Réalisation | Patrice Chéreau |
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Scénario |
Patrice Chéreau Danièle Thompson |
Musique | Goran Bregovic |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Renn Productions |
Pays de production |
France Allemagne Italie |
Genre | Drame historique |
Durée | 159 minutes |
Sortie | 1994 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
La Reine Margot est un film français coécrit et réalisé par Patrice Chéreau, sorti en 1994.
Il s'agit de l'adaptation du célèbre roman La Reine Margot d'Alexandre Dumas père, qui raconte la vie de Marguerite de Valois, dite « Margot », incarnée par Isabelle Adjani, de ses noces avec Henri de Navarre, futur Henri IV, qu'interprète Daniel Auteuil, en passant par le massacre de la Saint-Barthélemy. Jean-Hugues Anglade, Vincent Perez, Virna Lisi, Dominique Blanc, Pascal Greggory et Jean-Claude Brialy complètent la distribution.
Faramineuse coproduction européenne au budget de 140 millions de francs, le film est tourné entre la France et le Portugal sur plus de six mois en 1993. Malgré une critique mitigée qui lui reproche son emphase et sa théâtralité, il parvient à rassembler plus de deux millions de spectateurs dans les salles françaises durant l'année 1994, constituant ainsi le succès public le plus important de son réalisateur.
Au festival de Cannes 1994, le film remporte le Prix du Jury et l'actrice Virna Lisi se voit décerner le prix d'interprétation féminine pour son rôle de Catherine de Médicis. Nommé douze fois lors de la 20e cérémonie des César du cinéma, La Reine Margot reçoit cinq Césars, dont celui de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani. Ce film d'époque est nommé à l'Oscar des meilleurs costumes en 1995.
La vie à la Cour et à Paris, entre les « Noces vermeilles » et le massacre de la Saint-Barthélemy.
. Paris est en ébullition. Le protestant Henri de Navarre, futur Henri IV (Daniel Auteuil), s'apprête à épouser Marguerite de Valois (Isabelle Adjani), dite Margot. Catholique, fille de France, elle est surtout la fille de Catherine de Médicis (Virna Lisi) et la sœur de l'instable roi Charles IX (Jean-Hugues Anglade) et des ambitieux princes Henri (Pascal Greggory) et François (Julien Rassam). Les deux époux ne s'aiment pas. Il s'agit d'un mariage politique, orchestré par Catherine de Médicis, destiné à ménager sur le plan diplomatique les susceptibilités du pape Grégoire XIII et de l'Espagne d'une part, des États protestants d'autre part, et surtout à apaiser les haines et les rivalités à l'intérieur du royaume entre le parti catholique du duc Henri de Guise (Miguel Bosé) et la faction protestante menée par l'Amiral Gaspard de Coligny (Jean-Claude Brialy). La peur, l'hostilité et la violence se ressentent jusque dans Notre-Dame, où le mariage est célébré. Les frères de Margot affichent une morgue sans retenue et ne cachent pas les relations ambiguës qu'ils entretiennent avec leur sœur. Margot est une princesse arrogante et volage. La reine Catherine ourdit un complot le jour même des noces de sa fille.
Chacune des parties cherche à en découdre et la maladresse de la Reine mère, couplée avec les ambitions contraires des divers protagonistes, sans oublier la faiblesse du roi et le goût du pouvoir des princes, fera basculer le pays tout entier dans un terrible massacre, six jours seulement après le mariage. Ce sont ces sombres heures qui feront découvrir à Margot des notions qu'elle ignorait jusqu'alors : l'altruisme, l'amitié et l'amour.
Le film est une coproduction européenne qui engage la France, l'Italie et l'Allemagne[6]. Il est tourné entre la France et le Portugal sur plus de six mois en 1993 et nécessite un budget initial de 120 millions de francs qu'il dépasse de 20 millions[6] (10 millions en agios — dépense de l'argent qui n'est pas encore rentré en banque — et 10 pour les imprévus généralement évalués à 10 % de l'ensemble du budget prévisionnel)[7]. Pour ce projet de longue date dont Claude Berri est le producteur principal et qui manque d'être abandonné à plusieurs reprises, Patrice Chéreau sollicite Danièle Thompson avec laquelle il coécrit le scénario à partir de 1989[8],[6]. Ce qui décide le réalisateur à adapter le roman, c'est le thème des guerres de religion. Durant l'écriture, plusieurs actualités (manifestations de la place Tian'anmen, Première Guerre du Golfe, guerres ethniques d'ex-Yougoslavie, etc.) viennent nourrir l'inspiration des deux auteurs[6]. Chéreau évoque aussi comme inspiration l'horreur avec la découverte des charniers dans les camps nazis, et les références qui sous-tendent l'intrigue, comme les funérailles de Khomeini (en) qui annoncent en 1989 la montée de l'intolérance religieuse dans le monde musulman[9].
La distribution est éclectique et internationale[6]. En plus de grandes stars françaises (Isabelle Adjani, Daniel Auteuil et Jean-Claude Brialy), Chéreau engage certains de ses acteurs fétiches (Jean-Hugues Anglade, Dominique Blanc et Pascal Greggory) et ses anciens élèves du Théâtre des Amandiers de Nanterre (Vincent Perez, Bruno Todeschini et Jean-Philippe Écoffey[6]). Parmi les interprètes internationaux, on retrouve les Italiens Virna Lisi, Asia Argento et Claudio Amendola, l'Espagnol Miguel Bosé ou encore l'Allemand Thomas Kretschmann[6].
Réalisateur de quatre films précédemment, Chéreau déclare : « C’est avec La Reine Margot que j’ai appris à faire du cinéma »[8].
D'une ambition esthétique manifeste, l'œuvre est jugée par son auteur plus « élisabéthaine » que « shakespearienne » et proche de Christopher Marlowe pour l'idée d'une violence sourde, prête à jaillir à chaque instant[6]. Chéreau avait d'ailleurs mis en scène, en 1972 au TNP de Villeurbanne, Massacre à Paris de Marlowe, consacré à la nuit de la Saint-Barthélémy[10].
Si le film puise autant son inspiration dans le théâtre et la littérature que la peinture (Francisco de Goya, Théodore Géricault, Eugène Delacroix, Francis Bacon), il cherche également à s'inscrire dans la lignée d'un cinéma d'auteur de prestige mêlant famille, pouvoir, folie, décadence, sexe et barbarie à l'instar de L'Impératrice rouge de Josef von Sternberg, Ivan le Terrible de Sergueï Eisenstein, Macbeth d'Orson Welles, Hamlet de Laurence Olivier, Les Damnés de Luchino Visconti ou encore Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog[8],[6],[11].
« Je me suis demandé où trouver un exemple moderne de féodalité, de vassalité, ou de dépendance. J'ai pensé à la Mafia. Dès lors j'ai substitué à ces mauvaises images celle du Parrain ou des Affranchis que Scorsese a eu la bonne idée de sortir alors que nous étions en train de travailler. [...]. Et j'ai bien retenu cette phrase de Visconti quand il préparait Les Damnés : « Raconter l'histoire d'une famille monstrueuse à l'intérieur de laquelle tous les crimes restent impunis. »
— Patrice Chéreau, lors d'une interview par Serge Toubiana, dans Les Cahiers du cinéma, no 479/ 480, mai 1994, p. 17.
Les costumes de La Reine Margot sont conçus par Moidele Bickel, qui s'inspire de la mode italienne des années 1560 mais aussi de la mode espagnole du début du XVIIe siècle, en particulier pour les cols. Mais les costumes n'incluent délibérément pas de fraises alors qu'elles étaient à la mode en 1572. Les accessoires contiennent un anachronisme volontaire pour ce qui est des bijoux portés par la reine au moment de son mariage, qui sont des bijoux à la mode des années 1990. Selon l'historienne du vêtement Isabelle Paresys, les costumes élaborés pour le film opèrent un compromis entre la documentation historique et la mode de l'époque à laquelle est tourné le film. En matière de coiffure, le roi et ses frères portent les cheveux longs, ce qui doit plus à la mode du moment et à des stars comme Kurt Cobain (mort la même année) qu'à la réalité historique. Elle analyse ces compromis comme un moyen de limiter l'étrangeté du résultat à l'écran et de permettre au public de reconnaître aisément l'époque à laquelle se déroule l'intrigue, tout en conservant quelques repères familiers[12].
Le tournage a eu lieu du 10 mai au .
Le mariage d'Henri et de Marguerite a été tourné dans la basilique de Saint-Quentin dans l'Aisne, les cathédrales Notre-Dame de Paris et Notre-Dame de Reims étant trop fréquentées[7]. Certaines scènes sont tournées à Paris dans le 4e arrondissement (cathédrale Notre-Dame de Paris, parvis Notre-Dame - place Jean-Paul-II et île de la Cité).
La majeure partie du film se passe au Louvre (galeries, couloirs, chambres, sous-sols, cours, jardins…). La reconstitution des scènes n'a pas lieu en studio mais est tournée sur différents lieux en France : Bordeaux (Gironde), l'ancien collège des jésuites de Reims, la forêt de Compiègne et Senlis (Oise), le château de Maulnes à Cruzy-le-Châtel (Yonne), Rambouillet (Yvelines), Nanterre (Hauts-de-Seine) ainsi que les Studios Éclair à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis)[7].
D'autres scènes sont tournées au Portugal, plus précisément au Palais national de Mafra sis dans la région de Lisbonne.
La pièce d'orgue de la scène du mariage entre Henri de Navarre et Marguerite de Valois est enregistrée par Pierre Pincemaille sur l'orgue de la basilique Saint-Denis[13].
Le film est exploité sur deux versions : l'une française de 2 heures 40 et l'autre internationale, raccourcie de vingt minutes[6]. En effet, les distributeurs américains de Miramax, Robert et Harvey Weinstein, exigent que l'œuvre soit légèrement remontée afin de réduire la durée et de mettre plus l'accent sur la relation entre La Môle et Margot[6]. Une scène de serment d'amour est donc réinsérée et réjouit Isabelle Adjani qui, en pleine promotion du film aux États-Unis en décembre 1994, juge qu'elle donne à l'ensemble plus de romantisme, d'émotion et de profondeur[14].
À noter que le film a connu différents remontages et de multiples versions selon les supports édités par la suite et même à l'étranger en Italie par exemple. Patrice Chéreau en donne quelques détails dans les différents making of édités sur les bonus des dvd. La 1re version cinéma de 1994 projeté à Cannes et sorti en salle au même moment n'a donc jamais été éditée sur aucun support commercial ni diffusée ailleurs qu'en salle.
« Étrange sentiment, en voyant cette Reine Margot, d'un film qui aurait des veines, un pouls, des vrais battements de cœur. Sang d'amour et sang de haine, mêlés. Et ces battements de cœur seraient dictés, rythmés par la violence, toujours, qui irrigue le film de Patrice Chéreau. C'est ce sang, c'est cette inouïe violence, ce sont ces battements de cœur qui en font une vraie, une grande réussite : La Reine Margot évite les pièges d'un cinéma qu'on feuilletterait comme un livre d'images. »
— Serge Toubiana, dans Les Cahiers du cinéma, no 479/ 480, mai 1994, p. 9.
La Reine Margot reçoit un accueil critique mitigé lors de sa sortie qui coïncide avec sa présentation au 47e Festival de Cannes, certains lui reprochant son emphase et sa théâtralité[6],[8]. Il reste néanmoins le succès public le plus important de Chéreau et rassemble plus de deux millions de spectateurs en salles[6],[15] Le film fait par ailleurs écho à la tragique actualité du génocide au Rwanda, débuté quelques jours plus tôt[16].
À propos de la critique, le réalisateur déclare :
« On peut ne pas aimer La Reine Margot, mais il y a un cinéaste dans ce film, il y a de vrais, de longs moments de cinéma, je le sais. Je n’ai peut-être pas réussi à faire un film complet qui serait un événement de cinéma total. Un jour ou l’autre, on finira bien par me considérer comme un metteur en scène qui fait les deux. Ça ne se fait plus, alors que tous les exemples que j’ai, comme Welles ou Visconti, Bergman ou Kazan auxquels je ne me compare pas, ont fait les deux. Le cinéma mène un mauvais débat avec le théâtre : il est obsédé par l’idée de ne surtout pas être théâtral, alors qu’il y a de très grands films très théâtraux et que le cinéma est né du théâtre. Je revendique cette filiation et je revendiquerai toujours le passage de l’un à l’autre. Je ne ressens pas un manque de reconnaissance, pas depuis La Reine Margot en tout cas[11]. »
Le succès du film vaut par la suite à Chéreau des propositions de la part d'Hollywood qu'il décline, préférant travailler en France[17].
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