Le mot « islamo-gauchisme » est un néologisme désignant une proximité supposée entre des idéologies et partis de gauche et les milieux islamistes. Il est principalement utilisé en France, où il est popularisé, entre autres, par la gauche laïque et par l'extrême droite[1],[2]. Composé du préfixe « islamo- » et du nom « gauchisme », cette expression est également utilisée pour « symboliser une ligne de fracture politique sur les causes du djihadisme »[3].
Créé par Pierre-André Taguieff, le terme est aujourd'hui utilisé par certains universitaires ou responsables politiques pour dénoncer la proximité et le laxisme supposés de certaines personnalités politiques françaises de gauche envers l'islamisme. Cette expression est critiquée par d'autres — comme la Conférence des présidents d'université et le Centre national de la recherche scientifique, pour qui elle ne correspond à aucune réalité scientifique — qui l'estiment non pertinente, voire stigmatisante, l'accusant de viser à discréditer une partie de la gauche[4],[5].
Les racines de ce concept sont multiples.
C'est dans l'Iran des années 1970 que prend forme un front commun entre un courant de la gauche et l'islam révolutionnaire pour faire face à la dictature de Mohammad Reza Pahlavi. Cette « gauche islamique » est notamment représentée par Massoud Radjavi et le philosophe Ali Shariati, lequel critique certains aspects de la pratique religieuse en Iran, estimant que l'islam contient par nature une dynamique contre la tyrannie et en faveur de la liberté, l’égalité et l’émancipation des femmes et des hommes. Cette théorie a significativement contribué à la révolution iranienne de 1978-1979, conduisant le régime islamique qui en est issu à promettre la nationalisation des industries et de donner la priorité à la justice sociale tout en réprimant les organisations proches de ce courant[6].
Une de ses origines se trouve au Royaume-Uni ou l'idée selon laquelle l'Islam pourrait contribuer à faire émerger un mouvement révolutionnaire est développée au sein de l'extrême-gauche[7],[8].
En France, le terme « islamo-gauchiste » apparaît pour la première fois sous la plume du sociologue Pierre-André Taguieff en 2002[7] dans l'ouvrage La Nouvelle Judéophobie. Il y définit cette expression comme un militantisme d'extrême gauche qui, au nom de la « lutte contre l'impérialisme » fait alliance avec les islamistes favorables au nationalisme palestinien[7]. Pour lui, ce rapprochement vient de ce que ces militants d'extrême gauche perçoivent les musulmans comme une minorité opprimée de manière systémique par les non-musulmans, et ce à l'échelle mondiale[5],[7][source insuffisante]. Il attribue à Chris Harman[7], dirigeant trotskiste du Parti socialiste des travailleurs au Royaume-Uni, la paternité de ce qu'il considère être un rapprochement entre les ambitions révolutionnaires marxistes et l'Islam[9]. Le terme n'est pas utilisé tel que par ce dernier.
Confronté à l'assimilation de l'islam à une force de lutte pour les dominés, voire à une force progressiste, dans les cercles intellectuels de gauche[10], Chris Harman, dans son article « Le prophète et le prolétariat »[11], analyse la perception par la gauche du renouveau islamique. Il commence par soutenir l'idée que « la gauche a commis une erreur en considérant les mouvements islamistes soit comme automatiquement réactionnaires et “fascistes”, soit comme automatiquement “anti-impérialistes” et “progressistes” », ce qui a contribué à aider les islamistes à croître aux dépens de la gauche dans la majorité du Moyen-Orient[9],[12],[source insuffisante].
Chris Harman distingue cette erreur à l'international de la compréhension qu'il propose de l'islamisme tel qu'il se développe dans les pays occidentaux. Celui-ci est pour lui « le produit d’une crise sociale profonde » et appelle la gauche à se battre pour gagner certains de ses jeunes partisans à une autre perspective très différente, « socialiste, indépendante et révolutionnaire »[13]. Ainsi, il n'exclut pas l'unité d'action avec les islamistes dans les pays où ils sont dominés :
« Sur certaines questions nous serons du même côté que les islamistes contre l’impérialisme et contre l’État. C’était le cas, par exemple, dans un grand nombre de pays lors de la seconde guerre du Golfe. Ce devrait être le cas dans des pays comme la France ou la Grande-Bretagne lorsqu’il s’agit de combattre le racisme. Là où les islamistes sont dans l’opposition, notre règle de conduite doit être : “avec les islamistes parfois, avec l’État jamais”[12]. »
Pierre-André Taguieff déplore depuis son usage « à toutes les sauces »[14].
Le terme est utilisée en France par certains universitaires ou responsables politiques pour dénoncer la proximité et le laxisme supposés de certains hommes politiques français de gauche envers l'islam, par ailleurs confondu ou assimilé à l’islamisme dans ses formes radicales[15],[16].
Longtemps réservé aux cercles extrême-droitiers (voir ci-après), ce terme a connu une exposition médiatique forte après son utilisation fin 2020 par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, repris également par la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal[17].
Le terme connaît son premier grand essor en 2003, lorsque des personnalités en faveur de l'adoption de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises l'utilisent régulièrement pour qualifier leurs opposants, qu'ils considéraient, selon Laurent Lévy, comme des gauchistes, « idiots utiles » de l'islamisme[18]. Des personnalités comme Alain Gresh, Edwy Plenel, Michel Tubiana, et Raphaël Liogier sont régulièrement l'objet de critiques comme « islamo-gauchistes »[19].
À partir de là, le terme se popularise à l'extrême droite et devient une attaque de plus en plus courante de la droite envers la gauche française, jusqu'à devenir selon Jean-Yves Pranchère, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles, un « instrument de disqualification des gens qui défendent les droits de l'homme »[20].
Pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, ce sont « les réactions aux meurtres et aux attentats [islamiques] qui ont fait apparaître au grand jour l'existence d'un “islamo-gauchisme” »[21] et contribué à populariser cette locution dans les médias et le débat public.
Selon l'islamologue Gilles Kepel, « la nébuleuse islamo-gauchiste va aujourd'hui jusqu'aux Indigènes de la République et a touché certains partis comme La France insoumise »[22]. En 2013, le philosophe Michel Onfray écrit qu'il ne communie pas « dans l'islamo-gauchisme d'un Nouveau Parti anticapitaliste dont le héraut intellectuel est Tariq Ramadan »[23]. Il critique également Jean-Luc Mélenchon : « Il y a une époque, il était plutôt Jaurès et Général de Gaulle, maintenant il est islamo-gauchiste[24]. »
Lors de l'entre-deux-tours des primaires de la gauche pour l'élection présidentielle de 2017, Malek Boutih déclare : « Benoît Hamon est en résonance avec une frange islamo-gauchiste[25] », citant notamment dans son entourage son porte-parole Pascal Cherki pour son soutien à des rencontres non-mixtes.
Le , les journalistes Judith Waintraub et Vincent Nouzille dénoncent, dans une enquête sur « les agents d’influence de l’islam » publiée par Le Figaro Magazine, les relais « intellectuels, responsables politiques ou acteurs associatifs » de l'islamo-gauchisme qui selon les auteurs « investissent l'espace médiatique ». Sous des formes différentes et à des degrés divers, ils classent notamment dans cette catégorie les sociologues Edgar Morin, Geoffroy de Lagasnerie et Raphaël Liogier, l'islamologue Tariq Ramadan, l'historien Jean Baubérot, le démographe Emmanuel Todd, le géopolitologue Pascal Boniface, les journalistes Alain Gresh et Edwy Plenel, les personnalités politiques Benoît Hamon, Jean-Louis Bianco, Danièle Obono, Clémentine Autain et Caroline De Haas ou encore les personnalités associatives Marwan Muhammad, Sihame Assbague, Houria Bouteldja et Rokhaya Diallo[26].
Selon le sociologue Fabrice Dhume-Sonzogni, avant l'intervention de Jean-Michel Blanquer en , Le Figaro s'octroyait environ 50 % des utilisations de l'expression depuis 2003-2004 ; « Un groupe d’une quinzaine de personnes est responsable de l’essentiel de la circulation de ce mot »[13]. Tandis que pour David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS, « les comptes qui se sont le plus impliqués [sur le réseau Twitter] dans la promotion d’« islamo-gauchisme » depuis 2016 sont tous idéologiquement d’extrême droite[2]. »
À partir de 2020, sous la présidence d'Emmanuel Macron, une partie du gouvernement utilise ce terme, notamment Gérald Darmanin[27], Jean-Michel Blanquer[28] ou Frédérique Vidal[29]. Après l'assassinat de Samuel Paty, Jean-Michel Blanquer affirme que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université », soutenant qu'il existe « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits ». Dans une tribune du Monde, une centaine d'universitaires (professeurs et professeurs émérites des universités, directeurs d'études et de recherche) dénoncent « les frilosités de nombre de leurs pairs sur l’islamisme » et les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales » et soutiennent les propos du ministre de l'Éducation[30],[31]. En réponse, une tribune signée par « 2000 universitaires, chercheuses et chercheurs » dénonce le soutien envers les propos de Jean-Michel Blanquer « désolant » et s'insurge contre ce qu'elle considère comme un « appel à la police de la pensée dans les universités »[32],[31].
D'après une analyse fondée sur les données de l'outil de recherche Politoscope[33] de l'Institut des systèmes complexes de Paris, « les ministres du gouvernement ont réussi à faire en quatre mois ce que l’extrême-droite a peiné à faire en plus de quatre années: depuis octobre [2019], le nombre de tweets de “la mer” mentionnant « islamo-gauchisme » est supérieur au nombre total de mentions entre 2016 et octobre 2020 », le terme de mer désignant ici un agrégat de comptes Twitter « qui ne sont pas suffisamment politisés pour être associés à un courant politique particulier mais qui échangent néanmoins des tweets politiques » : ils reflètent l'état des débats du moment, et constituent un viviers de recrues potentielles pour les partis politiques[2].
Le , Frédérique Vidal, ministre chargée de l'Enseignement supérieur, annonce vouloir « ouvrir une enquête sur l'islamo-gauchisme à l’université » et avoir demandé au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) « un bilan de l'ensemble des recherches » qui se déroulent en France, afin de distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui tient du militantisme ». Mettant en cause une alliance « entre Mao Zedong et l’ayatollah Khomeini »[6], elle déclare à cette occasion que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et l’université n’est pas imperméable »[34],[35]. Pourtant, dans une tribune parue dans L'Opinion au mois d', Frédérique Vidal avait critiqué l'utilisation du néologisme par Jean-Michel Blanquer[16].
Cette annonce, où pour la troisième fois en moins de six mois un ministre du gouvernement Castex emploie l'expression « islamo-gauchiste »[2], suscite de vives réactions au sein du milieu universitaire, qui la condamne[35]. La Conférence des présidents d'université (CPU) exprime « sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de “l'islamo-gauchisme” à l'université », ajoutant que ce terme « n'est pas un concept. C'est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique »[3],[36]. Le CNRS, qui considère également que l'expression « ne correspond à aucune réalité scientifique », rejette ce qui est interprété comme une tentative de « délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de “race”, ou tout autre champ de la connaissance »[14],[37],[38],[39]. Des universitaires dénoncent une atteinte à la liberté de pensée qui cherche à discréditer différents sujets de recherche[40].
La déclaration du CNRS, qui intervient quelques jours après celle de la ministre de l'Enseignement supérieur est elle même critiquée comme la facette d'un « dogme universitaire », mettant en lumière des divergences idéologiques dans l'enseignement supérieur[41]. Les positions du CNRS ne font en effet pas l'unanimité auprès des chercheurs. Ainsi, le philosophe et politologue Pierre-André Taguieff défend que ce terme n'est « pas moins scientifique ni pertinent que « droite », « gauche » ou « extrême droite »»[42], et reproche à la direction du CNRS d’avoir choisi « clairement son camp idéologique »[43]. Isabelle Barbéris, maître de conférences en arts de la scène et chercheuse associée au CNRS[44], doute que ce communiqué « ait fait l’objet d’une consultation collégiale ». Elle considère que la direction du CNRS fait « ici preuve de complaisance à l’égard des politiques identitaires qui mettent en danger la démocratie, la culture, la recherche-ce dont on ne pourra s’étonner quand on connaît les positions d’Antoine Petit, nommé par un Président de la République qui parle de « privilège blanc » et qui vient de confier une mission « décoloniale » à Pascal Blanchard. »[45]. Cependant, le 20 février, dans le quotidien français Le Monde, plus de six cents universitaires, dont la sociologue Dominique Méda et l'économiste Thomas Piketty, signent une pétition dénonçant un chasse aux sorcières et demandant la démission de la ministre[46],[47],[48].
À la suite de cette polémique, les ministres et représentants du gouvernement multiplient les déclarations contradictoires quant à la qualification de l'« islamo-gauchisme »[16] . La déclaration de Frédérique Vidal est critiquée « partout » dans la majorité. Le , le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, remet en question les accusations d'« islamo-gauchisme » : « Si phénomène il y a, il est extrêmement marginal ». Le même jour, Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, déclare le contraire auprès de la radio juive communautaire Radio J : « l'université, les services publics, des associations sont touchés par l'islamisme aidé parfois par les gauchistes »[16].
Selon les quotidiens américains The New York Times et The Washington Post, se cristallise dans cette polémique une guerre culturelle qui a pris naissance dans les universités françaises et qui s'est installée sur la scène médiatique et dans la sphère politique[49],[50]. Le premier explique que, dans le domaine des sciences sociales, de jeunes universitaires entreprennent des études postcoloniales et des recherches sur les questions de race et de genre, en opposition à une génération d'intellectuels plus âgés, tels que Pierre-André Taguieff. Pour ceux-ci, les théories promues par ceux-la sont des emprunts « artificiels » à la culture universitaire américaine[50].
En France, le terme islamo-gauchisme ne fait pas l'unanimité. Ses promoteurs y voient une manière de nommer « la complaisance coupable d'une grande partie de la gauche à l'égard de la radicalité islamique »[51].
Les essayistes défendant l'expression, comme Gilles-William Goldnadel, estiment que l'islamo-gauchisme est lié au syndrome de culpabilité de la gauche occidentale envers la colonisation et la domination occidentale sur le monde au cours des XIXe et XXe siècles[51].
Pour les promoteurs du terme, les islamo-gauchistes sont ceux qui s'en prennent à la culture occidentale et à l'universalisme, et trouvent une place croissante dans les courants postcoloniaux et antiracistes. Ainsi, pour Caroline Fourest, ce terme « désigne ceux qui, au nom d’une vision communautariste et américanisée de l’identité, combattent le féminisme universaliste et la laïcité[5] », tandis que, rappelant la tenue de réunions interdites aux blancs, Pierre-André Taguieff écrit dans L'Islamisme et nous : « D'une façon croissante, l'antiracisme est mis au service de l'islamisme et de l'islamo-gauchisme, ou instrumentalisé pour la défense de causes ethnicisées »[52].
Pour l'écrivain Christophe Bourseiller, l’islamo-gauchisme évolue sur les mêmes terres qu'une partie de l'extrême droite en défendant un ethno-différencialisme opposé à l'universalisme républicain[53]. Il cite notamment comme exemple Tariq Ramadan et Marwan Muhammad du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) partageant la même tribune que le Nouveau Parti anticapitaliste et Alain Gresh[53].
La critique la plus générale du terme est son absence de rigueur, « islamo » pouvant viser l’intégrisme islamique, ou la population musulmane dans son ensemble, tandis que le terme « gauchisme » peut englober des pans entiers de la gauche classique.[4]
Il est également critiqué du fait de sa polysémie, son utilisation croissante et de plus en plus importante l'ayant parfois éloigné de son sens originel. Ainsi, Pierre-André Taguieff estime, en 2016, que « le sens devient de plus en plus vague à mesure qu’il devient un terme polémique[5] ».
« Comment se saisir de l’islamo-gauchisme, un terme sur lequel personne ne s’accorde, que personne ne revendique et qui, pourtant, a pris une place de choix dans le débat public ? », s'interroge la journaliste Valentine Faure[13].
D'autres auteurs vont plus loin, en affirmant la vacuité du terme. Selon Olivier Christin, l'islamo-gauchisme appartient à ces expressions dont les « usages montent en flèche mais [qui] subissent une usure accélérée. Ils vieillissent terriblement vite ! » Des mots qui, selon Libération, appartiennent à la novlangue. Olivier Christin estime que cette prolifération de termes dans la langue politique peut être considérée « comme un signe de sa vacuité », mais également comme « un indicateur de la vitalité démocratique du pays »[54].
Pascal Boniface est également critique sur l'usage du terme : « L’originalité du concept pourrait plaider en sa faveur, mais c’est en réalité un non-sens, comme l’étaient par le passé les expressions "hitléro-trotskistes" ou "judéo-bolcheviques". Elles aussi se voulaient disqualifiantes. Elles aussi ne reposaient que sur des fantasmes[5]. »
Enfin, le terme est parfois considéré comme une « une arme idéologique utilisée dans un discours hostile pour discréditer une communauté politique indépendamment de la réalité qu’il est supposé désigner. »[2]
Selon Shlomo Sand, qui compte parmi les nouveaux historiens israéliens, le terme, stigmatisant, est « une formule qui permet de faire diversion », dans la mesure où « l’état de crise permanent du capitalisme, et l’ébranlement de la culture nationale, consécutif à la mondialisation, ont incité à la quête fébrile de nouveaux coupables. ». Dans son usage rhétorique, l'historien établit également un lien avec l'emploi du « judéo-bolchevisme » des années 1930 — une « symbiose propagandiste [qui] s’avéra très efficace »[19].
Selon Geoffrey Bonnefoy (L'Express), le terme « réducteur et insultant […] qui est apparu dans le débat public au début des années 2000 selon Libération, est progressivement devenu l'équivalent du point Godwin », il permet « d'asséner une accusation, sans preuve, et de clore le débat sur un sujet politiquement sensible »[55].
Pour David Chavalarias (CNRS), la popularisation du terme profiterait avant tout à l'alt-right française dans sa stratégie de « [création] d'une nouvelle catégorie dans l’imaginaire collectif, passage obligé pour faire accepter de nouveaux récits de référence et pour façonner de manière durable de nouvelles représentations, croyances et valeurs ». Le directeur de recherche considère qu'il existe un « parallèle quasi parfait entre la stratégie de l’alt-right américaine et celle qui sous-tend la promotion de la notion d’« islamo-gauchisme » depuis 2016 ». L'objectif — connu et documenté par la recherche en psychologie sociale, sociologie et sciences politiques — est de rendre crédible la présence « d’un ennemi de l’intérieur qui pilote nos élites et fait alliance avec des ennemis de l’extérieur (non-blancs) », la légitimation et la promotion du concept d'islamo-gauchisme favorise la perte de confiance dans les institutions démocratiques jusqu'à « faire perdre tout repère. » Cette stratégie a déjà, selon l'auteur, favorisé « les mandatures de Donald Trump aux États-Unis et de Bolsonaro au Brésil »[2].
De nombreux journalistes, personnalités politiques ou chercheurs ont dénoncé l'usage stigmatisant de ce néologisme.
Edwy Plenel, « régulièrement présenté comme un “islamo-gauchiste” » selon L'Obs[56], considère que c'est « une expression valise qui sert simplement à refuser le débat et à stigmatiser[5]. »
En , les journalistes Sonya Faure et Frantz Durupt notent « “islamo-gauchiste” : le mot n’est pas nouveau, mais il revient régulièrement dans les discours des défenseurs d’une laïcité parfois qualifiée de “combat”, qui revendiquent un “parler vrai” sur l’islam et l’islamisme », et qui se voient, pour cette raison, parfois accusés d'islamophobie. En réponse à cette qualification, un « procès en islamo-gauchisme » est renvoyé aux accusateurs — les deux termes allant souvent de pair dans ces débats[5].
Le site Acrimed considère que sous ce terme aurait lieu « une chasse aux sorcières médiatique », le terme étant « un vocable épouvantail » utilisé pour discréditer les personnes et mouvements politiques incriminés[57].
D'autres personnalités politiques de gauche, comme Clémentine Autain, revendiquent l'appellation et la rapprochent de l'intersectionnalité des luttes : pour elle, la gauche est légitime à se battre « contre le rejet des musulmans en France[5]. »
Dans son roman Soumission de 2015, Michel Houellebecq fait décrire par Robert Rediger, le personnage de fiction converti à l'islam et professeur d'université devenu homme politique, l'islamo-gauchisme comme « une tentative désespérée de marxistes décomposés, pourrissants, en état de mort clinique, pour se hisser hors des poubelles de l'histoire en s'accrochant aux forces montantes de l'islam »[58],[59].
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