Réalisation | Joseph Losey |
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Scénario |
Franco Solinas Costa-Gavras[1] |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production |
Lira Films Adel Productions Mondial Televisione Film |
Pays d’origine |
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Genre | Drame |
Durée | 123 min. |
Sortie | 1976 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Monsieur Klein est un film franco-italien sorti en 1976. Réalisé par le cinéaste américain Joseph Losey, il est produit par Alain Delon, également acteur principal.
Hiver 1942 à Paris, sous l'Occupation. Dans un hôpital, une femme subit passivement une humiliante visite médicale qui met en évidence ses racines sémites. Le rapport sera envoyé à la Préfecture de police, ce qui n'augure rien de bon car les Juifs sont persécutés. Mais en retrouvant son époux, qui s'est prêté à un examen analogue, elle affirme que tout s'est bien passé[2].
Indifférent à ce climat oppressant, le marchand d'art Robert Klein vit luxueusement dans un hôtel particulier de la rue du Bac. Fréquentant les salles des ventes[3], il achète aussi sans le moindre scrupule, à des Juifs aux abois pressés de fuir la France, des objets qu'ils cèdent à vil prix au terme d'âpres tractations. Il reconduit l'un d'eux sur le seuil, après lui avoir payé 300 louis d'or - soit la moitié de sa valeur - le « Portrait d'un gentilhomme hollandais » peint par Adriaen van Ostade[4]. En prenant congé, il découvre dans son courrier glissé sous la porte un exemplaire des « Informations juives ». Il comprend alors qu'un homonyme, abonné à ce journal réservé aux Israélites, lui a fait endosser son identité. Or les membres de la communauté juive sont fichés en raison de leur prétendue origine raciale. Par une sorte de prémonition funeste, son client lui souhaite « bonne chance, Monsieur Klein ».
En cherchant à prouver qu'il n'est pas juif, Robert Klein s'englue peu à peu dans un piège quasi kafkaïen. Il ne fait qu'attirer l'attention des autorités, muée en suspicion puis, bien vite, en conviction. Pour obtenir des certificats de catholicité, il rend visite à son père, qui vit à Strasbourg. Devenu infirme, le vieil homme commence par s’emporter et affirme avec force que les Klein sont catholiques et Français, avant de lui apprendre qu'il existe une branche hollandaise de la famille Klein, sur laquelle il évite de s'étendre. Menant sa propre enquête, Robert remonte la piste de son homonyme[5]. Insaisissable, cet homme mystérieux change régulièrement de domicile. Il entretient des liaisons féminines, entre autres avec une aristocrate évanescente et une compagne énigmatique prénommée « Françoise », « Kathy » ou « Isabelle ». Il roule en side-car et possède un berger allemand. Les recherches de l'affairiste le conduisent tour à tour dans un logement sordide situé rue des Abbesses ; un laboratoire photographique ; un château fantomatique d'Ivry-la-Bataille ; les coulisses d'un cabaret donnant un spectacle antisémite[6],[7] ; une usine de la place Balard... Il découvre que l'autre Klein, un résistant, joue de leur homonymie pour agir clandestinement. L'inconnu semble avoir été victime d'un attentat relaté par la presse. Robert va examiner le corps à la morgue.
La police poursuit le marchand d'art. Ses biens sont saisis. Par un étrange hasard, il recueille un berger allemand abandonné. Mais craignant pour son sort, il cherche à gagner la Méditerranée par Marseille. Il est muni de faux papiers procurés par Pierre, un ami avocat qui l'a aussi aidé à vendre son hôtel particulier non sans s'enrichir, à cette occasion, d'un demi-million de francs. Dans le train, il s'adresse à une femme assise en face de lui - probablement Françoise, alias Kathy ou Isabelle. Elle semble connaître Robert mais la discussion tourne court. Cet étrange hasard le décide de renoncer à son projet d'évasion. Il rebrousse chemin, souhaitant plus que jamais connaître celui dont il est victime mais qui le fascine. Il peut enfin le rencontrer, au pied de l'immeuble de Pigalle qu'en fait le résistant n'a jamais quitté, aidé de la concierge éprise de lui. Arrivé au rendez-vous, il assiste, embusqué, à l'arrestation de son homonyme, que Pierre a dénoncé pour le protéger. Il est appréhendé lui aussi le lendemain, pendant une rafle évoquant celle du « Vél d'Hiv ». L'acte de baptême catholique d'une grand-mère, enfin arrivé d'Alger, peut le sauver in extremis. Parmi d'autres noms à consonance juive, les haut-parleurs du Vélodrome d'hiver appellent « Robert Klein ». Un homme vu de dos lève le bras puis disparaît dans un souterrain, entraîné par une foule qui se dirige vers un quai de gare. L'affairiste lui emboîte le pas, en affirmant à Pierre qu'il va revenir. Déportés conjointement, les deux Robert Klein ne se seront jamais rencontrés. Dans le wagon qui les conduit vers une mort probable, derrière le marchand d'art sans scrupule apparaît le visage grave de l'homme qui lui a cédé le tableau de van Ostade. Leur tractation du début résonne de nouveau.
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En évoquant le sort réservé aux Juifs sous l'Occupation, Joseph Losey intègre des éléments historiques à une œuvre artistique, voire métaphysique. Plusieurs critiques ont mis en évidence la parenté du film avec les écrits de Franz Kafka - notamment La Métamorphose, nouvelle qui narre la transformation cauchemardesque d'un homme en cloporte[réf. souhaitée].
Auteur du premier scénario avec Franco Solinas, Costa-Gavras souhaite tourner le film avec Jean-Paul Belmondo. Mais un conflit entre producteurs et une blessure de Belmondo entraînent l'annulation du projet. Alain Delon manifeste son intérêt pour le rôle principal. Costa-Gavras préfère se retirer. Delon tient à produire lui-même le film et convainc Joseph Losey, avec qui il a tourné L'Assassinat de Trotsky en 1972[1], d'en assurer la réalisation. Losey retravaille le scénario avec Solinas pour le rendre plus dense. Il y introduit diverses modifications[8]et ajoute la séquence du spectacle antisémite.
Dans l'une des dernières scènes du film, Losey apparaît au « Vél d’Hiv » parmi la foule des futurs déportés, aux côtés d'un homme âgé.
Pour les Nazis et le Régime de Vichy, Robert Klein est juif car il répond aux critères des lois de Nuremberg et de la loi française qui s'en inspire. Rien ne permet d'affirmer qu’il n’a pas de sang juif ; ce qu'il apprend de son père, à propos de la branche familiale hollandaise, peut même le faire penser. En tout cas, il finit par s’identifier à son homonyme juif. Le métissage (ou « Mischling », c'est-à-dire « mélange ») est illustré par l’appel, au « Vél d’Hiv », d'une liste de noms ashkenazes qui commence par « Mahmoud Hamchari »[9] .
Harry Baur, qui avait incarné de nombreux Juifs ou des personnages en rapport avec le judaïsme, fut dénoncé par la rumeur antisémite. Ainsi que Robert Klein, il fut considéré comme juif. Arrêté par la Gestapo et torturé, il prouva qu’il n’était pas juif. Libéré, il mourut six mois plus tard des suites de ses blessures.
Robert Klein acquiert, pour la moitié de sa valeur, une toile datant de l'âge d'or de la peinture néerlandaise. Due au grand maître Adriaen van Ostade, elle s'intitule « portrait d'un gentilhomme » ; en fait, elle représente un médecin qui examine le contenu d'un urinal.
Très vite, Robert Klein s'attache à l'œuvre au point que, plus tard, il en refusera farouchement la saisie, revendiquant l'objet comme « personnel ». Cette toile, il l'a achetée à un Juif menacé par les lois d'exclusion qui visent ses coreligionnaires. Or elle partage la même origine géographique que la branche présumée juive de la famille Klein, dont Robert apprend peu après l'existence en sondant son père âgé. Le tableau a été peint au 17e siècle dans les Provinces-Unies, alors terre d'asile pour ceux que les États européens persécutent en raison de leurs convictions religieuses - donc antithèse du Régime vichyste. Il représente un médecin, profession traditionnellement exercée par nombre d'intellectuels juifs. En ouvrant la conscience de Robert Klein à une réalité qui, jusqu'alors, lui avait échappé, la toile de van Ostade déclenche chez lui un irrépressible besoin de quête identitaire[10].
Au début du film, alors que des policiers attendent Robert Klein pour l'interroger tandis qu'un couple danse sur l’air « Tching-Kong » entendu au phonographe[11], on aperçoit au mur une copie de la toile de Marc Chagall « Le violoniste vert »[12]. À première vue identique à l’original, elle présente en fait de nombreuses différences, notamment dans certains détails entourant le musicien. Peint par un artiste juif, le tableau semble faire écho à celui de van Ostade que vient d'acquérir Robert, et dont le souvenir résonnera à la fin du film.
Bien que Losey n'en ait rien affirmé, le spectacle antisémite donné au cabaret évoque certains aspects du film de propagande nazie « Le Juif Süss » tourné en 1940.
Une affiche de ce film se trouve sur la scène du cabaret. Là s'arrête la ressemblance. Mais Losey pourrait s'être inspiré du film allemand sur deux points : le thème même du spectacle et l'un de ses accessoires. Dans le film « Le Juif Süss », les notables refusent au duc de Würtemberg de financer un opéra, un corps de ballet et une garde. Süss avance l'argent nécessaire ; feignant adroitement de s'indigner, il affirme au duc : « Je ne comprends pas que l'on puisse vous refuser cela »[13]. Par ailleurs, dans l'une des dernières séquences du film de 1940, le duc déclare à Süss : « Vous avez un masque d’hypocrite, vous devriez enlever votre masque ». Or dans le film de Losey, à la fin de la représentation, l'acteur grimé en Juif ôte ostensiblement un nez postiche proéminent.
Le thème du double développé dans « Monsieur Klein » rappelle le film La Mort aux trousses tourné en 1959. « Il s’agit en quelque sorte du cousin sombre, voire nihiliste de « La Mort aux trousses » d'Alfred Hitchcock, une chasse à l’homme par procuration dépourvue de toute frivolité ou suspense enjoués »[14]. Roger Thornhill est confondu avec son double George Kaplan. Or bien que cela ne soit pas précisé dans le film, « Kaplan » est un nom juif ashkenaze. Comme Robert Klein, George Kaplan se manifeste de façon diverse et invisible, le service de renseignements américain ayant créé un personnage fantôme. On observe en outre que les patronymes « Kaplan » et « Klein » partagent les mêmes lettres initiale (K), médiane (L) et finale (N).
Losey a choisi de ne pas tourner une reconstitution historique de l'Occupation. Pour cette raison, la présence allemande est délibérément réduite, voire occultée.
Le film comporte plusieurs anomalies :
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