Matteo Messina Denaro

Matteo Messina Denaro
Image illustrative de l’article Matteo Messina Denaro
Denaro en 2023
Information
Nom de naissance Matteo Messina Denaro
Naissance (60 ans)
Castelvetrano, Italie
Surnom Diabolik, U siccu
Actions criminelles Mafieux, trafic de stupéfiants, trafic d'armes, assassinats, rackets, attentats à la bombe.
Victimes Environ une centaine de personnes actuellement
Période 1993-2023
Pays Drapeau de l'Italie Italie
Régions Drapeau de la Sicile Sicile
Ville Castelvetrano

Matteo Messina Denaro, né le à Castelvetrano, dans la province de Trapani, en Sicile, est un chef mafieux italien.

Membre de la famille mafieuse qui contrôle Castelvetrano et tueur pour le parrain Salvatore Riina, il participe à la stratégie de la violence menée par le clan des Corleone contre les institutions italiennes au début des années 1990, notamment à l’organisation des attentats à la bombe en 1992 et 1993.

Il est candidat à la succession de Bernardo Provenzano en 2006 comme capo di tutti capi, à la tête de Cosa Nostra, mais il est évincé par Salvatore Lo Piccolo, arrêté le .

En fuite depuis 1993, dernier fugitif numéro un de la Cosa nostra, il est arrêté à Palerme le .

Biographie

Ascension au sein de Cosa nostra

Surnommé « Diabolik » ou « U Siccu » (« le maigre »), Matteo Messina Denaro est le fils de Francesco Messina Denaro, surnommé « Don Ciccio », patron de la famille mafieuse de Castelvetrano et capo de la région de Trapani (Capo commissione di Trapani), retrouvé mort en 1998 après 8 ans de cavale[1].

Quand son père s'allie au clan des Corleonesi au début des années 1980, lors de la deuxième guerre de la mafia, Matteo Messina Denaro devient proche de Totò Riina, qui domine par la violence la mafia sicilienne. Armé d'un Walther P38, il est l'un des tueurs du boss dont il gagne progressivement la confiance[1].

Surnommé « Diabolik », en référence à une bande dessinée italienne qu'il affectionne[2], il apprend à manier une arme à feu à 14 ans et commet son premier meurtre à 18 ans.

Matteo Messina Denaro devient une réplique de son mentor, le Corleonais Totò Riina, connu pour sa violence et son habileté en affaires.

Il s'en démarque cependant en menant une vie dispendieuse et visible, achetant vêtements, montres et voitures de luxe, sortant en discothèque, séduisant de nombreuses femmes en cachant son strabisme derrière des lunettes aux verres fumés. Le 21 février 1991, il tue un rival amoureux, directeur de l’hôtel Paradise Beach de Sélinonte[1].

Quand en réponse au « maxi-procès » de Palerme (1986-1987), Riina déploie sa « stratégie de la violence » contre l’Etat dont Messina Denaro devient l'un des acteurs : il appartient début 1992, au groupe chargé d'assassiner le juge Giovanni Falcone à Rome, projet finalement reporté au 23 mai 1993 en Sicile[1].

Il est soupçonné d'avoir commis au moins 50 meurtres avant d'avoir 30 ans, ce dont il se vante, déclarant par exemple : « Con le persone che ho ammazzato, io potrei fare un cimitero. » (Avec les personnes que j'ai tuées, je pourrais remplir un cimetière.)[2]. Parmi les meurtres les plus célèbres de Matteo, il y a en juillet l'assassinat de Vincenzo Milazzo, « boss » de la « famille d'Alcamo » et rival de Totò Riina. « Diabolik » étrangle également Antonella Bonomo, la fiancée de Milazzo enceinte de 3 mois[1], suspectée d'être de la famille de membres des services secrets. Le , il tenta de tuer Calogero Germanà, le commissaire de police de Mazara del Vallo[réf. nécessaire].

Au sein de la Cosa nostra, Matteo Messina Denaro commence à prendre de l'importance lorsqu'il devint le capo commissione de Trapani, lors de l'arrestation de Vincenzo Virga (en), alors « boss » de la Famille de Trapani et capo commissione[réf. nécessaire].

En janvier , le capo di tutti capi Totò Riina est arrêté. La même année, Matteo, qui vient d'avoir 31 ans, entre dans la cupola, un groupe de capi sélectionnés qui est au courant de tous les secrets de la Cosa nostra[réf. nécessaire].

« Diabolik » est l'un des protagonistes de la réponse de Riina contre l'État italien, en pleine opération Mains propres lancée par les magistrats[1]. Depuis sa prison, il implique Denaro dans les négociations avec l'État visant à faire libérer les principaux chefs mafieux incarcérés contre la promesse de dissoudre Cosa Nostra.

Il participe à l'organisation entre mai et juillet 1993 des attentats de la via Fauro à Rome et la via dei Georgofili à Florence en mai 1993, puis ceux de la via Palestro à Milan et près de l'archibasilique Saint-Jean-de-Latran et de l'église San Giorgio in Velabro à Rome en juillet[1]. Une de ses cibles est l'Église catholique[3]. Denaro envoie également des messages clairs aux médias, en exécutant plusieurs journalistes qui s'intéressent de trop près à Cosa Nostra. La justice s'aperçoit alors que l'arrestation de Totò Riina et de plusieurs autres criminels importants n'avait pas déstabilisé Cosa Nostra. Ils découvrent également une nouvelle génération de mafiosi, probablement aussi cruels et violents que Riina.

Cavale et arrestation

Soupçonné pour la série d'attentats en Italie continentale, Denaro entre dans la clandestinité en juin 1993[1].

En 1996, il est impliqué dans le meurtre du jeune Giuseppe Di Matteo[4], fils d'un repenti, à l'issue d'une séquestration de 779 jours, dont il fait disparaitre le corps dans de l'acide[1]. La même année, Giovanni Brusca, un ancien mafioso devenu « pentito » (repenti), brise l'omertà et témoigne au gouvernement tout ce qu'il sait à propos de Messina Denaro. La justice décide alors d'émettre un avis de recherche concernant Matteo, qui est condamné à la prison à vie par contumace[réf. nécessaire].

Mais cela n'arrête en rien Messina Denaro, qui continue sa carrière criminelle. Après l'arrestation de Riina, Bernardo « U traturri » Provenzano, un autre Corléonais, devient d'abord « reggente » (chef intérimaire quand le titulaire est empêché d'exercer ses fonctions), puis le nouveau capo di tutti capi. Matteo n'aimait pas Provenzano et sa stratégie consistant à rendre « invisible » Cosa Nostra. Avec cette stratégie, il n'est plus question de meurtres de policiers ou encore d'attentats-spectacle, Cosa Nostra veut pacifier ses relations avec l'État italien. Denaro gagne à sa cause les plus jeunes mafiosi, qui interprètent cela comme un signe de faiblesse[réf. nécessaire].

Le , Bernardo Provenzano est arrêté par la police dans une ferme à Montagna dei Cavalli (it), à trois kilomètres de Corleone, en Sicile. Salvatore Lo Piccolo lui succède mais à la suite de son arrestation en , beaucoup de gens pensent que Matteo Messina Denaro est devenu le nouveau capo di tutti capi[2].

D'après la justice italienne, Matteo Messina Denaro est au centre de la stratégie de mort lancée par Cosa Nostra, mais il n'est condamné par contumace que pour les attentats de 1993. Le , il est condamné par contumace à la peine de prison à vie pour les massacres des juges Falcone et Borsellino par la cour d'assises de Caltanissetta[5].

Pendant des années, la stratégie des autorités consiste à l'isoler en arrêtant ses proches et ses collaborateurs[4]. Objet d'une grande fidélité, voire d'une vénération[1], il est difficile de le retrouver car il communique en écrivant sur des bouts de papiers, appelés pizzini, qui sont transmis à leurs destinataires en prenant parfois des mois[6]. Il décide de ne pas faire payer le pizzo, l'impôt mafieux, aux plus démunis, ce qui est vu comme une mesure sociale et est récompensé par le silence face aux autorités[7].

Il est arrêté le dans une clinique de Palerme, alors qu'il est le mafieux le plus recherché d'Italie[8],[9]. Il souffre d'un cancer du colon et son emprisonnement ne suspend pas sa chimiothérapie[10]. L'enquête révèle qu'il a passé les dernières années de sa fuite caché à quelques kilomètres de sa ville natale, dans un appartement du rez-de-chaussée de Campobello di Mazara, sous le nom de Andrea Bonafede. Auparavant, sa fuite l'a conduit dans plusieurs pays étrangers, notamment aux Pays-Bas et au Venezuela[1].

Moins que l'affaiblissement de la mafia, désormais structurellement inscrite dans l'économie sicilienne, l'arrestation de Messina Denaro marque surtout l'affirmation politique de l'autorité de l’État et de la justice[1].

Activités

Impliqué dans des affaires typiquement mafieuses, tels que la collecte du pizzo (le racket de commerçants), le détournement de fonds, il fait fortune dans le trafic d'héroïne et de cocaïne, en association avec des barons de la drogue colombiens. Fiché par le FBI, Denaro est considéré en 2008 comme un des cinq plus gros trafiquants de drogue au monde, à la tête d'un réseau international[2]. Il est également impliqué dans le trafic d'armes.

Il possède les supermarchés Despar de la Sicile occidentale derrière son prête-nom, Giuseppe Grigoli, investit dans l'immobilier touristique sur l'île et l’énergie éolienne. La justice saisit 700 millions d’euros d'avoirs dans la grande distribution, 1,5 milliard dans le tourisme, 500 millions dans la construction[1].

Personnalité

Messina Denaro est le contraire de Provenzano et de tous les chefs mafieux traditionnels ; il est réputé brutal, impulsif, arrogant et plutôt exhibitionniste. Il roule en Porsche, porte des costumes de luxe (Armani ou Gianni Versace), des lunettes Ray-Ban et des montres Rolex en or. Il passe pour être un grand séducteur ; il est marié à Maria Mesi mais a déjà eu une fille avec une femme nommée Francesca Alagna. Ses passe-temps sont les jeux vidéo et les bandes dessinées, notamment Diabolik. Il apprécie également les ouvrages de Daniel Pennac[2].

Amateur d'antiquités, il tente de dérober en le Satyre de Mazara del Vallo alors que son père avait volé l'Éphèbe de Sélinonte en 1962[11].

Liens politiques

L'infiltration des milieux politiques et judiciaires est très importante pour une organisation criminelle de l'envergure de Cosa Nostra. Son père ayant travaillé les terres de la famille trapanese de banquiers et politiciens D'Ali, Matteo Messina Denaro est lié au sénateur Antonio d'Ali (it), membre de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi[2]. Messina Denaro aurait donné des millions à d'Ali pour des fonds politiques.

Un des beaux-frères de Matteo, Vito Panicola, a été arrêté pour avoir accidentellement tué son fils, alors qu'il essayait de tuer un autre homme. Avant cet évènement, Vito Panicola était un des membres du conseil communal (it) de la ville de Trapani[12].

Bibliographie

  • (it) Salvatore Mugno [a cura di], Matteo Messina Denaro. Lettere a Svetonio. Il capo di Cosa Nostra si racconta, Viterbo, Stampa Alternativa, 2008, (ISBN 9788862220538).
  • (it) Giacomo Di Girolamo, Matteo Messina Denaro: l'invisibile, Editori Riuniti, Rome, 2010.
  • (it) Alessandra Dino, Gli ultimi padrini. Indagine sul governo di Cosa Nostra, Rome-Bari, Laterza, 2011.
  • (it) Fabrizio Feo,Matteo Messina Denaro, la Mafia del Camaleonte , Rubbettino, 2011.
  • (it) Salvatore Mugno, Matteo Messina Denaro. Un padrino del nostro tempo, Bolsena (VT), Massari Editore, 2011. (ISBN 978-88-457-0269-3)

Notes et références

  1. a b c d e f g h i j k l et m « Sur la piste de Matteo Messina Denaro, le dernier parrain de la Mafia sicilienne », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b c d e et f « Matteo Denaro, le dernier parrain », sur L'Express, (consulté le )
  3. Un nouveau parrain pour la Mafia sicilienne, Le Figaro, 26 avril 2006
  4. a et b Robin Verner, « "LE SEC", "DIABOLIK": QUI EST MATTEO MESSINA DENARO, CE MAFIEUX ARRÊTÉ APRÈS 30 ANS DE CAVALE? », sur bfmtv.com, .
  5. (it) Salvo Palazzolo, « Inchiesta sulla fuga di Messina Denaro : il 'fantasma' che conosce i segreti delle Stragi », La Repubblica, (consulté le ).
  6. Antonio Galofaro, « Sur les traces de l'insaisissable Matteo Messina Denaro, le parrain le plus recherché du monde », sur letemps.ch, .
  7. Marcelle Padovani, « Matteo Messina Denaro, le dernier parrain de la mafia sicilienne », sur nouvelobs.com, .
  8. « Le mafieux le plus recherché d'Italie, Matteo Messina Denaro, a été arrêté », sur BFMTV (consulté le )
  9. « Italie : arrestation du mafieux le plus recherché, Matteo Messina Denaro », sur RTBF (consulté le )
  10. AFP, « Italie : l'état de santé du mafieux Messina Denaro est «grave» », sur lefigaro.fr, .
  11. « Tra il Caravaggio, l’Efebo e il Satiro gli appetiti di Cosa nostra per l’arte », sur www.lasicilia.it (consulté le )
  12. (en) Nathan Vardi, « In Pictures: The World's 10 Most Wanted », sur Forbes (consulté le )

Liens externes

Information

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