Naissance | |
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Décès | |
Sépulture |
Cimetière de Monaco (depuis le ), Panthéon (depuis le ) |
Nom de naissance |
Freda Josephine McDonald |
Époque | |
Nationalités |
Américaine (jusqu'en ) Française (depuis le ) |
Domiciles |
Paris, New York, Saint-Louis, Le Vésinet (- |
Activités |
Chanteuse, meneuse de revue, actrice, artiste de rue, danseuse, musicienne de jazz, mannequin, officier ( - |
Période d'activité |
- |
Conjoint |
Willie Wells (1919 div 1919), William Baker (1921 div 1925), Jean Lion (1937 div 1940), Jo Bouillon (1947 div 1961), Robert Brady (1973 div 1974) |
Enfant |
Akio Bouillon (1952- ) Janot, Jarry, Luis, Marianne, Brian (né Brahim), Moïse, Jean-Claude, Noël, Koffi, Mara, Stellina |
Religion | |
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Arme | |
Grade militaire |
Sous-lieutenant (d) (- |
Conflit | |
Mouvement | |
Labels | |
Genres artistiques |
Cabaret (d), music-hall, pop française |
Site web | |
Distinctions | |
Archives conservées par |
Bibliothèque Beinecke de livres rares et manuscrits Stuart A. Rose Manuscript, Archives, and Rare Book Library (d)[1] Service historique de la Défense[2] |
Freda Josephine McDonald, dite Joséphine Baker, est une chanteuse, danseuse, actrice, meneuse de revue et résistante française d’origine américaine, née le à Saint-Louis (Missouri) et morte le à Paris.
Vedette du music-hall et icône des Années folles, elle devient française en 1937, après son mariage avec Jean Lion. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle joue un rôle important dans la Résistance française. Elle utilise ensuite sa grande popularité au service de la lutte contre le racisme et pour l’émancipation des Noirs, en particulier en soutenant le mouvement américain des droits civiques.
Le , sur décision du président de la République, Emmanuel Macron, Joséphine Baker entre au Panthéon, devenant ainsi la sixième femme et la première femme noire à rejoindre le « temple » républicain.
Freda Josephine McDonald, appelée plus tard de son nom de scène Joséphine Baker, naît le , aux États-Unis, dans le Missouri, d’origine espagnole, afro-américaine et amérindienne[3],[4]. Elle descendrait probablement d’Eddie Carson, musicien de rue itinérant aux origines espagnoles[5]. Artistes, ses parents ont monté ensemble un numéro de chant et de danse mais Eddie Carson abandonne sa famille en 1907[6]. Carrie McDonald, sa compagne, se remarie avec un ouvrier, Arthur Martin, dont Joséphine prend le nom[7].
La jeune fille passe une partie de son enfance à alterner l’école et les travaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l’envoie travailler[8].
À cette époque, Joséphine Baker n’a d’autre choix que de contribuer, par son salaire, à faire vivre la fratrie dont elle est l’aînée ; la famille est très pauvre et s’est agrandie : Carrie et Arthur ont eu trois enfants — Richard, Margaret et Willie Mae — qu’il faut nourrir[9]. Joséphine quitte l’école en pour se marier, comme le mentionnent les registres de l’établissement public qu’elle fréquente à Saint-Louis[7]. Alors âgée de 13 ans, elle continue à vivre dans la maison des Martin[10] avec son mari Willie Wells.
Après la fin de son premier mariage, en 1920, Joséphine Baker, qui danse depuis qu’elle est toute petite[11], rejoint un trio d’artistes de rue appelé le Jones Family Band, qui est ensuite intégré dans la troupe itinérante des Dixie Steppers[10]. C’est au moment où leur tournée s’arrête à Philadelphie que Joséphine fait la rencontre de Willie Baker qu’elle épouse en 1921 et avec qui elle s’installe[12]. Pour gagner sa vie, elle danse au Standard Theater où elle gagne 10 dollars par semaine[13].
Mais Joséphine Baker voit grand, et l’envie de danser à Broadway la pousse — tout juste âgée de 16 ans — à quitter son second mari pour aller tenter sa chance à New York. Une fois sur place, elle met peu de temps à se présenter au music-hall de Broadway, sur la 63e Rue, le Daly's 63rd Street Theatre (en). Là, elle essuie plusieurs refus de la part du directeur avant d’enfin se voir offrir un rôle sommaire. Elle rejoint donc la troupe de la comédie musicale Shuffle Along, un spectacle populaire à la distribution entièrement noire. Au bout de deux ans de tournée, elle change d’allégeance et s’associe aux Chocolate Dandies, qu’elle quitte à leur tour pour entrer au Plantation Club où elle fait la rencontre de Caroline Dudley Reagan. Cette mondaine, épouse de l’attaché commercial de l’ambassade américaine à Paris, Donald J. Reagan, voit en Joséphine Baker un grand potentiel. Elle lui offre donc un salaire de 250 dollars par semaine si celle-ci accepte de la suivre en France où Reagan veut monter un spectacle dont Joséphine Baker sera la vedette et qui fera d’elle une star : la Revue nègre[14].
Joséphine Baker et sa troupe embarquent pour la capitale française le sur le Berengaria[15], paquebot transatlantique effectuant la traversée New-York-Cherbourg. Peu de temps après son arrivée, les répétitions commencent. Le [16], elle passe en première partie dans la Revue nègre au théâtre des Champs-Élysées et fait rapidement salle comble. Quasiment nue, vêtue d’un simple pagne, elle danse le charleston, dans un décor de savane et au rythme des tambours. Elle y interprète un tableau baptisé La Danse sauvage[17]. « Il s’agit bien ici de se moquer des Blancs et de leur manière de gérer les colonies car la France, bien que moins raciste que les États-Unis, a tout de même des progrès à faire concernant les gens de couleur et leur insertion dans la société ! »[18] Pour elle, ce voyage sera vécu comme une libération. Elle dira à ce sujet : « Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris »[19].
Joséphine, après plus d’une centaine de représentations en France et à l’étranger, casse son contrat et accepte de signer, en 1927, pour la première fois avec le théâtre des Folies Bergère pour une revue où elle joue un des premiers rôles. Dans « La Folie du Jour », elle porte plumes roses et ceinture de bananes, visible aujourd’hui au château des Milandes. Elle est accompagnée d’un guépard dont l’humeur fantasque terrorise l’orchestre et fait frémir le public. Cette même année, la jeune star se lance dans la chanson et, suivant les conseils de son nouvel impresario et amant, Giuseppe Abattino (dit « Pepito »), elle participe au film La Sirène des tropiques. Giuseppe ouvre le club « Chez Joséphine » et organise la tournée mondiale de la chanteuse en 1928.
Giuseppe Abattino était un tailleur de pierre originaire de Sicile. Il fut souvent qualifié de « gigolo ». Sa liaison avec Joséphine Baker durera dix ans, de 1926 à 1936[20]. En plus d’être son impresario, il jouera le rôle de manager et sera son mentor pendant toute la période de son ascension.
Dans le même temps, elle devient l’égérie des cubistes qui vénèrent son style et ses formes, et suscite l’enthousiasme des Parisiens pour le jazz et les musiques noires. À cette époque, elle rencontre Georges Simenon, qu’elle engage comme secrétaire et qui sera son amant[21].
La carrière de Joséphine Baker était intimement liée au mouvement de la Renaissance de Harlem dont elle fut une militante acharnée[22]. Mouvement d’abord littéraire qui a pris sa source à Harlem, le mouvement de renouveau de la culture afro-américaine, dans l’entre-deux-guerres, prônait l’émancipation des Noirs américains confrontés à la ségrégation raciale depuis l’abolition de l’esclavage en 1865. Il regroupait des intellectuels et écrivains comme Alain Locke ou Marcus Garvey, des mécènes tels qu’Arthur Schomburg, surnommé le « père de l’histoire noire américaine », des photographes et sculpteurs ainsi que des musiciens comme Louis Armstrong, Duke Ellington ou Fats Waller.
Les lieux emblématiques du mouvement de Renaissance de Harlem comptaient le Cotton Club ou l'Apollo Theater[23].
Après la Première Guerre mondiale, le regard porté sur les Noirs en France se modifie, et dans le Paris des années folles, la lumière commence à briller sur les femmes noires, l'esthétique nègre devient à la mode. En 1919 est ainsi organisée la première exposition d’art nègre[24], un ensemble d'œuvres artistiques non occidentales, sources d'inspiration pour les Fauves et les Cubistes[25], dès 1907, à travers le musée d'Ethnographie du Trocadéro[26].
Sur les conseils du peintre Fernand Léger, André Daven, administrateur du théâtre des Champs-Élysées, décide de monter un spectacle entièrement exécuté par des Noirs : la Revue nègre. L’Américaine Caroline Dudley compose la troupe à New York, constituée de treize danseurs et douze musiciens, dont Sidney Bechet, et Joséphine Baker en devient la vedette parisienne[27],[28]. La prestation initiale du groupe d'artistes noirs étant jugée « pas assez nègre » par les commanditaires du spectacle, il est proposé à la danseuse américaine de se présenter nue sur scène. D'abord indignée, Joséphine Baker, âgée de 19 ans, se résigne à se produire seins nus, une ceinture de plumes à la taille, conformément à l'imagerie du bon sauvage africain en vogue dans l'Empire colonial français[29]. L'incarnation par Joséphine Baker de cette femme noire, érotique et sauvage comme l'exigent les stéréotypes coloniaux et l'exotisme fantasmé du public français des années 1920, assure à la Revue nègre un succès immédiat. Le spectacle se déroule à guichets fermés[29].
L’artiste Paul Colin réalise l’affiche de la revue, visible au musée national de l’histoire de l’immigration[30] : « Joséphine Baker y apparaît dans une robe blanche ajustée, les poings sur les hanches, les cheveux courts et gominés, entre deux hommes noirs, l’un portant un chapeau incliné sur l’œil et un nœud papillon à carreaux, l’autre arborant un large sourire ». L’œuvre, à l’esthétique Art déco, un peu caricaturale dans ses traits, parvient néanmoins au moyen de ses déformations cubistes à rendre perceptible le rythme syncopé du jazz, d’apparition récente en France à l’époque[28],[27].
De nombreux artistes afro-américains séjournent alors en Europe, à l’instar des peintres Lois Mailou Jones ou Henry Ossawa Tanner, des sculpteurs Augusta Savage ou Nancy Elisabeth, des poètes comme Langston Hughes ou des romanciers comme Claude McKay, et trouvent à Paris le lieu idéal pour prolonger la Renaissance de Harlem, appréciant une société plus libérale et l’absence de ségrégation[28].
En dehors de sa carrière artistique, elle tient durant cette période un engagement social en participant à des soupes populaires pour les clochards de Paris[31].
Henri Varna, directeur du Casino de Paris par l’intermédiaire de son imprésario Émile Audiffred, l’engage pour mener la revue de la saison 1930-1931 et lui achète un guépard, nommé Chiquita[32]. En 1931, elle remporte un succès inoubliable avec la chanson J’ai deux amours composée par Vincent Scotto[33].
Entre 1929 et 1947, elle vit dans la villa « Le Beau-Chêne » au Vésinet.
Après la Grande Dépression de 1929, le chômage explose en France dès 1931 : dans le 18e arrondissement de Paris, elle distribue en 1932 de la nourriture aux personnes âgées dans le besoin, qu'elle appelle « le pot au feu des vieux », précurseur des Restos du cœur[34] .
Quelques rôles lui sont proposés au cinéma par des cinéastes, tel Marc Allégret. Elle tourne ensuite dans deux films qui lui sont consacrés et dont Abattino écrit le scénario : Zouzou, avec Jean Gabin et Yvette Lebon, puis Illa Meery, qui sera, un temps, la maîtresse du chef de la Gestapo française, Henri Lafont, et la fameuse chanson Fifine (composée par Vincent Scotto, Henri Varna et Émile Audiffred) puis Princesse Tam Tam qui ne rencontrent pas le succès espéré. Sur les planches du music-hall, en revanche, elle rassemble un plus large public en chantant et en dansant même le tango Voluptuosa de José Padilla.
En , elle s’embarque à bord du paquebot Normandie pour une tournée d’un an aux États-Unis. Elle n’y rencontre pas la réussite escomptée. L’Amérique est sceptique et certains lui reprochent de parler parfois en français, ou en anglais avec un accent français. Pepito et Joséphine Baker se séparent après l’échec de ces Ziegfeld Follies.
Elle rentre en France en , à nouveau à bord du Normandie, où elle se fait beaucoup d’amis. Elle acquiert la nationalité française[33] en épousant, le à Crèvecœur-le-Grand, le jeune courtier en sucre Jean Lion[35],[17] (la société Jean Lion et Compagnie existe encore), Giuseppe Abattino étant mort d’un cancer à l’automne 1936. Jean Lion est juif et aura à souffrir des persécutions antisémites. En 1937, le nouveau couple s’installe au château des Milandes à Castelnaud-Fayrac (aujourd’hui Castelnaud-la-Chapelle) en Dordogne. Elle surnomme la demeure son « château de la Belle au Bois dormant ». Elle reprend les tournées organisées par Émile Audiffred sous le label Audiffred & Marouani[réf. nécessaire].
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Baker met son talent musical à contribution en chantant pour les soldats alors au front. En , elle devient un agent du contre-espionnage français, traité par Jacques Abtey (chef du contre-espionnage militaire à Paris). À cet effet, elle fréquente la haute société parisienne, puis se mobilise pour la Croix-Rouge[37],[38].
Après la bataille de France, elle s’engage le dans les services secrets de la France libre, toujours via le commandant Abtey, qui reste son officier traitant jusqu’à la Libération[39], en France puis en Afrique du Nord où elle est sous la protection de Si Ahmed Belbachir Haskouri, chef du cabinet khalifien (du vice-roi) du Maroc espagnol[38],[40]. Joséphine Baker arrive à Marseille pour des galas en 1941 avec l'aide d'Émile Audiffred, qui l'envoie en Afrique du Nord retrouver les frères Marouani. Elle s'installe au Maroc entre 1941 et 1944, elle soutient les troupes alliées et américaines et se lance dans une longue tournée en jeep, de Marrakech au Caire, puis au Moyen-Orient, de Beyrouth à Damas, y glanant toutes les informations qu’elle peut auprès des officiels qu’elle rencontre[41].
Elle s’acquitte durant la guerre de missions importantes, et reste connue pour avoir utilisé ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Lors de sa première mission à destination de Lisbonne, elle cache dans son soutien-gorge un microfilm contenant une liste d’espions nazis, qu’elle remet à des agents britanniques[42].
Lors de son arrivée à Alger en 1943, le général de Gaulle, reconnaissant, lui offre une petite croix de Lorraine en or qu'elle vend par la suite aux enchères pour la somme de 350 000 francs au profit exclusif de la Résistance.[43] Officiellement engagée pour la durée de la guerre à Alger, dans les Forces aériennes françaises libres, titulaire d'un brevet de pilote, elle devient sous-lieutenant, rédactrice première classe, échelon officier de propagande et travaille auprès du général de Gaulle dont les bureaux se trouvent dans le lycée de jeunes filles Eugène-Fromentin, aujourd'hui lycée Descartes à Alger.[43] Elle sera logée à l'hôtel Alleti, anciennement boulevard Bru à Alger, aujourd'hui boulevard des Martyrs.
Elle débarque à Marseille en [44],[45]. Elle chante à Belfort le pour les troupes du général de Lattre de Tassigny[46].
À la Libération, elle poursuit ses activités pour la Croix-Rouge et chante pour les soldats et résistants près du front, suivant avec ses musiciens la progression de la 1re armée française[39]. Ses activités durant la guerre lui vaudront, après les hostilités, la médaille de la Résistance française avec rosette (par décret du 5 octobre 1946) [47] et, le , les insignes de chevalier de la Légion d’honneur et la croix de guerre 1939-1945 avec palme qu’elle reçoit des mains du général Martial Valin[48], à la suite de l'intervention du ministre de la Défense Jacques Chaban-Delmas[49].
Joséphine Baker est l’une des premières ambassadrices de la haute couture française, « spécialement après la Seconde Guerre mondiale. La France était très pauvre, il n’y avait donc pas beaucoup d’argent pour promouvoir la haute couture française. Cependant, Joséphine Baker était une très bonne amie de Christian Dior et de Pierre Balmain et ils adoraient l’habiller. Revenue des États-Unis en 1949-1950, Joséphine a porté — dans un spectacle, sur scène — ces robes fabuleuses »[50].
Après une grossesse à l’issue de laquelle Joséphine Baker accouche d’un enfant mort-né, elle contracte une grave infection post-partum et doit subir une hystérectomie à Casablanca en 1941[51].
Avec Jo Bouillon, qu’elle épouse en 1947, elle achète le château des Milandes en Dordogne, qu’elle loue depuis 1937 et où elle vivra jusqu’en 1969[52]. Elle y accueille douze enfants de toutes origines[a], qu’elle a adoptés et qu’elle appelle sa « tribu arc-en-ciel »[53],[54],[55].
Séparée de Jo Bouillon en 1957 (le couple divorce en 1961), elle engloutit toute sa fortune dans le domaine des Milandes, où elle emploie un personnel nombreux, et doit multiplier les concerts pour poursuivre son œuvre[réf. nécessaire].
Elle retourne aux États-Unis en 1947 et 1951 pour tenter de renouer avec le succès. Elle y est victime de la ségrégation raciale, notamment lors de l’incident du Stork Club, le : alors qu’elle accuse le journaliste présent, Walter Winchell, de ne pas l’avoir défendue, ce dernier, agacé, décide de briser sa réputation, la traitant de communiste, d’ennemie du peuple noir[56].
En 1955, elle amplifie en Europe la vague d’indignation soulevée par le meurtre (dans le comté de Tallahatchie au Mississippi, États-Unis) du jeune Afro-Américain Emmett Till, suivi de l’acquittement des deux assassins, puis de leurs aveux cyniques après le jugement, une fois assurés de l’impunité[57]. Joséphine Baker est initiée, le , au sein de la loge maçonnique « La Nouvelle Jérusalem » de la Grande Loge féminine de France[58]. Dans les années 1960, elle milite contre la politique d'apartheid instaurée en Afrique du Sud et retourne aux États-Unis pour soutenir le mouvement des droits civiques du pasteur Martin Luther King. Elle participe, en 1963, à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté organisée par Martin Luther King, lors de laquelle elle prononce un discours, vêtue de son ancien uniforme de l’Armée de l’air française et de ses médailles de résistante[59],[17]. À cette époque, elle est engagée dans l’action de la Ligue internationale contre l'antisémitisme (LICA, qui deviendra la LICRA en 1980)[b],[59],[17]. Son rapprochement, en 1938, de la LICA traduit sa sensibilité au sort des Juifs, notamment son mari, confrontés à un antisémitisme croissant[17].
En 1931, le poète Alejo Carpentier publie un article où il rend compte de l’influence de la rumba cubaine sur les chansons de Joséphine Baker. Lors de ses tournées en Amérique latine, la chanteuse se produit à Cuba en 1950, en puis en janvier 1952, mais lors de cette dernière date, elle est confrontée au racisme quand on lui refuse une chambre à l’hôtel Nacional. Deux mois plus tard, Fulgencio Batista revient au pouvoir par un coup d’État. Joséphine Baker s’était alors engagée à créer une organisation en Amérique latine contre le racisme : proche du couple présidentiel argentin, Juan et Eva Perón, elle ouvre une antenne à Buenos Aires et cherche à essaimer dans le sous-continent, notamment à Cuba. Elle est reçue par Batista, mais celui-ci, mis en garde par le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la mafia, la traite avec mépris. Le fait que des militants anti-Batista assistent à ses shows n’aide pas sa situation. Le , alors qu’elle est de nouveau en tournée à La Havane, se tient une manifestation étudiante sur le Malecón, violemment réprimée par le régime, et un jeune homme est tué. Sa dépouille est déposée dans le grand amphithéâtre de l’université et Joséphine s’y rend afin d’assister à la veillée funèbre. Le lendemain, le corps est emmené au cimetière lors d’un défilé de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, conduit par Fidel Castro. Joséphine Baker aurait ensuite décidé d’offrir les bénéfices d’un concert au parti castriste. Le , elle est arrêtée par les services de renseignement militaire de Batista, interrogée et finalement relâchée grâce à des diplomates français. Questionnée sur son prétendu communisme, elle nie, même si le FBI indique qu’elle s’était produite pour la SFIO pendant le Front populaire et qu’elle avait effectué une tournée en URSS en 1936. Si elle finit sa tournée le même mois au Teatro Campoamor, elle promet de ne plus revenir à Cuba tant que le régime de Batista ne sera pas tombé[59].
De à , elle est invitée à Cuba par Castro, qui a pris le pouvoir quelques années plus tôt. D’autres personnalités sont présentes, comme les écrivains Alberto Moravia et Mario Vargas Llosa et le couple Régis Debray et Elizabeth Burgos. Il se tient alors à La Havane un événement d’importance, un rassemblement de dirigeants du tiers monde (d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine), la Conférence tricontinentale, qui vise à émanciper ces pays des sphères d’influence soviétique et chinoise. Le FBI de J. Edgar Hoover, qui dispose d’un dossier sur Joséphine Baker à cause de son soutien aux Afro-Américains[c], pourrait avoir pensé qu’elle y était l’envoyée du général de Gaulle, dans un contexte où la France envisage de faire sortir son pays de l’OTAN. De même, le contre-espionnage cubain cultive des doutes. En réalité, sa présence est, elle l’affirme, la poursuite de ses engagements antiracistes. Elle déclare ainsi, dans une interview au quotidien Granma : « La Tricontinentale, c'est formidable avec ces gens de tous les pays, toutes les langues, toutes les couleurs. C'est une chance inouïe d'avoir un public pareil. Toute la race humaine réunie en une seule famille. » Avant le début de la conférence, elle rencontre Fidel Castro, et le met en garde sur le fait qu’on va essayer de l’assassiner[61]. On ne sait pas de qui elle tient cette information, mais il est à noter qu’au même moment, des réseaux anti-Castro et des tentatives d’attentat sont neutralisés. Elle se fait remarquer pour son enthousiasme politique, chantant au siège de la délégation du Nord-Vietnam, se faisant acclamer place de la Révolution et jouant au Teatro Garcia Lorca devant Castro. L’une de ses prestations est même diffusée en direct à la télévision cubaine et elle enregistre un disque. Avant son départ, Castro l’invite à se rendre à la baie des Cochons, où un débarquement soutenu par les États-Unis avait échoué en 1961. Devant les journalistes, elle déclare : « Je suis heureuse d'avoir été le témoin du premier grand échec de l'impérialisme américain ! »[59].
Elle quitte l’île à la fin du mois, mais promet de revenir en juillet, invitée par Castro à y passer ses vacances avec ses enfants. Victime de problèmes de santé à l’intestin, elle est hospitalisée à son retour à l’hôpital américain de Paris. De Gaulle lui envoie une immense gerbe de fleurs. L’été, elle retourne donc à Cuba et retrouve le chef de l’État cubain. On lui remet un brevet de lieutenant des forces armées révolutionnaires cubaines. En 1967, après la mort de Che Guevara, elle écrit une lettre de condoléance à Castro[59].
Son fils, Brian Bouillon-Baker, rapporte que Joséphine Baker voyait le communisme comme « la plus belle des idées » et s’intéressait particulièrement à Cuba « parce que c’est un pays qui mettait un point d’honneur à l’éducation et aux soins des plus jeunes. De plus, c’était une société métisse et fraternelle. Pour Joséphine Baker, cela répondait à l’idéal communiste et à l’idée qu’elle s’en faisait[31]. »
En , Joséphine Baker, criblée de dettes et ayant des problèmes avec le fisc, lance un appel pour sauver sa propriété de Dordogne, où vivent ses enfants ; la mise en vente aux enchères du château est annoncée[62].
Émue et bouleversée par sa détresse, Brigitte Bardot participe immédiatement dans les médias au sauvetage et envoie un chèque important à cette collègue qu’elle ne connaissait pourtant pas directement[63],[64].
Lors de Mai 68, elle participe en tête de cortège à la grande manifestation de soutien à de Gaulle sur l’avenue des Champs-Élysées[59].
Cependant, le château est finalement vendu pour un dixième de sa valeur en 1968. Après avoir dû vivre dans la seule cuisine et même passer une nuit dehors devant la porte, elle obtient un sursis qui lui permet de rester dans les lieux jusqu’au .
Jean-Claude Brialy la produit dans son cabaret La Goulue régulièrement à Paris. À la suite de son expulsion du château des Milandes[65], elle est hospitalisée, mais trouve rapidement les forces nécessaires pour assurer le spectacle. Le lundi, son jour de relâche, elle honore des engagements à Bruxelles, Copenhague, Amsterdam ou Berlin.
Alors que Joséphine Baker est pratiquement ruinée, la princesse Grace de Monaco, amie de la chanteuse, d’origine américaine et artiste comme elle, lui avance les fonds nécessaires à l'acquisition d'une grande maison à Roquebrune[66]. Elle l'invite à Monaco pour des spectacles de charité[67],[17]. Aidée aussi par la Croix-Rouge, Joséphine Baker remonte sur la scène parisienne de l’Olympia en 1968, puis à Belgrade en 1973, au Carnegie Hall en 1973, au Royal Variety Performance, au Palladium de Londres en 1974. À Paris, elle est au Gala du cirque en 1974.
Le , pour célébrer ses cinquante ans de carrière, elle inaugure la rétrospective Joséphine à Bobino, dont le prince Rainier III et la princesse Grace figurent parmi les mécènes. Dans la salle se trouvaient, entre autres, Alain de Boissieu, gendre de Charles de Gaulle, Sophia Loren, Mick Jagger, Mireille Darc, Alain Delon, Jeanne Moreau, Tino Rossi, Pierre Balmain et la princesse Grace de Monaco, invitée d’honneur. Le spectacle, pour lequel toutes les places avaient été vendues des semaines à l’avance, ne recueillit pratiquement que des critiques extasiées[réf. nécessaire]. Après le spectacle, deux cent cinquante personnes étaient invitées à souper au Bristol.
Elle retrouve son appartement parisien le alors que le rideau vient de tomber devant une salle enthousiaste pour sa quatorzième représentation[68]. Le lendemain matin, , Joséphine Baker, victime d’une attaque cérébrale (hémorragie), est transportée dans un coma profond à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où elle meurt le à l'âge de 68 ans[69].
Elle reçoit les honneurs militaires et des funérailles catholiques[d] sont célébrées le à l’église de la Madeleine, à Paris. Après des obsèques, le , à l’église Saint-Charles de Monte-Carlo, elle est enterrée au cimetière de Monaco[71],[72],[73],[74].
Bien qu’initialement, Joséphine Baker ait été perçue comme une sensation exotique, une charmante Afro-Américaine au déhanchement incroyable[75], elle a su se forger une solide réputation dans les hautes sphères de la société parisienne, pour qui elle en vint à incarner le personnage d’une Vénus d’ébène[76]. Elle a su intelligemment se servir de cette image et la manipuler à sa guise, façonnant elle-même son personnage public synonyme d’émancipation, symbolisant toute forme de liberté (du swing jusqu’aux droits civiques, en passant par la lutte contre le fascisme) et ne définissant sa destinée qu’à sa façon[77].
Jean-Gabriel Domergue la peignit nue dans un tableau (1936)[78] qui passa en vente publique à Lille le [79].
Contrairement à son pays d’origine, les États-Unis, où la ségrégation raciale a contrarié ses ambitions artistiques, Joséphine Baker a bénéficié, en France, d’une négrophilie ancienne et répandue durant l’entre-deux-guerres[80]. Dans ses prestations scéniques, elle a projeté un imaginaire colonial dans lequel le corps de la femme noire est érotisé, conformément aux stéréotypes raciaux européens de l’époque. À l’exotisme, attendu par son public et dont elle a assumé la promotion, la danseuse a cependant ajouté des facéties, dans la lignée de ses prédécesseurs Miss Lala, une artiste de cirque, et le clown Chocolat[80]. Restituant dans ses danses les qualités supposées propres aux peuples dits « primitifs », tout en tournant en dérision un symbole raciste comme la banane, la « première icône noire » a construit une personnalité ambivalente, répondant aux clichés du public, et critiquée par des personnalités telle l’intellectuelle noire Paulette Nardal qui lui reproche de conforter les poncifs raciaux essentialisant la femme noire[80].
Mariée cinq fois[32], la vie amoureuse de Joséphine Baker fut cependant assez tumultueuse. Parmi les différents « hommes de sa vie », on peut évoquer :
Joséphine Baker était bisexuelle[83],[84],[85]. Mariée à plusieurs hommes, elle a également eu des relations amoureuses avec des femmes tout au long de sa vie d’adulte[84]. Elle n’a cependant jamais révélé au grand public cette orientation sexuelle[84]. Parmi ses amantes célèbres figurent l’écrivaine française Colette[84] ou encore Frida Kahlo[86]. Jean-Claude Baker (en)[e], un ami et confident de Joséphine[87], mentionne, dans la biographie de son amie, six amantes qu’elle a rencontrées au cours de ses premières années sur scène aux États-Unis : Clara Smith, Evelyn Sheppard, Bessie Allison et Mildred Smallwood, sa compatriote afro-américaine expatriée Bricktop et la romancière française Colette après son déménagement à Paris[87].
Malgré sa propre bisexualité et son engagement contre le racisme (notamment avec sa participation à certaines actions du mouvement afro-américain des droits civiques[83]), elle a fait preuve d’homophobie[84] en chassant de son foyer un de ses fils, Jarry Bouillon Baker, pour l’envoyer chez son père parce qu'il était homosexuel[83]. Selon celui-ci, elle craignait qu’il ne « contamine » ses frères[83].
En 2021, une des promotions d’élèves de l’ENA (tour extérieur et cycle d’intégration des officiers) choisit le nom de Joséphine Baker[104]
Reprenant une idée de Régis Debray[105],[17], une pétition « Osez Joséphine » lancée à l’initiative de l’essayiste Laurent Kupferman soutient l’entrée au Panthéon de cette « artiste, résistante, féministe et militante antiraciste »[106],[17]. Elle rassemble 37 920 signatures[107],[108].
Le , le journal Le Parisien annonce l’accord d’Emmanuel Macron pour son entrée au Panthéon le [108], jour anniversaire de sa naturalisation française, 84 ans auparavant (en 1937)[109]. Elle restera cependant inhumée au cimetière de Monaco[110], de sorte que le Panthéon ne sera pas son tombeau mais son cénotaphe[111].
Joséphine Baker entre au Panthéon le , devenant ainsi la sixième femme et la première femme noire à rejoindre le « temple » républicain[112],[113],[114]. Dans cette nécropole laïque nationale, elle repose désormais symboliquement[f] auprès de deux autres Français noirs : l'écrivain Alexandre Dumas et le résistant et homme politique Félix Éboué[116]. La panthéonisation d'une descendante d'esclaves noirs américains et d'autochtones d'Amérique fait l'unanimité en France, en raison d'un universalisme républicain dont l'artiste, récipiendaire de la Croix de guerre, est considérée être une figure exemplaire, a contrario d'un « fort courant venu d'Amérique » qui cherche à « assigner chacun à sa race, son sexe », selon Le Figaro. Cependant, aux États-Unis, l'hebdomadaire The Nation soutient que la célébration nationale d'une femme noire par la France masque un passé colonial et la persistance de discriminations raciales, la France étant ainsi accusée de perpétuer l'affirmation d'une supériorité d'un modèle social qu'elle prétend universaliste sur le modèle communautariste américain[117],[118],[116].
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