi les mille cibles potentielles identifiées, sur 50 000 numéros de téléphone présélectionnés par des États, on dénombre 189 journalistes, 85 militants des droits de l'homme, 65 dirigeants d'entreprises et 600 personnalités politiques ou membres d'instances gouvernementales, dont plusieurs chefs d'État[12],[52].
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incorrecte : le nom « Le Monde coulisses » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
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