Pour les articles homonymes, voir Perrot.
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Michelle Perrot, née Michelle Roux[2], née le [3] à Paris, est une historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot et militante féministe française.
Par ses travaux pionniers sur la question, elle est l'une des grandes figures de l'histoire des femmes. Elle a aussi travaillé sur l'histoire du mouvement ouvrier, et sur le système carcéral français.
Michelle Perrot est issue d'une famille bourgeoise[4] : dans l'entre-deux-guerres, son père est grossiste en articles de cuir dans le quartier du Sentier à Paris, rue Greneta[5]. Mobilisé durant la Première Guerre mondiale, son père en est revenu désabusé et a adopté des points de vue peu conformistes : il incite sa fille à faire du sport, à poursuivre ses études et à avoir une vie indépendante. En 2002, elle dit de lui : « Mon père était moderne, sportif, amateur de chevaux et de voitures de courses, lecteur de littérature américaine. Il était rentré de la guerre (14-18), qu’il avait faite dans les tranchées, révolté, sans illusion et sans engagement, irrespectueux, un peu anar. C’était un père fantaisiste et anti-conformiste, qui me traitait comme le garçon qu’il aurait sans doute voulu avoir. »[6]
Sa mère, issue d'une famille de « fonctionnaires laïques »[7], « fille d’un ingénieur des plantations du XIIIe arrondissement », a fait ses études secondaires au lycée Fénelon[8].
Michelle Perrot fait ses études secondaires au Cours Bossuet[9],[5], un établissement catholique traditionaliste[10] : « J’avais été éduquée dans un collège religieux, très traditionnel en la matière [c'est-à-dire : en ce qui concerne la formation des femmes]. Lors d’une conférence faite aux "dames" – nos mères –, le père Léonce de Grandmaison leur avait dit : "une femme doit être levée la première et couchée la dernière". Ma mère avait été scandalisée. »[11]. Parmi les professeures, pour la plupart des religieuses, auxquelles elle demeurera attachée[12], se trouvent quelques étudiantes, notamment Benoîte Groult[13], qui y enseigne l'anglais. Sur le trajet entre l'école et l'appartement familial, accompagnée de sa gouvernante, elle croise des ouvriers et des prostituées[14] : cette expérience la marque et fonde en partie ses engagements futurs en direction de la « marge »[10].
De 1947 à 1951, elle fait des études d'histoire à la Sorbonne, où elle reçoit l'enseignement d'Ernest Labrousse, à l'instar d'Alain Corbin avec qui elle reste amie[15], dont l'éloquence et la rigueur l’impressionnent. Elle fait sous sa direction un DES sur les Coalitions ouvrières de la Monarchie de Juillet. Au départ, elle aurait souhaité travailler sur le féminisme (1949 est l'année de la publication du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir), mais Labrousse l'en a dissuadée. Si pour elle « écrire sur [la classe ouvrière] était un moyen de la rejoindre[16] », l'historienne consacre aussi de longs développements dans sa thèse à la "xénophobie" ouvrière et à sa "violence", sujet sur lequel elle revient régulièrement[12].
Elle est ensuite reçue à l'agrégation et nommée professeur de lycée, tout en préparant (toujours sous la direction de Labrousse) une thèse de doctorat sur les grèves ouvrières du XIXe siècle.
En 1953, elle épouse un autre historien, Jean-Claude Perrot ; par la suite, elle fait toute sa carrière sous son nom d'épouse.
Professeure au lycée de jeunes filles de Caen, elle y côtoie, en tant que collègues, la future philosophe et historienne Mona Ozouf et la future biologiste Nicole Le Douarin, avec lesquelles elle se lie d'amitié. À Caen, elle travaille avec des membres de la Mission de France (prêtres ouvriers). Avec Jean-Claude Perrot et Jean Cuisenier (par la suite directeur du Musée national des arts et traditions populaires), elle mène des enquêtes sur les pratiques religieuses, démographiques et culturelles des ouvriers de la Société métallurgique de Normandie, à la manière de Gabriel Le Bras et Henri Lefebvre.
En 1960, elle organise avec Jean Maitron, qu'elle trouve « extrêmement sympathique » (« il avait été communiste, trotskiste et caetera... et finalement anarchiste [...], il avait un accent bourguignon très marqué[17] ») un colloque sur « Le militant ouvrier », dont un des résultats est la création de la revue Le Mouvement social, principale revue d’histoire ouvrière, élargie ensuite à l’ensemble du mouvement social, au mouvement féministe et, plus récemment, aux « études de genre ».
Elle est nommée assistante de Labrousse et soutient sa thèse en 1971.
Elle est ensuite nommée professeure à l’université Paris-Diderot, dont elle est professeure émérite d’histoire contemporaine.
Michelle Perrot milite d'abord dans un groupe de chrétiens progressistes fondé par Jacques Chatagner, qui publiait le mensuel La Quinzaine. En 1955, Rome suspend l’expérience des prêtres ouvriers, considérés comme des fourriers du communisme. La Quinzaine ayant protesté est condamnée. C'est pour cette raison que Michelle Perrot rompt avec l’Église et avec la foi de sa jeunesse.
Attirée par le communisme, elle adhère au PCF en 1955, au début de la guerre d'Algérie, pensant que le PCF serait la principale force d’opposition à cette guerre. Cependant, elle est « sérieusement refroidie par le rapport Khrouchtchev et l’insurrection hongroise de 1956 »[18]. Elle quitte le PCF dès 1958, mais reste cependant une « compagne de route ».
Dans le sillage de Pierre Vidal-Naquet, assistant à l’université de Caen, elle s'engage dans le combat contre la torture en Algérie, participant au comité Audin créé à Caen en incluant aussi son époux et les époux Ozouf, Jacques et Mona, avec qui ils forment « une bande de copains »[17].
En , elle fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson[19].
Le mouvement féministe émerge dans le sillage de Mai 1968. Michelle Perrot participe à des manifestations, pétitions, meetings. Avec Françoise Basch, elle fonde à l’automne 1974, un "Groupe d’études féministes" (GEF), non mixte, très actif pendant quelques années, où l’on aborde des sujets comme l'avortement, le viol, l'homosexualité, la prostitution, le travail domestique, la psychanalyse[20] et où des contacts avec les women's studies sont noués.
Au printemps 1973, avec Pauline Schmitt-Pantel et Fabienne Bock, Michelle Perrot crée un cours sur les femmes à l'université de Paris VII (Jussieu) intitulé : « Les femmes ont-elles une histoire ? ». L’interrogation témoigne du balbutiement de la discipline au niveau universitaire, au point que c’est à des collègues sociologues qu’elles vont faire appel pour inaugurer ce cursus avec une série de conférences. La première porte sur “La femme et la famille dans les sociétés développées” par Andrée Michel, « le , dans une salle comble, surchauffée par la présence d’étudiants gauchistes hostiles au cours parce que s’occuper des femmes c’était se détourner de la révolution… »[21],[22].
Elle anime également des séminaires sur divers thèmes de l'histoire des femmes et dirige des maîtrises et des thèses de doctorat sur ces mêmes thèmes. Elle a dirigé une cinquantaine de thèses. La première fut soutenue par Marie-Jo Bonnet en sur Recherches historiques sur les relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle.
Dans une tribune parue dans Le Monde le , elle affirme que « l'histoire demeure une science largement virile, dans son exercice comme dans son contenu[23]. »
En mars 2020, elle déclare : « Dans les années 70, le social dominait chez les gens progressistes : on pensait social avant de penser genre. Et ce que les années 70 ont fait apparaître avec éclat, c'est notamment le mouvement de libération des femmes : c'est un point-origine très important »[4].
Michelle Perrot a longtemps collaboré au quotidien Libération ; elle a co-produit et co-présenté l'émission Les Lundis de l'Histoire, sur France Culture jusqu'à son arrêt en .
Elle a également collaboré à l'émission Secrets d'Histoire consacrée à George Sand, intitulée George Sand, libre et passionnée diffusée le 2 août 2016 sur France 2[24].
Elle a été membre du Conseil national des programmes et du Conseil national du sida[25], nommée par Michel Rocard[17].
Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination pour l'éducation à la non-violence et à la paix.
Elle a notamment travaillé sur les mouvements ouvriers (Les ouvriers en grève, Mouton, 1974, sa thèse d'État dirigée par Ernest Labrousse), pour dit-elle « faire l'histoire par le bas »[10], les enquêtes sociales, la délinquance et le système pénitentiaire (sur cette question, ses principaux articles ont été réunis dans Les ombres de l’histoire. Crime et châtiment au XIXe siècle, Flammarion, 2001), collaborant avec Michel Foucault et animant de 1986 à 1991 avec Robert Badinter un séminaire sur la prison sous la Troisième république à l'École des hautes études en sciences sociales[26]. Son ouvrage Les Ouvriers en grève est salué par l'historien Roger-Henri Guerrand[27].
Mais Michelle Perrot a surtout contribué à l’émergence de l’histoire des femmes et du genre, dont elle est l’une des pionnières en France. Elle a notamment dirigé, avec Georges Duby, l’Histoire des femmes en Occident[28] (5 vol., Plon, 1991-1992)[29],[30] et a publié l’ensemble de ses articles sur la question dans Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 2001. Pour elle, si le féminisme est une liberté universelle[31], il doit être mâtiné, contrairement au féminisme universaliste des années 1970, de différentialisme, et prendre en compte les différences de couleur de peau, de classe sociale, etc. :
« Je suis personnellement résolument universaliste… mais c'est vrai que les différences doivent être prises en compte par les gens qui vivent ces différences […] pour en prendre conscience, les faire apparaître et aller vers un universel. […] On est obligé d'aller vers un universel mais [aussi] de prendre en compte les différences : […] être femme noire ou blanche, être femme bourgeoise ou ouvrière, employée ou tout ce que vous voudrez, c'est pas la même chose et par conséquent, il faut pas gommer ça[4]. »
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