Cet article concerne le conflit armé. Pour la crise diplomatique ayant précédé le conflit, voir Crise diplomatique russo-ukrainienne de 2021-2022.
Date |
Depuis le (2 mois et 3 jours) |
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Lieu | Ukraine |
Issue | En cours (liste des engagements - contrôle des villes - chronologie des événements) |
Russie
République populaire de Donetsk République populaire de Lougansk Ossétie du Sud-Alanie | Ukraine |
~180 000[1] à 190 000 hommes [2] 10 000 Kadyrovtsy[3] + de 1 000 mercenaires du Groupe Wagner[4] 20 000 soldats[5] 14 000 soldats [5] | 246 000 (forces armées) 102 000 (paramilitaires) 900 000 (réservistes)[5] 20 000 volontaires étrangers[a] |
1 351 morts 3 825 blessés (selon la Russie, à la date du 25 mars)[22] Entre 7 000 et 15 000 morts Entre 25 000 et 33 000 blessés, capturés ou disparus (incertitudes dues au brouillard de guerre) (selon des sources de l'OTAN, à la date du 23 mars)[23],[24] 21 000 morts ou blessés 500 à 600 capturés[25] (selon l'Ukraine, à la date du 21 avril) 1 188 tués, 4 956 blessés (selon la République populaire de Donetsk, à la date du 14 avril)[c] 500 à 600 morts (selon la Russie, à la date du 5 avril)[d] Pertes matérielles russes | 2 500 à 3 000 morts 10 000 blessés (selon l'Ukraine, à la date du 16 avril)[30] 23 367 morts (selon la Russie, à la date du 16 avril)[31] 2 000 à 4 000 morts (selon les États-Unis, à la date du 9 mars)[32] 979 morts, 1 134 blessés (selon la République populaire de Donetsk, seulement au Donbass, à la date du 11 mars)[32] Pertes matérielles ukrainiennes |
Batailles
Chronologie de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022
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Offensive de Kiev
Attaques de bases aériennes et d'installations
L'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, aussi appelée guerre d'Ukraine ou guerre russo-ukrainienne de 2022, est une campagne militaire déclenchée le sur ordre du président russe Vladimir Poutine.
Elle intervient à la suite de la crise ukrainienne, née du mouvement Euromaïdan de 2013-2014 qui avait été suivi de la guerre du Donbass à partir de 2014. En 2021 émerge une montée progressive des tensions, d'abord par un renforcement militaire russe prolongé, sans précédent, aux frontières ukrainiennes avec la Russie, la Biélorussie et la Crimée annexée en 2014 par la Russie, puis, le , par la reconnaissance par le président russe de l'indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, deux zones séparatistes de la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine. Après une incursion des forces armées russes dans le Donbass, une offensive générale aérienne, maritime et terrestre est déclenchée sur l'ensemble du territoire ukrainien, le .
À son déclenchement, cette attaque militaire est considérée comme la plus importante qu'ait connue l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Russie est accusée, notamment par les Occidentaux — soit l'Union européenne (UE), le Royaume-Uni, les États-Unis le Canada, l'Australie — ainsi que par le G7, de mener une guerre d'agression contre l'Ukraine[33], action condamnée ou déplorée par la grande majorité de la communauté internationale. Une série sans précédent de sanctions économiques, culturelles et sportives est progressivement mise en place contre la fédération de Russie, tandis que plusieurs pays, parmi lesquels des États membres de l'OTAN et de l'Union européenne, apportent leur aide à l'Ukraine attaquée en fournissant notamment du matériel militaire offensif et défensif, de la nourriture, du matériel médical et d'importantes aides financières. En préalable aux discussions ou négociations, le gouvernement de Vladimir Poutine exige le renversement du gouvernement ukrainien, ce qu'il appelle la « dénazification » de l'Ukraine, la dissolution de son armée, la neutralité du pays, la reconnaissance de l'annexion de la Crimée et l'indépendance des deux oblasts du Donbass dont les séparatistes ne contrôlaient qu'une partie depuis 2014.
Les forces russes sont en outre accusées de nombreux crimes de guerre, notamment lors de frappes visant délibérément les populations civiles dans les villes encerclées[34], ainsi que de massacres de civils dans les environs de Kiev par leurs troupes, découverts après qu'elles en ont levé le siège pour se repositionner à l'est et au sud[35], avec comme objectif la conquête de l'intégralité du Donbass et la création d'une continuité territoriale le long de la côte de la mer d'Azov, jusqu'à la péninsule de Crimée annexée par la Russie en 2014[36].
En Russie, l'invasion est officiellement appelée « opération militaire spéciale », soit en russe специальная военная операция (spetsialnaïa voïennaïa operatsia). Dans le cadre de la propagande d'État et du strict contrôle du récit imposé à la population, l'utilisation de plusieurs mots, parmi lesquels « invasion », « guerre », « bombardements de villes » ou « pertes civiles », y est réprimée par la loi et passible de prison, tandis que les réseaux sociaux sont censurés, tout comme l'ensemble des médias locaux dont plusieurs qui ne sont pas dans la ligne du régime ont dû fermer[37],[38],[39].
Avant la dislocation de l'Union soviétique, la République socialiste fédérative soviétique de Russie conclut, le , avec la République socialiste soviétique d'Ukraine un traité de reconnaissance mutuelle de la souveraineté de chaque État[40], puis un accord de reconnaissance des frontières ukrainiennes par la Russie entériné par les accords d'Alma-Ata du et l'accord établissant la Communauté des États indépendants[40]. Après la dislocation en 1991, l'Ukraine et la Russie continuent à entretenir des liens étroits. En 1994, l'Ukraine accepte d'abandonner son arsenal nucléaire et signe le mémorandum de Budapest assurant l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de l'Ukraine[40],[41]. Cinq ans plus tard, la Russie est l'un des signataires de la charte de sécurité européenne, où sont notamment affirmés l'inviolabilité des frontières et des territoires, ainsi que « le droit naturel de tout État participant de choisir ou de modifier librement ses arrangements de sécurité, y compris les traités d'alliance, en fonction de leur évolution »[40],[42]. Le , un traité d'amitié russo-ukrainien est signé, réaffirmant un engagement bilatéral à « respecter l'intégrité territoriale et l'inviolabilité des frontières », plus contraignant que le mémorandum qui incluait d'autres pays et ne créait pas d'obligation réciproque[40]. D'autres traités bilatéraux sont signés après 2000, comme l'accord sur la frontière entre l'Ukraine et la Russie du ou encore les accords concernant la flotte de la mer Noire, donnant à la Russie des droits de location sur des bases en Crimée, ce qui implique de facto une reconnaissance de la souveraineté de l'Ukraine sur la péninsule[40].
Bien que l'Ukraine fût un pays indépendant reconnu depuis 1991, elle est perçue par les dirigeants russes comme faisant partie de leur sphère d'influence en raison du fait qu'elle est une ancienne république constitutive de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). En 2008, le président russe Vladimir Poutine se prononce contre l'adhésion des anciennes républiques de l'URSS à l'OTAN[43]. Les États-Unis sont favorables à l'adhésion de l'Ukraine[44], tandis que d'autres pays, notamment la France et l'Allemagne, s'y montrent réticents à la suite de la deuxième guerre d'Ossétie du Sud, qui avait éclaté cette même année en Géorgie[45].
Après des semaines de manifestations de grande ampleur lors du mouvement Euromaïdan (entre 2013 et 2014), Viktor Ianoukovytch, le président ukrainien pro-russe de l'époque, et les dirigeants de l'opposition parlementaire ukrainienne signent, le , un accord de règlement prévoyant des élections anticipées. Le lendemain, après la révolution de février 2014, Ianoukovytch fuit Kiev après un vote du parlement ukrainien le destituant de sa fonction présidentielle[46]. Cependant, les dirigeants des régions russophones de l'est de l'Ukraine déclarent rester fidèles à Ianoukovytch, ce qui provoque des manifestations[47]. L'abrogation, le 23 février 2014, de la loi de 2012 sur les langues régionales, retirant le statut de langue officielle à de nombreuses langues dont le russe dans 13 des 27 régions, essentiellement au sud et à l'est du pays[48], provoque un émoi dans ces communautés russophones de par leur attachement culturel à la Russie[49], menant à la création de « brigades d'autodéfense » en opposition avec les brigades révolutionnaires à Kiev[50]. Ces événements sont suivis par l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 et par la guerre du Donbass, qui débute en avril 2014 avec la création des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, soutenues militairement par la Russie[51],[52], marquant ainsi le début du conflit russo-ukrainien.
Le , le président ukrainien Volodymyr Zelensky approuve une nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'Ukraine qui prévoit « le développement du partenariat distinctif avec l'OTAN avec pour objectif l'adhésion à l'OTAN »[53]. Le , il signe un décret approuvant la « stratégie de désoccupation et de réintégration du territoire temporairement occupé de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol ».
En , Poutine publie un essai intitulé De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens, dans lequel il réaffirme son opinion que les Russes et les Ukrainiens sont « un seul peuple » (Nation de tous les Russes)[54]. L'historien américain Timothy Snyder qualifie les idées de Poutine d'impérialistes[55]. Le journaliste britannique Edward Lucas les décrit comme du révisionnisme historique[56]. D'autres observateurs arguent que le dirigeant russe a une vision déformée de l'Ukraine moderne et de son histoire[57],[58],[59].
En octobre 2021, les services de renseignement américains et britanniques informent leurs alliés européens de « la possibilité d'une intervention russe en Ukraine », sans toutefois partager les preuves avant qu'une décision de la Maison-Blanche n'entérine la création d'un processus de collaboration avancé à la mi-novembre entre les agences de renseignement américaines, britanniques, françaises, allemandes et italiennes[60]. Ce « groupe des cinq » se réunit régulièrement avec comme membres Sir Simon Gass pour les services britanniques (Joint Intelligence Committee), Avril Haines comme DNI américaine, Elisabetta Belloni du Département de l'information pour la sécurité italien, Laurent Nuñez de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRTL) française et Johannes Geismann chargé des services de renseignement allemands[60]. Le , des documents du renseignement américain fuitent dans la presse[61]. Le , le cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies publie une analyse d'un possible plan d'invasion de l'Ukraine par la Russie, fondé sur des images satellitaires montrant les positions des forces russes, et détaillant la possibilité qu'un des axes de l'offensive emprunte le territoire biélorusse[62].
Entre mi-janvier et mi-février 2022, le gouvernement des États-Unis alerte publiquement et régulièrement au sujet d'une possible invasion imminente de l'Ukraine par la Russie, détaillant qu'elle « commencerait probablement par des bombardements aériens et des tirs de missiles qui pourraient évidemment tuer des civils », voire qu'elle pourrait inclure un « assaut rapide », et conseillant à l'Ukraine de « se préparer à des jours difficiles »[63],[64],[65]. Dans le groupe des cinq, les renseignements américains communiquent à leurs homologues qu'ils s'attendent à une attaque lorsque les conditions météorologiques seront favorables aux Russes, c'est-à-dire lorsqu'il fera froid. Cette prévision se révèlera parfaitement juste[66]. Les européens restent sceptiques quant à cette possibilité, estimant qu'une résolution diplomatique est encore possible, même après la reconnaissance de l'indépendance des républiques séparatistes du Donbass et de Lougansk par la Russie le [67],[68],[69], ce que le journal Der Spiegel qualifie de « diplomatie de dernière minute »[70]. Même l'Ukraine, par la voix du président Zelensky, dénonce le les accusations américaines anxiogènes, déclarant « qu'aucune information certaine à 100 % » ne leur est parvenue[71]. D'après le chef d'état-major des armées françaises Thierry Burkhard, il y a eu des divergences entre les renseignements français et anglo-saxons, les premiers pensant que le coût pour les Russes d'une conquête militaire de l'Ukraine serait bien trop élevé, et que ceux-ci avaient d'autres options qu'ils privilégieraient[66],[72]. Pour plusieurs analystes, le manque de réceptivité des Européens vis-à-vis des alertes répétées des Américains et Britanniques peut s'expliquer par la communication anglo-saxonne autour de leurs précédentes guerres, notamment de la guerre d'Irak, déclenchée sur un mensonge concernant la présence d'armes de destruction massive[66],[73],[74]. Pour Dominic Grieve, ancien président du comité parlementaire chargé du contrôle des services de renseignement britanniques (ISC), la justesse des prédictions des plans du gouvernement russe par les renseignements anglo-saxons s'explique par leur rapprochement antérieur à celui des Européens avec l'Ukraine[60]. Toutefois, certaines prédictions américaines ne se sont pas réalisées, par exemple la participation directe de la Biélorussie au conflit[75] ou des essais russes d'armes nucléaires à la frontière[76].
À la mi-janvier 2022, la Russie et la Biélorussie amassent des troupes pour une nouvelle série d'exercices militaires conjoints à la frontière ukrainienne le mois suivant[77],[78], dont des tests de missiles[79]. Des vidéos témoignant de mouvements de troupes et d'armes lourdes russes en direction de la frontière ukrainienne circulent sur les réseaux sociaux[80]. Le , les dirigeants européens et américains estiment alors que plus de 100 000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne, ce que les Américains voient comme une préparation de l'armée russe à l'invasion de l'Ukraine[81],[82]. Face à l'augmentation de tension à la frontière, les Britanniques ainsi que les pays baltes envoient, avec l'accord des États-Unis, plus de 850 millions de dollars de missiles et autres armes américaines à l'Ukraine fin janvier 2022[63],[83].
Dans ce contexte, les États-Unis envoient un premier contingent de soldats en Pologne en renfort pour défendre les pays de l'OTAN « contre toute agression » le [84],[85], puis d'autres contingents de 7 000 soldats parmi les alliés de l'OTAN en Europe de l'Est le [86].
Le , la Russie fait valoir une incursion de l'Ukraine après qu'un présumé ou prétendu obus d'artillerie ukrainien a atterri dans la région russe de Rostov près de la frontière russo-ukrainienne au cours de la crise russo-ukrainienne de 2021-2022[87].
Le , le gouvernement russe affirme que les bombardements ukrainiens ont détruit une installation frontalière du Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB), le successeur du KGB, à la frontière russo-ukrainienne et que les forces russes ont abattu cinq soldats ukrainiens qui tentaient de franchir la frontière. L'Ukraine nie être impliquée dans les deux incidents et les a qualifiés d'opérations sous fausse bannière.
Le même jour, dans un discours précédant l'invasion russe de l'Ukraine, Vladimir Poutine développe sa vision de l'Histoire niant l'existence d'une identité ukrainienne, l'Ukraine moderne ayant à ses yeux « été entièrement créée par la Russie, plus précisément par l'URSS. Lénine, Staline, Khrouchtchev ont successivement façonné l'Ukraine en arrachant des parties du territoire historique à la Russie », expose-t-il[88]. Ce qu'il évoque dans ce discours, comme le « génocide » des populations russophones du Donbass, « la volonté de l'Ukraine de se doter de l'arme nucléaire », « la volonté de l'OTAN d'y intégrer l'Ukraine, menaçant la sécurité de la Russie » et le fait de comparer l'Ukraine à un « pays à dénazifier » (en référence à l'engagement de certains Ukrainiens aux côtés des nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale et à l'actuelle milice ukrainienne du Régiment Azov[89],[90]), relèvent du pur mensonge selon le chercheur Jean-Sylvestre Mongrenier de l'Institut Thomas-More. Ce dernier explique que Vladimir Poutine se pose de longue date en « rassembleur des terres russes » et qu'il « veut s'emparer de territoires autrefois conquis et dominés, en dépit du fait que les États post-soviétiques sont reconnus sur le plan international et représentés à l'Organisation des Nations unies »[91]. À son apogée, le Régiment Azov aurait compté jusqu'à 4 000 membres, le parti d'extrême-droite Svoboda soupçonné d'être pronazi n'a récolté que de très faibles suffrages aux élections législatives de 2019, au profit de la victoire historique de Zelensky, de confession juive[89].
En parallèle, l'Ukraine fait face à un pic épidémique dû au variant Omicron du virus responsable du COVID-19, avec 60 % de tests positifs à la mi-février, expliqué en partie par le faible taux de vaccination de la population (seulement 35 %)[92], et prévu depuis début janvier par les institutions sanitaires ukrainiennes[93], affaiblissant à la fois la population et les soldats ukrainiens.
Selon la publication spécialisée The Military Balance, l'Ukraine se classe, pour ce qui est de l'importance de ses forces armées, au deuxième rang des pays de l'ex-URSS avec 196 000 militaires au début de 2022, 4,5 fois inférieure à la Russie et trois fois supérieure à l'Azerbaïdjan, qui occupe la troisième place. Concernant l'effectif total des forces armées, les forces terrestres comptent environ 125 600 soldats, les troupes d'assaut aéroportées 20 000, l'armée de l'air 35 000 et la marine 15 000. Selon le New York Times, les Forces armées ukrainiennes sont parmi les plus importantes d'Europe. Elles comprennent 70 000 militaires d'active et 100 000 réservistes et membres des forces de défense territoriale, dont au moins 100 000 militaires sont des anciens combattants, et 27 000 formés par des spécialistes américains, selon Business Insider, notamment sur la conduite de la guérilla.
Selon The Military Balance, fin 2021-début 2022, l'Ukraine avait de 124 à 132 avions militaires, de 46 à 55 hélicoptères et 3 309 véhicules blindés de combat en service.
Selon l'agence de presse Associated Press, l'armement ukrainien comprend à la fois des systèmes soviétiques obsolètes et des systèmes occidentaux modernes. Les premiers, en particulier, comprennent les obusiers, les lance-roquettes multiples et les missiles balistiques à courte portée. Les seconds comprennent de gros lots de missiles antichars Javelin, de missiles antiaériens Stinger et de drones Bayraktar.
Le budget militaire de l'Ukraine pour 2022 était d'environ 5 milliards de dollars, soit 10 fois moins que celui de la Russie.
À la fin de 2021 et au début de 2022, les forces armées de la fédération de Russie comptaient environ 900 000 personnes en service actif, dont 280 000 dans les forces terrestres, 45 000 dans les forces aéroportées et 165 000 dans les Forces aérospatiales. 554 000 autres personnes font partie des troupes internes et d'autres formations paramilitaires. Le nombre total de la réserve est de deux millions de personnes.
Selon le site Internet Global Firepower Index, la Russie se classe au premier rang mondial quant au nombre de chars (plus de 13 000), de supports d'artillerie automoteurs (plus de 6 000) et de systèmes de missiles (environ 4 000). Diverses sources, se fondant sur les données de The Military Balance, donnent les estimations suivantes du volume d'équipements militaires en service dans le pays :
Le budget militaire de la fédération de Russie pour 2022 était de 48 milliards de dollars.
Selon la BBC, environ 35 000 soldats russes sont déployés aux frontières avec l'Ukraine en temps normal. Cependant, au , la Russie a, selon diverses sources, concentré près des frontières de l'Ukraine (y compris sur le territoire de la Biélorussie et en Crimée) de 100 à 190 000 militaires, dont de 169 à 190 000 selon les États-Unis et 149 000 selon le ministre de la Défense de l'Ukraine. Le 28 février, le représentant officiel du ministère de la Défense de la fédération de Russie, Igor Konachenkov, a déclaré que seuls les militaires sous contrat du côté russe participent aux hostilités, mais le 9 mars, il a admis que plusieurs conscrits avaient été capturés par les autorités ukrainiennes, tout en affirmant que la plupart avaient été ramenés en territoire russe[94].
Selon l'Associated Press, les armes russes utilisées lors de l'invasion comprennent des missiles de croisière Kalibr, des systèmes de missiles Iskander, des systèmes de lance-roquettes multiples Pion, des obusiers automoteurs, Uragan, Smerch, Grad « Hyacinth », « Acacia ».
L'effectif des forces armées de la République populaire de Donetsk (RPD) au début de 2022, selon The Military Balance, était de 20 000 personnes ; pour la République populaire de Lougansk (RPL), 14 000 personnes. Les troupes des deux républiques autoproclamées disposaient de véhicules blindés de combat, d'artillerie et de lance-roquettes, ainsi que de systèmes de défense aérienne. Selon la partie ukrainienne, fin 2019 – mi-2020, la RPD et la RPL étaient armées de :
Russie (président Vladimir Poutine) | République populaire de Donetsk (commandant en chef Denis Pouchiline) | République populaire de Lougansk (commandant en chef Leonid Pasetchnik) | |
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Ministère de la défense (Sergueï Choïgou) | |||
Forces supplémentaires |
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Forces séparatistes de la guerre du Donbass | |
Ministère de l'intérieur (Vladimir Kolokoltsev) |
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Ukraine (président Volodymyr Zelensky) | Volontaires étrangers | |
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Ministère de la Défense (Oleksiy Reznikov) |
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Forces supplémentaires | ||
Ministère de l'Intérieur (Denys Monastyrsky) |
Cette liste ne comprend que les véhicules et équipements détruits pour lesquels des preuves photographiques ou vidéographiques sont disponibles. Par conséquent, la quantité d'équipements détruits est supérieure à celle enregistrée ici. Les armes légères, les missiles antichars, les MANPADS, les munitions, les véhicules civils, les remorques et les équipements abandonnés (y compris les aéronefs) ne sont pas inclus dans cette liste.
Pertes au 22 avril 2022 | ||
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Russie et alliés (3082)[97] | Équipements | Ukraine et alliés (875)[98] |
531 | Chars | 134 |
314 | Véhicules blindés de combat | 79 |
561 | Véhicules de combat d'infanterie | 91 |
101 | Véhicules blindés de transport de troupes | 53 |
24 | Protection contre les embuscades résistantes aux mines (MRAP) | - |
95 | Véhicules de mobilité d'infanterie (en) | 69 |
63 | Postes de commandement et postes de communication | - |
116 | Véhicules et équipements du génie | 12 |
12 | Mortiers lourds | - |
56 | Artillerie remorquée | 26 |
98 | Artillerie automotrice | 25 |
58 | Lance-roquettes multiples | 15 |
4 | Canons antiaériens | 2 |
14 | Canons antiaériens automoteurs | 2 |
53 | Systèmes de missiles sol-air | 43 |
10 | Radars | 18 |
7 | Brouilleurs et systèmes de tromperie | - |
24 | Aéronefs | 19 |
37 | Hélicoptères | 5 |
41 | Véhicules aériens sans pilote | 14 |
2 | Trains logistiques | - |
856 | Camions, véhicules et jeeps | 249 |
4[N 1] | Navires de guerre[99] | 17[100],[N 2] |
Dans une allocution télévisée surprise, vraisemblablement préenregistrée, le président russe Vladimir Poutine annonce le vers 5 h 30 heure de Moscou (UTC+3) le début de l'invasion de l'Ukraine par les forces russes[102],[103]. À son déclenchement, cette attaque militaire est considérée comme la plus importante qu'ait connue l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale[104],[105],[106],[107].
L'opération militaire complète consiste a déployer des divisions d'infanterie soutenues par des unités blindées et un soutien aérien dans l'est de l'Ukraine, appuyés par des dizaines d'attaques de missiles dans l'est et l'ouest de l'Ukraine[108],[109]. Les principales attaques d'infanterie et de division de chars sont lancées par quatre offensives distinctes, créant un front nord (lancé vers Kiev), un front sud (lancé depuis la Crimée), un front sud-est et un front de l'est (lancés depuis l'oblast de Louhansk et le Donbass)[110],[111]. Ces quatre incursions traversent l'Ukraine en s’enfonçant de 100 à 200 kilomètres à l'intérieur des frontières ukrainiennes, encerclant ainsi les principales villes. Le 20 mars, les quatre fronts forment un périmètre de manière significative à l'intérieur de toute la frontière de l'est de l'Ukraine, les forces russes commençant à consolider les lignes de communication et de soutien entre les quatre principaux fronts tout en assiégeant Marioupol, Kiev, Louhansk et de nombreuses autres villes d'importance stratégique[110],[111]. Une vaste campagne de bombardements est également menée avec des dizaines de frappes de missiles à travers toute l'Ukraine, jusqu'à Lviv, à l'ouest du pays[112],[113].
Le 25 mars, alors que l'armée russe est forcée de se retirer des alentours de Kiev[114],[115], le ministère russe de la Défense annonce que la « première étape » de ce qu'ils appellent « l'opération militaire en Ukraine » est accomplie avec succès, l'armée russe se concentrant désormais sur la « libération du Donbass »[116],[117]. Le 8 avril 2022, le général Alexandre Dvornikov est nommé à la tête des opérations militaires en Ukraine, menées sur quatre fronts[118],[119],[120] :
Le 7 avril, les troupes russes déployées sur le front nord menées par le district militaire est, comprenant les 29e, 35e et 36e armées combinées, sont retirées de l'offensive de Kiev pour un réapprovisionnement apparent et un redéploiement ultérieur dans la région du Donbass, afin de renforcer les fronts Sud et Est pour mener un nouveau front d'invasion du sud-est de l'Ukraine. Le front Nord-Est, y compris le district militaire central, comprenant la 41e armée combinée et la 2e armée blindée de la Garde, y sont également retirées pour un réapprovisionnement et un redéploiement dans le sud-est de l'Ukraine[121],[122].
Au début de l'invasion le 24 février, la campagne militaire du Sud-Est est menée en deux fronts distincts comprenant un front Sud venant de Crimée et un front Est probant séparé venant des régions de Louhansk et du Donbass. Le 8 avril, le ministère russe annonce que toutes ses troupes et divisions déployées dans le sud-est de l'Ukraine seront réunies sous le commandement et le contrôle du général Dvornikov, chargé des opérations militaires combinées, y compris les forces déployées dans les fronts Nord et Nord-Est, réaffectés sur le front Sud-Est au début du mois d'avril[123]. Le 17 avril, les progrès sur le front Sud-Est semblent être entravés par les troupes résiduelles qui continuent de lutter dans la zone industrielle de Marioupol, refusant les ultimatums de reddition des troupes russes environnantes[124].
Le 24 février, les forces russes prennent le contrôle du canal de Crimée du Nord, permettant l'approvisionnement en eau de la Crimée, précédemment coupé depuis 2014[125]. Le 26 février, un siège à Marioupol débute alors que l'attaque se déplace vers l'est en direction de la ville, tout en reliant simultanément le front aux régions tenues par les séparatistes du Donbass[126]. En route vers Marioupol, les forces russes entrent dans Berdiansk avant de s'en emparer le lendemain[127]. Le 1er mars, les forces russes se préparent à une attaque contre Melitopol et d'autres villes voisines[128]. Le maire de la ville annoncera plus tard la prise de la ville par les Russes[129]. Le matin du 25 février, des unités russes de la RPD avancent vers Marioupol et rencontrent des forces ukrainiennes près du village de Pavlopil (en), où elles sont vaincues[130],[131],[132]. Dans la soirée, la marine russe lance un assaut amphibie sur les côtes de la mer d'Azov à 70 kilomètres à l'ouest de Marioupol. Selon un responsable américain de la défense, les forces russes pourraient déployer des milliers de marines à partir de cette tête de pont[133],[134],[135].
Un groupe opérationnel russe avance vers le nord depuis la Crimée, le 22e corps d'armée russe s'approchant de la centrale nucléaire de Zaporijjia le 26 février[136]. Deux jours plus tard débute le siège d'Enerhodar pour tenter de prendre le contrôle de la plus puissante centrale nucléaire d'Europe en 2022[137]. L'installation est victime d'un bombardement russe, occasionnant un incendie. D'après l'Agence internationale de l'énergie atomique celui-ci n'a provoqué aucun dommage des équipements essentiels, la centrale électrique n'enregistrant aucune fuite de rayonnement[138]. Le 4 mars, la centrale nucléaire tombe sous contrôle russe. Un troisième groupe opérationnel russe de Crimée se déplace vers le nord-ouest, où il capture des ponts enjambant le Dniepr[139]. Le 2 mars, les troupes russes remportent une bataille stratégique à Kherson. Elle demeure, au , la seule ville ukrainienne d'importance passée sous contrôle russe[140]. Elle n'est pas coupée du reste de l'Ukraine, les citoyens transitant avec un filtrage au bon vouloir des occupants russes[140]. Sa reconquête par l'État ukrainien représente un dilemme, étant donné les potentielles conséquences qu'auraient les combat sur les populations civiles, et ne semble donc pas pour le moment une priorité[140]. Les troupes russes avancent ensuite vers Mykolaïv et attaquent la ville deux jours plus tard, avant d'être repoussées par les forces ukrainiennes[141]. Le 2 mars également, les forces ukrainiennes lancent une contre-offensive sur Horlivka[142], principalement contrôlée par la RPD depuis 2014[143]. À la suite d'une nouvelle attaque de missile sur Marioupol, le gouvernement ukrainien annonce le 14 mars la mort de plus 2 500 civils depuis le début du siège[144].
Le 18 mars, Marioupol est entièrement encerclée et les combats atteignent le centre-ville, entravant les efforts d'évacuation des civils[145]. Le 20 mars, une école d'art de la ville, abritant environ 400 personnes, est détruite par un bombardement russe[146]. Le même jour, alors que les forces russes poursuivent leur siège de la ville, le gouvernement russe exige une reddition complète, ce que plusieurs responsables du gouvernement ukrainien refusent[110],[111]. Le 24 mars, les forces russes entrent dans le centre de Marioupol dans le cadre de la deuxième phase de l'invasion[147]. Le 27 mars, selon la vice-première ministre ukrainienne Olha Stefanychyna, les habitants de Marioupol n'ont ni accès à l'eau, ni à des approvisionnements alimentaires. Plus de 85 % de toute la ville est détruite[148]. Lors d'une conversation téléphonique entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine le 29 mars, ce dernier déclare que le bombardement de Marioupol prendra fin en cas de reddition complète des troupes ukrainiennes, étant donné l'état de dévastation avancé de la ville[149].
Le 3 avril, après le retrait des forces russes de Kiev à la fin de la première phase de l'invasion militaire, la Russie commence à étendre l'attaque sur le front sud de l'Ukraine plus à l'ouest, notamment par une augmentation des bombardements et des frappes contre Odessa, Mykolaïv et la centrale nucléaire de Zaporijjia[150],[151]. Une attaque de missiles russes contre la gare de Kramatorsk a lieu le 8 avril 2022, à l'aide d'une bombe à fragmentation. Selon des informations, au moins 52 civils ont été tués[152] et 87 à 300 autres blessés[153]. Le 10 avril, l'aéroport international de Dnipro est détruit par une frappe de missile[154],[155]. Le 13 avril, les forces russes intensifient leur attaque contre l'usine métallurgique Azovstal de Marioupol, utilisée par les défenses ukrainiennes résiduelles dans la ville[156]. Les forces russes encerclent l'usine où les dernières forces ukrainiennes sont retranchées, qui annoncent le 17 avril continuer le combat jusqu'au dernier homme[124].
Le 18 avril, avec la quasi-victoire russe de la bataille de Marioupol, le gouvernement ukrainien annonce le début de la deuxième phase de l'invasion renforcée dans les régions de Donetsk, Louhansk et Kharkiv[157].
À l'est, les troupes russes tentent de capturer Kharkiv, à moins de 35 kilomètres de la frontière russe[158],[159]. Pendant les combats, les chars russes se heurtent à une forte résistance ukrainienne. Le 28 février, la ville est la cible d'attaques de missiles faisant plusieurs morts[160]. Le 1er mars, Denis Pouchiline, le Président de la République populaire de Donetsk, annonce que les forces séparatistes ont quasiment encerclé la ville de Volnovakha[161]. Le 2 mars, les forces russes sont repoussées de Sievierodonetsk lors d'une attaque contre la ville[162]. Selon le ministère russe de la Défense, la Russie est prête à compter du 25 mars à entrer dans la deuxième phase des opérations militaires en cherchant à occuper les principales villes ukrainiennes dans l'est de l'Ukraine[163]. Le 31 mars, PBS News rapporte que Kharkiv est visé par de nombreux bombardements et attaques de missiles, jour même où les négociations de paix doivent reprendre à Istanbul[164].
Au milieu de l'intensification des bombardements russes de Kharkiv le 31 mars 2022, la Russie signale une frappe d'hélicoptère ayant visé un dépôt d'approvisionnement en pétrole à environ 40 kilomètres au nord de la frontière à Belgorod[165]. Le Kremlin accuse l'Ukraine de l'attaque, qui nie cependant toute responsabilité[166]. Le 7 avril, le nouveau rassemblement des troupes russes et des divisions de chars autour des villes d'Izioum, Sloviansk et Kramatorsk amène les responsables du gouvernement ukrainien à conseiller à tous les résidents vivant près de la frontière orientale de l'Ukraine à évacuer leurs villes et s'échapper vers les parties occidentales de l'Ukraine[167].
Le 11 avril, Zelensky annonce que l'Ukraine s'attend à une nouvelle offensive russe majeure à l'est[168]. Selon des responsables américains, la Russie prépare une phase ultérieure de ses opérations militaires en se concentrant dorénavant sur l'est, en raison d'un rétrécissement, du réapprovisionnement et du redéploiement des divisions d'infanterie et blindées sur les fronts du sud-est de l'Ukraine[169],[170]. Des satellites militaires rapportent de vastes convois russes d'unités d'infanterie et mécanisées se déployant au sud de Kharkiv à Izioum le 11 avril, dans le cadre du redéploiement russe prévu de ses troupes du nord-est sur le front Sud-Est de la guerre d'Ukraine[171]. Les troupes ukrainiennes annoncent le 14 avril avoir fait exploser un pont stratégique entre Kharkiv et Izioum, utilisé par les forces russes pour leur redéploiement à Izioum, entravant ainsi la progression de leur convoi.
Le 18 avril 2022, la Russie lance une nouvelle offensive dans le Donbass[172],[173],[174]. Le même jour, des troupes russes et les forces séparatistes de la RPL sont entrées dans la ville de Kreminna, la capturant quelques heures plus tard après des affrontements avec l'armée ukrainienne[175].
Les forces russes avancent dans l'oblast de Tchernihiv le 24 février et assiègent sa capitale administrative. Le lendemain, la deuxième plus grande ville de l'oblast, Konotop, qui se trouve à 90 kilomètres de la frontière russe, est attaquée et capturée par les forces russes[176],[177]. Une avancée distincte est menée dans l'oblast de Soumy le même jour, où la ville de Soumy, à seulement 35 kilomètres de la frontière russo-ukrainienne, est attaquée par des unités russes. L'avancée russe s'enlise dans les combats urbains et les forces ukrainiennes réussissent à tenir la ville. Selon des sources ukrainiennes, plus de 100 véhicules blindés russes ont été détruits et des dizaines de soldats capturés[178]. Okhtyrka est également attaquée, où des armes thermobariques sont employées par les forces russes[126].
Dans une évaluation de la campagne du 4 mars, Frederick Kagan estime que l'axe d'attaque Soumy est actuellement « la voie d'avance russe ayant rencontré le plus de succès, qui s'avère être l'offensive la plus menaçante pour la ville de Kiev ». La géographie favorise les avancées mécanisées car le terrain « est plat et peu peuplé », offrant peu de bonnes positions défensives[108]. Les forces russes font plusieurs percées profondes le long des axes depuis l'oblast de Soumy, remportant plusieurs batailles de ce théâtre. Depuis le long des grands axes, les forces russes atteignent Brovary, une banlieue est de Kiev, le 4 mars[109],[108]. Le 17 mars, Izioum aurait été capturé par les forces russes[179], malgré la poursuite des combats[180]. Le 1er avril, l'armée ukrainienne confirme qu'Izioum passe sous contrôle russe[181],[182].
Le 6 et 7 avril, la totalité des troupes russes ont quitté les oblasts de Tchernihiv et de Soumy, tandis que l'oblast de Kharkiv demeure contesté, selon le Pentagone et le gouverneur Dmytro Jyvytsky[183],[184].
Les efforts russes visant à capturer Kiev comprennent une offensive principale venant du sud de la Biélorussie le long de la rive ouest du fleuve Dniepr, dans le but apparent d'encercler la ville par l'ouest. Ce mouvement est soutenu par deux axes de progression distincts venus de la Russie et passant le long de la rive est du Dniepr : l'ouest à Tchernihiv et l'est à Soumy. Les axes d'attaque orientaux visent probablement à encercler Kiev par le nord-est et l'est[109],[108]. Le premier jour de l'invasion, les forces russes avançant vers Kiev depuis la Biélorussie prennent le contrôle des villes fantômes de Tchernobyl et de Pripyat[185],[186]. Après leur percée à Tchernobyl, les forces russes sont retenues à Ivankiv, une banlieue nord de Kiev. Les forces aéroportées russes tentent de s'emparer de deux aérodromes clés autour de Kiev, lançant un assaut aéroporté sur l'aéroport d'Antonov[187],[188], puis sur Vassylkiv, près de la base aérienne de Vassylkiv au sud de Kiev, le 26 février[189],[190].
Ces attaques semblent avoir pour objectif de s'emparer rapidement de Kiev, les Spetsnaz s'infiltrant dans la ville soutenues par des opérations aéroportées et une avance mécanisée rapide depuis le nord. Cependant, elles échouent[191]. Au cours de ses premiers assauts contre Kiev, la Russie aurait tenté à plusieurs reprises d'assassiner Volodymyr Zelensky en déployant des mercenaires du groupe Wagner et des forces tchétchènes ; selon le gouvernement ukrainien, ces tentatives auraient été partiellement contrecarrées par des responsables anti-guerre du Service fédéral de sécurité russe, qui partageaient des renseignements sur ces plans[192].
Début mars, de nouvelles timides avancées russes le long du côté ouest du Dniepr ont lieu, après avoir subi des revers de la défense ukrainienne[109],[108]. Au 5 mars, un grand convoi russe de 64 kilomètres de long rencontre de nombreuses difficultés logistiques et s'embourbe à une trentaine de kilomètres du centre de la ville de Kiev[193]. Les avancées le long de l'axe de Tchernihiv sont en grande partie arrêtées alors qu'un siège de la ville débute. Les forces russes continuent cependant à avancer depuis le nord-ouest de Kiev, capturant Boutcha, Hostomel et Vorzel le 5 mars[194],[195], bien qu'Irpin demeure toujours contestée au 9 mars[196]. Le 11 mars, le long convoi est partiellement redéployé, prenant des positions sous un couvert forestier. Des lance-roquettes sont également identifiés[197]. Le 16 mars, les forces ukrainiennes lancent une contre-offensive pour repousser les forces russes s'approchant de Kiev depuis plusieurs villes environnantes[198].
Le 20 mars, l'armée russe semble mener une invasion rapide pour atteindre son objectif principal apparent de la prise de Kiev, ainsi que l'occupation de l'est de l'Ukraine et le déplacement du gouvernement ukrainien. Les forces russes se retrouvent rapidement bloquées à l'approche de Kiev en raison de plusieurs facteurs, notamment la disparité de moral et de performance entre les forces ukrainiennes et russes, l'utilisation ukrainienne d'armes portables sophistiquées fournies par les alliés occidentaux, les mauvaises performances de la logistique et de l'équipement russes, la supériorité aérienne non assurée par l'armée de l'air russe et l'attrition militaire russe pendant leur siège des grandes villes[199],[200],[201]. Incapables de remporter une victoire rapide à Kiev, les forces russes adoptent une autre stratégie et commencent à utiliser des armes à distance, mènent des bombardements aveugles et des guerres de siège[199],[202],[203].
Le 25 mars, la contre-offensive ukrainienne à Kiev entraîne la reprise de plusieurs villes, dont Makariv[114], à l'est et à l'ouest de Kiev[115]. Dans le cadre d'un retrait général des forces russes au nord de Kiev, ainsi que d'attaques contre des formations russes par l'armée ukrainienne, les troupes russes dans la région de Boutcha se replient vers le nord à la fin de mars[204]. Les forces ukrainiennes entrent dans Boutcha le 1er avril et y découvrent des centaines de cadavres de civils tués jonchant les rues[205]. Le 2 avril, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar déclare notamment que les localités « d’Irpin, Boutcha, Hostomel et toute la région de Kiev ont été libérées de l’envahisseur ». Des opérations de déminage suivent le retrait des troupes ennemies[206].
L’objectif de ce « retrait rapide » des troupes russes des régions de Kiev et de Tchernihiv, dans le nord de l’Ukraine, est un redéploiement de ces soldats vers l’est et le sud, estime le gouvernement ukrainien[206]. Objectif clé aux yeux de l'État-major russe, l'échec de la prise de Kiev est considérée comme un revers militaire majeur dans leur campagne[207],[208].
Le 13 mars, les forces russes mènent plusieurs attaques de missiles de croisière contre un centre d'entraînement militaire à Yavoriv, dans l'oblast de Lviv, près de la frontière polonaise. Le gouverneur local Maksym Kozytsky rapporte qu'au moins 35 personnes ont été tuées dans les attaques[209],[210]. Le 18 mars, la Russie étend ses attaques jusqu'à Lviv. D'après les responsables militaires ukrainiens, elles sont l'œuvre de missiles de croisière lancés depuis des avions de combat survolant la mer Noire[211].
Au premier jour de l'invasion, les forces russes attaquent la base aérienne de Tchouhouïv, qui abrite des drones Bayraktar TB2, endommageant les zones de stockage de carburant et les infrastructures[212].
Le 25 février, l'attaque de la base aérienne de Millerovo par les forces militaires ukrainiennes est appuyée par des missiles OTR-21 Tochka, ayant détruit plusieurs avions de l'armée de l'air russe et incendié la base aérienne d'après des responsables ukrainiens[112],[113]. Lors de l'attaque de l'aéroport de Jytomyr le 27 février, la Russie a utilisé des systèmes de missiles 9K720 Iskander, situés en Biélorussie, pour attaquer l'aéroport civil de Jytomyr[213]. En date du 5 mars, la Russie dénombre avoir perdu au moins dix avions[214] ; l'état-major général des forces armées ukrainiennes revendique quant à lui 88 avions russes détruits depuis le début de la guerre[215]. Cependant, un haut responsable de la défense américain anonyme déclare au journal Reuters le 7 mars que la Russie dispose encore de la « grande majorité » de ses avions de combat et hélicoptères amassés près de l'Ukraine[216].
Le 26 février la Russie dénonce l'usage de drones américains fournissant des renseignements à la marine ukrainienne pour cibler des navires de guerre russes qui opèrent en mer Noire, accusation que les États-Unis nient[217].
Les mauvaises performances de l'armée de l'air russe sont attribuées par The Economist à leur incapacité de mettre hors de combat les batteries de missiles sol-air à moyenne portée ukrainiennes (SAM), au manque matériel russe de bombes à guidage de précision, ainsi qu'aux sites SAM ukrainiens qui forcent les avions à voler en rase-motte, ce qui les rend vulnérables aux Stinger et autres missiles sol-air tirés à l'épaule. À cela s'ajoute un manque d'entraînement et d'heures de vol des pilotes russes, inexpérimentés pour ce type de missions d'appui au sol rapproché typiques des forces aériennes modernes[218].
L'Ukraine borde la mer Noire, qui n'a d'accès que les détroits turcs du Bosphore et des Dardanelles. Le 28 février, la Turquie invoque la Convention de Montreux de 1936 et ferme le détroit aux navires de guerre russes non enregistrés sur les bases d'attache de la mer Noire et ne retournant pas dans leurs ports d'origine, refusant le passage de quatre navires de la marine russe dans le détroit turc[219],[220],[221].
Le 24 février, le Service national des gardes-frontières d'Ukraine annonce qu'une attaque sur l'île des Serpents par des navires de la marine russe est en cours. Le croiseur lance-missiles Moskva, navire amiral de la flotte russe en mer Noire[222], et le patrouilleur Vassili Bykov bombardent l'île avec leurs canons de pont[223]. Lorsque le Moskva entre en contact avec la garnison de l'île par radio et exige sa reddition, les soldats ukrainiens répondent : « Navire de guerre russe, va te faire foutre ». Après cet échange, tout contact est perdu avec l'île des Serpents et la garnison de treize membres est capturée[224]. Après le bombardement, un détachement de soldats russes débarque et prend le contrôle de l'île[225].
Le 3 mars, la frégate Hetman Sahaidachny, le vaisseau amiral de la marine ukrainienne, est sabordée dans le port de Mykolaïv pour empêcher sa capture par les forces russes[226].
La Russie capture au moins huit navires de guerre ukrainiens au lendemain de la bataille de Berdiansk : deux canonnières rapide de la classe Gyurza-M, deux patrouilleurs de la classe Zhuk, un remorqueur de la classe Sorum et six petits patrouilleurs. Russia Today ne mentionne pas le deuxième patrouilleur de la classe Zhuk ni les six patrouilleurs légers, mais affirme que parmi les navires capturés se trouvent un navire de débarquement de la classe Polnochny, un navire de débarquement de la classe Ondatra, une corvette de la classe Grisha, un patrouilleur lance-missile de la classe Matka et un dragueur de mines de la classe Yevgenya[227].
Le 24 mars, l'Ukraine affirme dans la journée avoir détruit dans le port de Berdiansk le navire de guerre amphibie russe Saratov (BDK-65), de la classe Alligator[228],[229] et endommagé un navire de débarquement de la classe Project 775 Ropucha[230].
Dans la nuit du , les autorités ukrainiennes annoncent que le croiseur russe Moskva est en feu et évacué par son équipage, il aurait été touché par des missiles Neptune mais selon le ministère russe de la Défense, le croiseur a été « gravement endommagé » par une explosion de munitions causée par un incendie[222]. Alors qu'il est remorqué vers un port russe, les graves avaries que le navire a subies, additionnées au mauvais temps font que le croiseur coule dans la journée du 14 avril, d'après une information du ministère de la défense russe[231].
Les civils ukrainiens prennent une part active contre l'invasion russe, se portant volontaires pour des unités de défense territoriale, fabriquant des cocktails Molotov, distribuant de la nourriture, construisant des barricades telles que des hérissons tchèques[232] et aidant au transport des réfugiés[233]. Répondant à un appel de l'agence ukrainienne des transports, Ukravtodor, des civils ont démantelé ou modifié des panneaux de signalisation, construit des barrières de fortune et bloqué des routes. Les médias sociaux rapportent des manifestations de rue spontanées contre les forces russes dans les colonies occupées, évoluant souvent en altercations verbales et affrontements physiques avec les troupes russes[234].
Dans certains cas, des personnes bloquent physiquement des véhicules militaires russes, les forçant parfois à battre en retraite[234],[235],[236]. La réponse des soldats russes à la résistance civile non armée varie de la réticence à engager les manifestants[234], au tir de sommation ou directement dans la foule[237]. Des détentions massives de manifestants ukrainiens sont signalées, les médias ukrainiens rapportant des disparitions forcées, des simulacres d'exécution, des prises d'otages, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles perpétrées par l'armée russe[238].
Le , le président ukrainien Zelensky accepte de participer à des pourparlers à la frontière entre l'Ukraine et la Biélorussie, à la suite d'une conversation téléphonique avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko, et ce, malgré un sentiment de scepticisme du côté ukrainien[239]. Le président ukrainien exige que les négociations se déroulent en territoire neutre, d'où son refus de participer aux discussions proposées auparavant à Homiel ou à Minsk[240].
Au quatrième jour de l'offensive, lors d'un entretien avec ses chefs militaires retransmis à la télévision russe, le chef du Kremlin Vladimir Poutine a ordonné, en réponse aux différentes sanctions des pays occidentaux, « au ministre de la Défense et au chef d'état-major de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe, qui comprennent un volet nucléaire, en régime spécial d'alerte au combat »[241]. Les forces de dissuasion russes sont un ensemble d'unités dont le but est de décourager une attaque contre la Russie, « y compris en cas de guerre impliquant l'utilisation d'armes nucléaires »[242].
La Biélorussie a modifié sa constitution pour pouvoir stocker l'arsenal nucléaire russe à partir du 27 février 2022[243].
Le , une deuxième séance de pourparlers a eu lieu à Belovejskaïa Pouchtcha, municipalité biélorusse à proximité de la Pologne ; le principal résultat de cette séance étant un commun accord pour l'établissement de couloirs humanitaires, en raison des besoins criants d'obtenir des médicaments et de la nourriture, ainsi que d'évacuer les civils. Cet accord prévoirait également la possibilité d'un cessez-le-feu temporaire pour permettre les évacuations. Le président Zelensky interpelle son homologue russe, souhaitant vouloir négocier directement avec lui. Dans un communiqué de presse, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, exprime sa certitude qu'une entente sera conclue entre les belligérants, mais évoque la possibilité d'un conflit nucléaire[244],[245].
Le , Israël se propose en tant que médiateur, en invoquant de solides relations avec les deux nations en conflit. Le premier ministre israélien Naftali Bennett, accompagné de Ze'ev Elkin, ministre du Logement russophone d'origine ukrainienne, se rend à Moscou, devenant ainsi le premier dirigeant étranger à se rendre en Russie depuis le début des hostilités. Avant de s'y rendre, Bennett fait part de ses intentions à l'Allemagne, les États-Unis et la France. Il y rencontre Poutine, téléphone ensuite à Zelensky, puis se rend à Berlin pour rencontrer Olaf Scholz. Peu de détails sont connus de la teneur de ces conversations, autre que la discussion avec Scholz ait « porté sur les résultats de l'entretien que le premier ministre a eu avec le président russe Poutine » et que les chefs allemand, français et israélien continueront d'échanger à ce sujet. Du côté russe, on affirme que les dirigeants se sont entretenus au sujet de la situation ukrainienne de l'« opération militaire spéciale » dans le Donbass et les discussions de Vienne concernant le Programme nucléaire de l'Iran. Cet événement est notable, car le premier ministre israélien observe le jour du shabbat et n'entreprend aucune activité officielle pendant ce jour. Ce dernier a fait référence à la « situation des Israéliens et des communautés juives à la suite du conflit » comme justification à ces visites[246],[247].
Lors des pourparlers « substantiels » à Istanbul le , la Russie promet de « réduire radicalement » son offensive vers Kiev, à la suite de la proposition de l'Ukraine de s'engager à une neutralité sous réserve que sa sécurité soit garantie par des puissances étrangères[248]. Ce statut empêcherait l'Ukraine de rejoindre l'OTAN[249], objectif demandé par la Russie avant l'invasion. Les autorités ukrainiennes ont également demandé à ce que les différends sur la Crimée et les territoires séparatistes fassent l'objet de négociations séparées[248].
Sur les ondes de la chaîne de télévision Ukraine 24, un conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, déclare que les stocks alimentaires dans les chaînes de magasins pourraient suffire pour 15 à 20 jours, notant au passage « une forte demande spéculative » et une pénurie de carburant dans les stations-service.
Le , le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle l'ensemble des citoyens à se battre et à fournir des armes aux civils afin de s'opposer aux offensives russes[250]. Par la suite, les hommes de 18 à 60 ans sont mobilisés et interdits de quitter le territoire ukrainien.
Le , Zelensky affirme que l'armée russe vise également des zones civiles, et pas seulement des points militaires stratégiques, ce que démentent les autorités russes[251].
L'Ukraine et la Russie ont convenu à plusieurs reprises de couloirs humanitaires sur les villes assiégées, mais plusieurs annulations, reports et incidents ont été à déplorer[252].
Le , le président ukrainien s'adresse en visio-conférence au Congrès américain réuni au Capitole. Tout en demandant de l'aide et en réitérant sa volonté que le ciel de son pays soit fermé aux avions russes, il diffuse une vidéo où l'on voit les bombardements de l'armée de Vladimir Poutine sur des immeubles d'habitations, des hôpitaux et des écoles, et des tirs d'artillerie sur des civils sans défense[253]. Pour Julien Pomarède, chercheur en sciences politiques de l'Université libre de Bruxelles et d'Oxford : « La Russie en Syrie a bombardé des quartiers résidentiels, des hôpitaux, des convois humanitaires. Et c’est exactement ce qu’on voit en Ukraine aujourd’hui. Les Russes visent de manière intentionnelle des sites civils, ils ont bombardé des couloirs humanitaires à Marioupol, ils bombardent des hôpitaux et des maternités »[254]. Il ajoute : « La population est considérée comme un levier stratégique, c’est-à-dire que faire peur aux populations, les attaquer, c’est un moyen de pression sur le politique, c’est une manière de dire si vous ne pliez pas, si vous ne capitulez pas, on augmentera la souffrance des civils. C’est vraiment une logique de destruction pure et totale »[254].
Au moins 18 civils ukrainiens sont morts lors du premier jour de l'invasion : 13 en Ukraine du Sud[255], 3 à Marioupol et 2 à Kharkiv[256],[257].
L'ONU rapporte au moins 25 morts et 102 blessés parmi les civils pour la première journée de combat, en précisant que le bilan réel est probablement bien supérieur[258].
Des attaques délibérées contre des infrastructures civiles sont avérées, comme l'attaque de l'aéroport de Jytomyr le [259]. Le , l'Organisation mondiale de la santé (OMS) confirme de nombreuses attaques sur des centres de santé et sur des soignants, précisant que ces attaques constituent « des violations de la loi humanitaire internationale ». Ces attaques sont documentées par six rapports officiels, et font état d'au moins six morts et onze blessés[260].
Vladimir Poutine prétexte pour sa part que les soldats ukrainiens utiliseraient des civils comme « boucliers humains », ils les enfermeraient dans des immeubles résidentiels où ils placeraient « des armes et du matériel militaire »[261].
Au , l'ONU fait état d'au moins 700 civils tués[262].
Le même jour, le parquet général ukrainien annonce que 108 enfants ont été tués en Ukraine depuis le début de l'invasion de ce pays par la Russie, dont 52 dans la région de Kiev. Dans la même journée, le réseau électrique ukrainien est raccordé à celui de l'Union européenne[262].
Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 100 000 civils ukrainiens ont abandonné leur foyer au premier jour de l'invasion[263]. Les pays de l'Union européenne ainsi que la Moldavie se préparent à l'accueil des réfugiés[264]. Le , la Roumanie annonce avoir accueilli 10 000 réfugiés, la Moldavie près de 16 000[265]. Selon la Pologne, au , 115 000 réfugiés ont déjà passé la frontière polonaise[266].
Le , le HCR annonce que près de 370 000 Ukrainiens ont fui vers les pays voisins[267]. Le même jour, un commissaire européen estime que plus de 7 millions de personnes ont été déplacées à cause de la guerre[268].
Le , le HCR dénombre plus de 500 000 réfugiés ukrainiens dont 281 000 en Pologne[269]. Le 1er mars, on dénombre plus d'un million de civils déplacés, dont 677 000 vers les pays limitrophes[270].
Lviv constitue la principale ville refuge où se sont repliés les civils et la plupart des ambassades[271]. Sa relative proximité avec la Pologne en fait également un point de passage pour les civils souhaitant émigrer à l'étranger pour fuir la guerre[271].
Plusieurs témoignages font état de différences de traitement et de racisme antinoir à l'encontre des ressortissants de pays d'Afrique résidant en Ukraine et qui tentent de fuir le pays[272],[273],[274],[275] vers d'autres pays comme la Pologne et la Hongrie[274], avec des plaintes d'injures racistes, de files d'attente différentes pour les Africains d'un côté et pour les Européens et Ukrainiens de l'autre, ou encore le refus d'embarquer les enfants, femmes et hommes africains dans les bus et trains quitte à les frapper pour laisser passer des Ukrainiens et les laisser attendre dehors toute la nuit sans prise en charge, et la mise en joue par le personnel frontalier[274],[276],[277],[278],[279].
Le , à la suite de la deuxième session de pourparlers russo-ukrainiens, les deux pays se sont accordés pour la création de couloirs humanitaires pour permettre d'évacuer les civils[280],[281]. Le 5 mars, l'évacuation des civils de Marioupol a dû être reportée à cause de multiples violations du cessez-le-feu[282]. Le 7 mars, la Russie met en place d'autres couloirs humanitaires, que l'Ukraine refuse aussitôt car forçant les réfugiés à transiter par la Biélorussie et la Russie, ce que Macron dénonce comme un « cynisme moral et politique »[283],[284]. En réponse, le négociateur russe durant les pourparlers entre les deux nations accuse « les nationalistes [ukrainiens] […] d'y retenir les civils […] comme bouclier humains »[285].
Au , l'ONU estime que le nombre de réfugiés ukrainiens dépasserait 1,5 million en moins de douze jours, ce qui en fait « la crise de réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale », d'après le haut-commissaire aux réfugiés Filippo Grandi[286].
L'Union européenne, ainsi qu'Amnesty international et Interpol, s'inquiètent le de l'« énorme risque » de trafic humain et en particulier des enfants ukrainiens émigrants, ces derniers représentant la moitié des 3,3 millions de réfugiés ukrainiens, le reste étant principalement composé de femmes, en précisant que les situations particulièrement à risques constituent les zones aux frontières, où des criminels opportunistes ou organisés, sachant que de nombreuses organisations criminelles de traite humaine sévissent dans les pays d'Europe de l'Est, se faisant passer pour des bénévoles ou secouristes pourraient profiter des personnes vulnérables en proposant des abris ou du travail[287]. De nombreux cas « alarmants » ont déjà été signalés, et de tels abus ont couramment été observés lors de précédentes migrations massives[287].
Le 20 mars, un total de dix millions d'ukrainiens avaient fui leurs domiciles, devenant la crise migratoire la plus rapide de l'histoire contemporaine[288]. La plupart des hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ne peuvent quitter l’Ukraine en raison d'une conscription obligatoire[289], sauf s'ils sont responsables financièrement de trois enfants ou plus, pères célibataires ou parents d'enfants handicapés[290]. Beaucoup d'hommes ukrainiens, y compris des adolescents, décident de rester en Ukraine pour joindre la résistance[291]. À la date du 5 mars, 66 200 hommes ukrainiens sont revenus de l'étranger pour combattre en Ukraine [292].
Le 6 avril, la BBC se basant sur les données du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, rapporte que le nombre total de réfugiés dépasse 4,2 millions, la majorité d'entre eux passant la frontière polonaise[293]. Selon les données, la Pologne accueille 2 490 447 réfugiés, la Roumanie 654 825, la Moldavie 399 039, la Hongrie 398 932, la Slovaquie 202 417 et la Biélorussie 17 317[293] Le 8 avril, la Russie déclare avoir reçu plus de 550 000 réfugiés, beaucoup d'entre eux n'ayant pas eu le choix, devant quitter des villes assiégées comme Mariupol « ou mourir »[294]. Le 17 mars, plus de 270 000 réfugiés sont arrivés en République Tchèque[295] et 58 000 en Turquie le 22 mars[296],[297]. L'Union Européenne invoque pour la première fois de son histoire la Directive de protection temporaire, donnant aux réfugiés ukrainiens le droit de vivre et travailler en Europe pendant trois ans[298].
Des millers de réfugiés arrivant en Russie semble avoir été déplacés de force à l'aide de « centres de filtration », rappelant les déportation des peuples en URSS et l'utilisation de tels centres par les russes lors de la Seconde guerre de Tchétchénie afin de supprimer les preuves de crimes de guerre[299],[294]. À la date du 8 avril, la Russie a évacué environ 121 000 habitants de Marioupol vers la Russie, certains d'entre eux ayant prétendument été envoyés pour y travailler[294].
Une autre crise migratoire a été créée à la suite de l'invasion de l'Ukraine et la répression du gouvernement russe, avec la fuite de plus de 20 000 réfugiés politiques russes, le plus grand exode de Russie depuis les Russes blancs à la suite de la Révolution d'Octobre de 1917. La plupart d'entre eux sont jeunes et travaillant dans l'industrie technologique ce qui représente une fuite des cerveaux[300]. Ces réfugiés sont partis vers les pays baltes, la Georgie et la Turquie, certain d'entre eux ayant dû faire face à des discriminations à cause de leur nationalité[301],[302].
Médecins sans frontières alerte dès le 27 février sur les dégradations sanitaires dont de la prise en charge médicale en Ukraine à cause de la guerre[92],[303]. Pour des experts en maladies infectieuses interrogés par le magazine Time, cette dégradation sanitaire ainsi que la plus grande promiscuité dans les abris où se réfugient les populations en fait un terrain idéal pour la propagation d'infections et l'émergence d'un nouveau variant de la COVID-19, avec d'autre part une propagation facilitée à travers d'autres pays par les émigrés fuyant l'Ukraine, de façon analogue aux précédentes guerres pour d'autres maladies[92].
Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) du 5 mars 2022 détaille les mêmes et d'autres craintes concernant la situation sanitaire en Ukraine sur quatre thématiques : l'inadéquate prise en charge des blessures et traumatismes de guerre à cause du manque d'accès aux médicaments et aux infrastructures de soin par les patients et le personnel soignant à cause de l'insécurité ; la morbidité et mortalité excessives due à des maladies courantes traitables, à cause de la perturbation des services de soins, telles que les maladies non transmissibles (cardiovasculaire, diabètes, cancer, etc.) ainsi que les maladies maternelles, néonatales et infantiles ; la propagation accrue de maladies infectieuses comme le COVID-19, la varicelle, la poliomyélite, rougeole, tuberculose, maladies diarrhéiques, le SIDA et les gastro-entérites, à cause de la destruction de nombreuses infrastructures d'épuration et d'accès à l'eau potable, une couverture vaccinale inadéquate, un manque d'accès aux médicaments et soins médicaux, un manque d'accès pour la population aux sanitaires courantes et produits d'hygiène, ainsi que les déplacements et mouvement de population et la promiscuité dans les abris ; les impacts sur la santé mentale et psychosociale, du fait de la guerre et de deux ans de pandémie COVID-19[304]. Le rapport note une décrue de 43 % des test positifs, mais probablement dû au manque de surveillance sanitaire en période de conflit, et observe que toutes les infrastructures médicales pour le COVID-19 ont été transformées pour effectuer les soins de guerre à la place[304]. L'immunologiste Anthony Fauci s'inquiète en particulier de la propagation de souches résistantes de la tuberculose en Europe de l'Est, l'Ukraine étant l'un des pays avec les plus haut taux de prévalence au monde[305].
Concernant la santé mentale, un bilan de l'OMS de 2019 des études à ce sujet montre que les pays qui subissent un conflit au cours des dix années précédentes voient une significative augmentation des troubles mentaux, avec 22 % souffrant de dépression, de troubles anxieux, de syndrome de stress post-traumatique, de troubles bipolaires ou schizophréniques, avec une intensité modérée à grave chez près d'une personne sur dix (9 %)[306]. Outre l'impact sur la santé mentale des Ukrainiens, il y a également un impact moindre de ce conflit considéré comme proche sur la santé mentale des pays européens, y compris occidentaux[306].
Selon les prévisions de la Banque Mondiale, l'Ukraine devrait subir une récession de 45,1 % de son PIB en 2022. La Russie devrait quant à elle voir son PIB baisser de 11,2 %[307].
Selon le maire de Moscou, au 18 avril 2022, 200 000 emplois seraient menacés dans la capitale russe du fait des sanctions économiques à destination de la Russie[308].
Plusieurs incidents sur des sites nucléaires ukrainiens ont eu lieu durant les combats, ravivant à l'échelle mondiale les débats sur la sûreté nucléaire[309].
Le , l'Ukraine annonce que des missiles russes ont endommagé une installation de stockage définitif de déchets radioactifs dans Kiev, sans qu'il y ait de rejet de matières radioactives. La veille, un transformateur électrique d'une installation similaire près de Kharkiv a été endommagé[310].
Le vers 6 h, des véhicules militaires russes sont positionnés autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, plus grande centrale nucléaire européenne en service[311].
Les soldats russes procèdent à des tirs, lancent des fusées éclairantes sur le site[309],[311],[312], provoquant l’incendie du centre de formation et d’un laboratoire selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)[313],[314]. Tout comme dans le cas du dépôt pétrolier de Vassylkiv, les pompiers sont dans un premier temps incapables de combattre le brasier en raison de tirs russes[315]. Ultérieurement, il est confirmé que la centrale est sécurisée, qu'aucun matériel critique n'a été endommagé et que les niveaux de radioactivité ne révèlent aucune anomalie[314],[316].
Le directeur de l'entreprise exploitant la centrale indique que le site a été bombardé par les soldats russes jusqu'à ce qu'il soit sous leur contrôle, l’entrée sécurisée a été détruite et le personnel, environ 800 personnes, travaille depuis lors sous la menace des soldats armés russes[317]. Les forces russes occupent désormais le périmètre de la centrale[318].
L'AIEA appelle à un arrêt immédiat de toute violence dans les environs et Dmytro Kouleba, chef de la diplomatie ukrainienne, fait de même, évoquant une possible catastrophe nucléaire d'une ampleur inédite[319].
À son tour, le secrétaire du Conseil de la sécurité nationale et de la défense d'Ukraine, Oleksiy Danilov, déclare que le bombardement de la centrale électrique a été effectué exclusivement par la Russie[320].
Depuis que la centrale est occupée par l’armée russe, le personnel est autorisé à se relayer, mais il ne reçoit plus de livraisons de médicaments ni de pièces de rechange[310]. Chaque décision technique du personnel ukrainien est soumise à l'approbation des forces russes, ce qui selon le directeur de l’AIEA « n'est pas une manière sûre de gérer une centrale nucléaire » et viole l'un des sept « piliers » de la sûreté et sécurité nucléaire[321]. D'autre part, les communications internes et externes sont coupées[321].
Le , après une alerte des autorités ukrainiennes, l'AIEA publie un rapport sur l'endommagement d'une installation de recherche nucléaire sur les radio-isotopes par les bombardements russes de la ville de Kharkiv. Puisque les matières nucléaires stockées sur le site sont toujours sous-critiques et que le stock est faible, aucune conséquence radiologique n'a été trouvée par l'évaluation de l'AIEA.
Le , au début de la guerre, l'armée russe investit la centrale nucléaire de Tchernobyl[322].
Au , l'AIEA fait part de ses « vives préoccupations » quant au fait que le personnel, 210 techniciens et gardes, n'a toujours pas pu être relayé depuis le 24 février à la veille de l'entrée des troupes russes, le même personnel vivant et dormant sur site depuis 13 jours[310],[323]. Le manque de repos du personnel accroît drastiquement les risques d'un accident[310]. En effet, de nombreuses études ont démontré que le manque de sommeil était un facteur commun à de précédentes catastrophes industrielles ou nucléaires majeures comme Tchernobyl ou la navette spatiale Challenger[324], et reste à ce jour la première cause de tous types d'accidents de transport[324] ainsi qu'un facteur majeur d'accidents en aviation militaire causant des millions de dollars de pertes matérielles[325]. De ce fait, l'un des sept piliers indispensables de la sûreté et de la sécurité nucléaire inclut la capacité des équipes à prendre des décisions sans pression indue[323]. Bien que le personnel ait accès à l'eau, la nourriture et dans une moindre mesure aux médicaments, sa situation s'est dégradée à cause du manque de roulement pour leur repos[323]. D'autre part, la transmission à distance des données des systèmes de contrôles a été coupée au 8 mars[323],[326]. Face à cette situation critique et urgente, l'Ukraine demande le à l'AIEA de « prendre la tête de l'appui international nécessaire pour préparer un remplacement du personnel actuel et doter l'installation d'un système de roulement efficace »[323]. Le , une coupure d'électricité affecte la centrale — électricité qui est essentielle pour maintenir le refroidissement des déchets nucléaires submergés dans l'eau[327].
« Nous voyons ce qu'il se passe sur le terrain en Ukraine. Cette fois, s'il se produit un accident nucléaire, ce ne sera pas à cause d'un tsunami provoqué par Mère Nature, mais ce sera le résultat de l'incapacité des hommes à agir alors que nous savions que nous pouvions agir et que nous devions agir. Les opérations militaires sur le site des installations électronucléaires ukrainiennes font peser un risque d'accident nucléaire sans précédent, mettant en danger la vie des personnes qui vivent en Ukraine et dans les pays voisins, y compris la Russie. »
— Rafael Mariano Grossi, directeur général de l'AIEA, lors de la session ordinaire du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne le 7 mars 2022[321].
Bien que l'incendie de la centrale de Zaporijjia ait causé l'émoi dans le monde et ravivé les peurs face au risque d'accidents nucléaires, la chercheuse australienne Maria Rost Rublee « doute sérieusement que les Russes visent les centrales nucléaires » dans le cadre de leur guerre contre l'Ukraine, mais note que « les accidents de guerre arrivent tout le temps » et que l'endommagement d'une telle centrale nucléaire pourrait produire de sévères dommages environnementaux, « pires qu'à Tchernobyl »[313].
Le , l'AIEA annonce que l'électricité a été rétablie à la centrale nucléaire de Tchernobyl, sans dommage sur les niveaux radiologiques[328]. Néanmoins, elle annonce au soir que l'équipe épuisée ne procédera plus aux réparations futures[329].
L'AIEA met l'accent sur risques qui pèsent sur les installations nucléaires pendant le conflit armé, appelant toutes les parties à coopérer pour autoriser l'AIEA à coordonner la sûreté nucléaire des sites ukrainiens. Son directeur a déclaré qu'il était urgent de « prendre des mesures pour aider à éviter un accident nucléaire en Ukraine, lequel aurait de graves conséquences pour la santé publique et l'environnement […] nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre ». Celui-ci se déclare prêt à se rendre à Tchernobyl ou ailleurs pour obtenir un engagement des parties au conflit et s'assurer de la sécurité des sites. En outre, l'AIEA s'inquiète que toutes les lignes de communications soient rompues avec les entreprises et institutions qui utilisent des sources de rayonnements de catégorie 1 à 3 à Marioupol, depuis le début de son siège par les troupes russes quelques jours auparavant, ce qui l'empêche de s'assurer de la sécurité des installations et de ses personnels. D'après l'AIEA, à ce jour, huit des quinze réacteurs ukrainiens étaient en exploitation, dont deux à Zaporijjia[310], et que les niveaux de radiation étaient normaux sur tous les sites[323].
Pour le directeur de l'AIEA, la désorganisation de la gestion des centrales nucléaires par les forces russes, notamment par la mise sous tutelle des décisions techniques du personnel, ainsi que la coupure des communications internes et externes et notamment des systèmes de contrôle, est « vivement préoccupant » et fait « peser un risque d'accident nucléaire sans précédent » qui n'est « pas tenable à long terme »[321],[323].
Au-delà des incidents sur sites nucléaires, ce conflit peut devenir un « point de rupture rapide » entraînant le monde dans un conflit nucléaire selon un rapport du de l'Horloge de la fin du monde[330],[331]. Le , Vladimir Poutine fait une allusion à la possibilité d'utiliser des armes nucléaires russes en cas d'escalade du conflit par la participation d'autres pays et en particulier de l'OTAN[332]. L'Ukraine, qui avait décidé en 1994 de se débarrasser de son arsenal nucléaire hérité de l'Union soviétique, a vu un regain de soutien populaire de presque 50 % d'opinions favorables pour le réarmement à la suite de l'annexion de la Crimée en 2014[333]. Bien que cette guerre, qui est la plus large invasion militaire conventionnelle depuis la Seconde Guerre mondiale, apparaisse limitée à l'Ukraine, une réelle possibilité d'escalade vers un conflit globalisé et donc nucléaire existe, d'après des experts et Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN[334],[335].
Ce débat s'inscrit dans une contexte d'accroissement de l'armement et des tensions nucléaires lors de la précédente décennie, avec un arsenal nucléaire mondial pouvant probablement détruire toute vie sur la surface de la Terre s'il venait à être utilisé, avec une estimation a minima « 416 fois plus importante que celle de tous les explosifs utilisés de 1939 à 1945 » lors de la Seconde Guerre mondiale, le conflit le plus meurtrier de l'histoire, et ce, sans compter les conséquences climatiques[336]. Néanmoins, une étude recensant les protocoles de décision d'usage des armes nucléaires des différents pays les possédant rappelle qu'il y a en général la « règle des deux hommes » en sus d'une chaîne de commandement, stratification qui augmente à chaque étape la possibilité que des personnes résistent à un ordre illégitime dans le cas d'une frappe soudaine, et qui a déjà permis d'éviter des frappes nucléaires lors de la crise des missiles de Cuba de 1962[336]. Pour des spécialistes, cela relance le débat sur le postulat de la dissuasion nucléaire, qui semble avoir fonctionné par exemple en Asie du Sud mais au prix de davantage de crises de basse intensité, et avec une nouvelle doctrine de « contre-dissuasion » politique plutôt que stratégique, visant à s'équiper d'armement nucléaire pour empêcher les menaces d'autres pays armés, plutôt qu'à stabiliser les relations comme postulé dans la doctrine de dissuasion.
Le crime d'agression qualifie les crimes commis par des personnes ou des États visant à déstabiliser d'autres États souverains par un conflit armé[N 3],[337].
L'invasion de l'Ukraine constitue un crime d'agression car violant la Charte des Nations unies selon le droit international pénal ; le crime d'agression peut être poursuivi en vertu de la compétence universelle[338],[339],[340]. L'invasion viole également le Statut de Rome, qui interdit « l'invasion ou l'attaque par les forces armées d'un État du territoire d'un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou attaque, ou toute annexion par l'utilisation de force du territoire d'un autre État ou d'une partie de celui-ci ». Cependant, l'Ukraine n'a pas ratifié le Statut de Rome et la Russie en a retiré sa signature en 2016[341].
Les Conventions de Genève forment la pierre angulaire du droit international humanitaire, qui régissent la conduite lors de conflits armés et visent à limiter au maximum les conséquences sur les États et leurs populations, notamment via les quatre conventions formant le corpus principal et assurant la protection des soldats blessés ou malades, des prisonniers de guerre, et des populations civiles, notamment en territoire occupé[342]. De nombreuses règles de droit coutumier et des protocoles additionnels viennent compléter ces conventions, notamment le protocole I relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux[342]. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme définit les crimes de guerre comme « des violations graves du droit international humanitaire commises à l'encontre de civils ou de combattants ennemis à l'occasion d'un conflit armé international ou interne », ces violations entraînant la responsabilité pénale de leurs auteurs[342]. L'article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale définissent aussi ces crimes, qui font partie, avec les crimes contre l'humanité et le crime de génocide, des crimes internationaux sur lesquels la Cour a compétence s'ils sont commis sur le territoire d'un État parti ou par l'un de ses ressortissants[342]. De plus, le Conseil de Sécurité de l'ONU peut donner compétence à la Cour pour des crimes qui ne l'étaient pas[342]. À l'échelle nationale, chaque État peut également décider de poursuivre les auteurs présumés devant son propre tribunal[342]. Bien que le droit international soit souvent critiqué pour le manque de contraintes juridiques dans ses décisions, ce pan humanitaire l'est moins grâce à ses nombreux mécanismes coercitifs[342]. Les Conventions de Genève s'appliquent de plein droit même si aucune déclaration de guerre officielle n'a été faite par les parties[343]. Néanmoins, le droit international humanitaire souffre de lacunes dans la définition de ce qu'est un conflit armé, limitant l'application du droit humanitaire selon le contexte[344].
Certaines dispositions concernent particulièrement la protection des populations et bâtiments civils en définissant l'étendue ainsi que les exceptions[342] :
Selon Mark Hiznay, directeur adjoint de la section Armes à Human Rights Watch, la notion de « discrimination » est le fil conducteur du droit humanitaire international, et se réfère en terminologie militaire à la fois à la fiabilité et à la précision des armes pour toucher les cibles visées, y compris par les effets indirects de l'arme tels que les fragmentations et incendies, et à la capacité des armes et des soldats à qui s'en servent à pouvoir faire la distinction entre militaires et civils[345]. Selon lui, ce conflit voit l'utilisation de toute la gamme des armes soviétiques incluant des explosifs des années 1970 et 1980 chez les deux parties au conflit, ainsi que de nouvelles armes telles que des drones armés et des missiles guidés chez les Ukrainiens, contre des armes téléguidées plus sophistiquées chez les Russes qui recyclent également de manière novatrice d'anciennes armes, comme l'utilisation d'un missile naval contre une cible au sol[345]. La Russie et l'Ukraine utilisent principalement leurs propres armes, étant de grands producteurs et exportateurs d'armes[345].
Human Rights Watch détaille sa méthodologie : ses chercheurs ne pouvant être présents en zones de conflits actifs, ils font un travail de recoupement à partir de plusieurs sources dont des données obtenues par des partenaires sur place ainsi que sur les réseaux sociaux, en particulier les données de caméras et de téléphones portables ainsi que des interviews[345]. En Russie et en Ukraine, la plupart des voitures sont équipées de caméras embarquées (dash-cams) pour des raisons d'assurances, qui ont pu capturer de nombreuses attaques[345]. La section Armes de Human Rights Watch compte cinq chercheurs en à travers le monde, et font campagne lors de négociations multilatérales pour interdire les robots tueurs, les armes entièrement autonomes, l'utilisation d'armes explosives en zones peuplées et les armes incendiaires[345].
Le , Amnesty International déclare qu'elle a recueilli et analysé des preuves montrant que la Russie avait violé le droit international humanitaire, y compris des attaques pouvant constituer des crimes de guerre ; elle a également déclaré que les affirmations russes selon lesquelles l'armée russe n'utilisait que des armes à guidage de précision étaient fausses[346]. Amnesty et Human Rights Watch ont déclaré que les forces russes avaient mené des attaques aveugles contre des zones civiles et des frappes contre des hôpitaux, notamment en tirant un missile balistique OTR-21 Tochka avec une ogive à sous-munitions en direction d'un hôpital de Vouhledar, qui a tué quatre civils et blessé dix autres, dont six membres du personnel soignant. Dmytro Jyvytsky , gouverneur de l'oblast de Soumy (en), a déclaré qu'au moins six Ukrainiens, dont une fillette de sept ans, étaient morts lors d'une attaque russe contre Okhtyrka le , et qu'un jardin d'enfants et un orphelinat avaient été touchés. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a appelé la Cour pénale internationale à enquêter sur l'incident[347].
Le , l'Ukraine dépose une plainte contre la Fédération de Russie devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948[348].
Le , Amnesty International et Human Rights Watch dénoncent l'utilisation de roquettes et de bombes à sous-munitions et d'armes thermobariques (le « père de toutes les bombes ») par l'armée russe, notamment à Kharkiv[349],[342]. Les armes à sous-munitions disséminent nécessairement des projectiles sur une zone large qui ne peut être restreint, c'est donc une arme dévastatrice en zone fortemeunt peuplée, et qui souffre d'une faible fiabilité de moins de 75 %, tout cela en fait une arme non-discriminante car l'effet ne peut pas être limité à une cible militaire[345]. Ce type d'arme est banni par la convention sur les armes à sous-munitions sous l'égide de Human Rights Watch, entré en vigueur en 2010 et signée par 119 États, sans l'adhésion de certains pays comme la Russie, l'Ukraine, les États-Unis, la Chine, l'Inde, Israël, le Brésil[345],[350]. En effet, la Russie n'est pas signataire et a utilisé des armes à sous-munitions lors de la guerre civile syrienne. Les armes thermobariques, aussi appelées « bombes à vide » par les Russes, sont de la famille des armes à effet de souffle améliorées, qui utilisent l'oxygène de l'atmosphère comme combustible pour créer un nuage de vapeur explosif et le détoner[345]. Puisque leur effet couvre une large zone, elles sont susceptibles d'être utilisées de façon non-discriminante[345]. Elle peuvente être utilisées sous forme large comme des larguages de roquettes ou des bombes, mais aussi sous forme légère comme des grenades ou des roquettes tirées à l'épaule[345]. Les armes à effet de souffle amélioré, dont les armes thermobariques, ne sont pas interdites dans par le droit international[345]. Human Rights Watch confirme que des armes thermobariques ont bien été transportées par les forces russes en Ukraine, mais n'a pas de preuve de son utilisation pour le moment[345]. Le 28 février, Karim Khan, le procureur de la Cour pénale internationale, dit être « convaincu qu'il existe une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés ont été commis en Ukraine » et annonce l'ouverture d'une enquête. L'Ukraine possède également des armes à sous-munitions dont elle avait fait usage en 2014-2015 pour regagner certains territoires séparatistes, mais Human Rights Watch note qu'il n'y pas de preuve d'un usage plus récent[345],[351],[352]. Par la suite, le New-York Times rapporte que les forces ukrainiennes ont repris le village de Husarivka, un hameau rural situé au sud de la ville de Kharkiv, le 26 mars, en utilisant notamment des armes à sous-munitions[353],[354].
Le , les forces ukrainiennes accusent aussi les forces russes d'utiliser des armes incendiaires comme des bombes au phosphore blanc[355], ce qui n'a pas encore pu être documenté par des organismes indépendants comme Human Rights Watch[345]. Dans ses précédents rapports, Human Rights Watch qualifiait les armes incendiaires comme étant « parmi les plus cruelles utilisées dans les conflits armés dans le monde aujourd'hui » et ce « peu importe la façon dont elles sont utilisées », le phosphore blanc étant très soluble dans les graisses et donc la chair humaine, en « provoquant de graves brûlures thermiques et chimiques, souvent jusqu'à l'os », avec des brûlures sur seulement 10 % du corps étant souvent mortelles[355]. Bien que les armes incendiaires ne soient pas interdites et ne constituent pas des armes chimiques, leur usage est réglementé par le protocole III de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), signé à Genève par 115 États-parties et entré en vigueur en 1983, dont la France, les États-Unis, la Russie et l’Ukraine, et qui interdit strictement l'usage contre les populations civiles et les bien à caractère civil à cause de leurs capacités à « produire des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination »[355]. Il est à noter que ce protocole a des lacunes définitionnelles, qui réduisent son champ d'application, notamment les munitions « polyvalentes », comme celles contenant du phosphore blanc, ne sont pas concernées[355]. Ces armes incendiaires ont déjà été utilisées lors de précédents conflits, comme par l'alliance militaire syro-russe en Syrie, Israël à Gaza et au Liban, les États-Unis en Irak et en Syrie en particulier contre l'organisation État islamique, l'Arabie saoudite au Yémen, l'Azerbaïdjan contre les militaires arméniens dans le Haut-Karabagh[355]. Pour Human Rights Watch, « les bénéfices humanitaires d'une interdiction totale des armes incendiaires seraient immenses »[355].
Selon le journal Le Monde, la définition la plus récente de ce qui constitue un crime de guerre réside dans l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), entré en vigueur en 2002 : « La destruction (…) de biens, non justifiées par des nécessités militaires », ainsi que le fait de « diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ou des biens de caractère civil » sont ainsi interdits, ce qui implique s’ils sont avérés, les manquements au protocole III de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) pourraient constituer des crimes de guerre[355].
Le , une crise diplomatique dans les relations gréco-russes éclate lorsque les forces aériennes russes bombardent deux villages de la minorité grecque en Ukraine près de Marioupol, tuant 12 Grecs[356]. Les autorités russes nient toute responsabilité. Les autorités grecques déclarent alors qu'elles ont les preuves de l'implication de la Russie. Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis annonce que son pays enverra du matériel militaire défensif et une aide humanitaire pour soutenir l'Ukraine[357].
Le , le président Zelensky déclare qu'il y a des preuves que des zones civiles sont la cible d'un bombardement d'artillerie russe sur Kharkiv plus tôt dans la journée, et décrit la situation comme un crime de guerre[358].
Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), annonce l'ouverture d'une enquête portant sur les « crimes de guerre » et les « crimes contre l'humanité », à la lumière des événements d'actualité et d'un rapport déposé en 2020 dirigé par Fatou Bensouda, prédécesseure de M. Khan[359],[360].
Le , Amnesty International demande à la CPI d'enquêter sur le bombardement des civils à Tchernihiv qui aurait tué 47 civils et qu'Amnesty a pu documenter, ce qui « pourrait constituer un crime de guerre »[361]. Le même jour, le journal Le Monde publie sa propre analyse de vidéos, attestant selon eux de l'usage de bombes à sous-munitions, probablement par les forces russes[362]. En 2014 déjà, des armes à sous-munition avaient été utilisées d'après Humans Rights Watch, bien qu'ils n'avaient pas pu définir de responsable[363].
Le même jour, l'armée russe bombarde un hôpital pour enfants à Marioupol provoquant l'indignation des Occidentaux. Cet acte est désigné par le chef d'État ukrainien comme un crime de guerre[364].
Après la reprise de plusieurs villes sous occupation russe au Nord de Kiev[365], la mairie de Boutcha déclare qu'il y a eu un massacre de civils, le maire décomptant l'enterrement de 280 cadavres dans une fosse commune. Il déclare aussi que la récupération de tous les cadavres n'a pas pu être effectuée, de peur que les troupes d'occupation aient piégé les cadavres[366],[367].
Le 8 avril, la gare de Kramatorsk est bombardée par deux missiles ce qui provoque la mort de 52 civils qui essayaient de fuir la ville dont 5 enfants[368].
De très nombreux cas de viols de femmes et d'enfants ont été rapportés, au point que les ONG et les médias s'interrogent sur l'utilisation du viol comme arme de guerre[369],[370].
Le 22 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle tous ses citoyens à prendre les armes pour se défendre des envahisseurs. La mobilisation générale concerne tous les hommes de 18 à 60 ans[371].
Des milliers de personnes fuient la capitale avec leurs voitures, créant d'énormes bouchons. Des dizaines de milliers de personnes attendent aux postes frontaliers (Pologne, Moldavie, Slovaquie) pour fuir l'Ukraine[264].
Selon de nombreux témoignages, de nombreux ressortissants étrangers, africains et indiens[372], sont refoulés aux frontières de la Pologne à cause de leur couleur de peau. À Kharkiv, des étudiants d'origine subsaharienne et maghrébine sont interdits d'entrer dans les trains par des civils ukrainiens. Ces scènes sont relayées sur les réseaux sociaux[373],[374]. L'Union africaine condamne fermement[375].
Selon Le Monde, peu avant l'invasion, le , l'opinion de la population de Moscou, la capitale, est marquée par une grande indifférence, qui tend vers « un soutien sans grand enthousiasme »[377] au président Poutine.
Le au soir, des manifestations contre la guerre ont lieu dans cinquante-trois villes russes[378]. Plusieurs milliers de personnes se réunissent place Pouchkine à Moscou, et un millier à Saint-Pétersbourg[379]. La police russe arrête au moins 1 700 d'entre eux[378], au motif que ces manifestations sont illégales. Le , 3 000 manifestants russes sont arrêtés[380].
Des personnalités russes prennent la parole : le , les chanteurs Valery Meladze et Sergueï Lazarev, ainsi que le footballeur international Fyodor Smolov publient un message pour l'arrêt de la guerre sur leur réseau social[378],[381].
Le journal d'opposition Novaïa Gazeta du prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov prend position contre la guerre et publie son numéro en russe et en ukrainien[382]. Le 25 février, 664 scientifiques russes publient une tribune dans laquelle ils exigent l'arrêt immédiat de tous les actes de guerre dirigés contre l'Ukraine[383].
Plusieurs anciens chefs de gouvernement européens travaillant pour des grandes entreprises russes démissionnent : c'est le cas d'Esko Aho (Finlande), de Matteo Renzi (Italie), de Christian Kern (Autriche)[384] et de François Fillon (France)[385].
Le chef de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, envoie 10 000 combattants (les Kadyrovtsy) en Ukraine pour soutenir l'armée russe[386]. Le 1er mars, il annonce les premières victimes parmi ces forces avec deux morts et six blessés[387].
Le 3 mars, des manifestations en opposition à l'offensive russe continuent d'avoir lieu dans les grandes villes russes malgré les nombreuses arrestations (environ 6 400 détenus). Plusieurs figures publiques russes condamnent l'offensive militaire. De nombreux civils s'étant exprimés ouvertement en ce sens ou ayant participé à des manifestations sont détenus par la police et reçoivent des amendes. Les manifestations s'organisent à l'aide de messageries instantanées chiffrées et non censurées sur Internet, telles que Telegram ou Signal. Le géant Lukoil, seconde société pétrolière de Russie, condamne « sans réserve » l'invasion de l'Ukraine[388], première entreprise d'envergure à le faire.
Le 14 mars, la journaliste Marina Ovsiannikova interrompt le journal télévisé Vremia diffusé sur Pervi Kanal — la première chaîne, regardée par des millions de Russes. Elle se place derrière la présentatrice, Ekaterina Andreïeva, pour protester contre l'invasion russe de l'Ukraine, tendant un panneau où il est écrit : « Arrêtez la guerre ! Ne croyez pas la propagande ! On vous ment ici ! Les Russes contre la guerre »[389]. Elle avait auparavant préenregistré une vidéo pour fustiger la guerre de Vladimir Poutine, rappelant : « Mon père est ukrainien, ma mère est russe. Ils n’ont jamais été ennemis. » Elle ajoute : « Malheureusement, ces dernières années, j’ai travaillé pour la première chaîne. J’ai produit de la propagande pour le Kremlin. J’en suis aujourd’hui honteuse. J’ai honte d’avoir permis que les mensonges soient diffusés à la télévision, honte d’avoir permis que le peuple russe soit zombifié »[390]. Elle est immédiatement arrêtée et pourrait encourir 15 années de prison pour avoir « décrédibilisé l'utilisation des forces armées russes »[389].
Le , Olga Smirnova, première ballerine du Bolchoï, annonce quitter la Russie pour le Ballet national des Pays-Bas : « Je n'aurais jamais pensé que j'aurais honte de la Russie »[391],[392].
Le , Vladimir Poutine apparaît pour la première fois au grand public depuis le début de l'invasion en organisant un important meeting-concert au stade Loujniki de Moscou, célébrant le huitième anniversaire de l'annexion de la Crimée. Nommé par les autorités « Pour un monde sans nazisme » (russe : « Zа мир без нацизма »), l’événement a accueilli 203 000 soutiens pro-Kremlin, dont 95 000 dans l’enceinte, d'après le ministre de l’Intérieur russe[393].
Pour éviter d'être mobilisés dans l'armée, des Russes réfractaires quittent le pays et se réfugient à l'étranger notamment en Ouzbékistan, Géorgie, Arménie, Turquie ou dans les États nordiques comme la Finlande[394].
Lors de l'intervention, de nombreuses images montrent que de très nombreux véhicules russes portent la lettre latine Z peinte en blanc[395]. Si cette lettre n'appartient pas à l'alphabet cyrillique, elle est reprise sur les réseaux sociaux comme TikTok, et certains services de la Fédération de Russie, à l'instar du Roskomnadzor, remplacent dans leurs logos ou dans des slogans la lettre cyrillique З par un Z[396]. Lors de la Coupe du monde de gymnastique à Doha, l'athlète Ivan Kuliak arbore un « Z » à la place du logo de la Russie pour montrer son soutien à l'armée. Une enquête disciplinaire est ouverte à son encontre par la fédération internationale[397].
Différentes hypothèses sur la signification de ce « Z » sont émises : il pourrait s'agir du mot « Zapad » (signifiant « ouest » en russe[N 4]), « Za pobedy » (vers la victoire), ou bien la lettre serait utilisée comme signe distinctif pour éviter les tirs entre forces russes (d'autres unités portant une lettre V), ou encore elle pourrait n'avoir aucune signification et s'agir en fait d'une stratégie de communication[395],[396],[397],[398]. La chaîne pro-gouvernementale RT a ainsi mis en vente des t-shirts reprenant cette symbolique[399]. Des membres de l'opposition russe comme les Pussy Riot ou l'organisation non gouvernementale Memorial ont déclaré qu'un « Z » a été peint sur leurs portes[399].
L'invasion de l'Ukraine par la Russie suscite de très nombreuses réactions de la part des principales organisations internationales et de la plupart des pays. Ces réactions sont avant tout de nature politique, puisque les États-Unis comme les pays européens avaient fait savoir qu'ils n'interviendraient pas militairement sur le terrain[400]. Elles comportent en revanche de la part de l'OTAN, de l'Union européenne et de nombreux pays individuellement un soutien militaire à l'Ukraine et d'importantes sanctions contre la Russie.
Le 2 mars, après deux journées de discours, l'Assemblée générale des Nations unies vote massivement la résolution ES-11/1 qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine » déplorant « dans les termes les plus vifs l'agression de la Russie contre l'Ukraine » et affirmant « son attachement à la souveraineté, l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale de ce pays, y compris de ses eaux territoriales ». La résolution est adoptée : sur une organisation comptant 193 membres, 141 pays votent pour, cinq votent contre (Russie, Biélorussie, Corée du Nord, Érythrée, Syrie), 35 s'abstiennent (dont la Chine)[401],[402]. La résolution n'est pas contraignante[403].
À la suite de l’invasion, le pape François a rendu visite à l’ambassade russe près le Saint-Siège dans ce qui fût décrit comme un « geste sans précédent »[404]. François a également appelé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui faisant part de sa « tristesse » tandis que le Vatican s’efforce de trouver une « marge de négociation »[405]. « Le Saint-Siège est prêt à tout pour se mettre au service de la paix », confia le Pape, tout en envoyant en Ukraine début mars deux cardinaux haut placés avec des aides.[406] Ces envoyés spéciaux sont l’aumônier pontifical, le cardinal Konrad Krajewski, et le cardinal Michael Czerny, qui est à la tête du département papal spécialisé dans l’immigration, la charité, la justice et la paix. Cette mission, qui impliquait plusieurs séjours[407],[408], fût considérée comme un geste plus qu’inhabituel dans la diplomatie du Vatican[409]. Le 16 mars, le pape François et le patriarche Cyrille de Moscou s'entretiennent en visioconférence, et conviennent que « l'Église ne doit pas utiliser la langue de la politique mais le langage de Jésus ». « Nous sommes pasteurs du même saint peuple qui croit en Dieu, dans la Très Sainte Trinité, dans la Sainte Mère de Dieu : nous devons pour cela nous unir dans l’effort d’aider la paix, d’aider celui qui souffre, de chercher les voies de la paix, pour arrêter le feu »[410].
Le 28 février, le 14e dalaï-lama s'exprime pour rétablir la paix en Ukraine[411]. Le 14 mars, il signe l’appel de 175 lauréats du Prix Nobel, appelant à la fin immédiate de l'invasion armée de l'Ukraine[412].
Le début de l'invasion déclenche des réunions en urgence de la plupart des grandes institutions internationales. Le G7 condamne l'invasion russe le [413]. Le même jour, un Conseil européen extraordinaire condamne « avec la plus grande fermeté l'agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine » qui « viole de façon flagrante le droit international et les principes de la charte des Nations unies, et porte atteinte à la sécurité et à la stabilité européennes »[414]. L'OTAN publie le un communiqué qui rejette sur la Russie l'entière responsabilité du conflit[415]. Le Conseil de l'Europe suspend la Russie de sa participation à cette organisation à partir du 25 février[416]. Le , le Comité des ministres décide d'exclure la Russie du Conseil de l'Europe, avec effet immédiat[417].
Le , le projet de résolution examiné par le Conseil de sécurité de l'ONU pour condamner l'attaque militaire russe en Ukraine et demandant le retrait immédiat des troupes russes, est rejeté du fait que la Russie fait usage de son droit de veto[418]. À la suite de ce résultat attendu, les efforts se tournent vers l'appel à la résolution Acheson, un mécanisme permettant à l'Assemblée générale de l'ONU d'émettre des recommandations sous forme de résolutions non contraignantes, les résolutions contraignantes étant de la seule prérogative du Conseil de sécurité[419],[420].
Le , ce dernier adopte la résolution 2623 (2022) pour convoquer une session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale, afin d'étudier la situation en Ukraine : n'ayant besoin que d'une majorité de neuf voix, sans possibilité de veto, le Conseil adopte la résolution par 11 voix pour, une voix contre (Russie), et les abstentions de l'Inde, de la Chine et des Émirats arabes unis[421]. À la date du , il n'y eut que 11 sessions extraordinaires d'urgence dans l'histoire de l'ONU[421]. Le , avec un vote qualifié d'« historique » tant la proportion de pays en faveur est importante, l'Assemblée générale de l'ONU adopte à 141 pays pour (sur 193) une résolution non contraignante qui « exige » de la Russie un arrêt « immédiat » de la guerre en Ukraine, tout en demandant la protection des complète des civils, incluant les « personnels humanitaires, journalistes, femme et enfants »[422]. Le , l'Assemblée générale de l'ONU adopte à une majorité écrasante de 140 pays pour (sur 193) une nouvelle résolution non contraignante sur un texte préparé par la France et le Mexique qui « exige une cessation immédiate des hostilités par la Fédération de Russie contre l'Ukraine, en particulier de toutes les attaques contre des civils et des objectifs civils »[423].
La plupart des États condamnent l'invasion, comme le montre la vaste adhésion à la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU[424]. Toutefois, certains pays, les alliés historiques de la Russie, continuent de la soutenir plus ou moins explicitement : la Biélorussie, la Syrie, la Birmanie, l'Iran, le Venezuela, et la Chine[424]. D'autres préfèrent ne pas choisir de camp en restant silencieux, parmi lesquels un grand nombre de pays africains comme le Mali ou la Centrafrique, où la Russie a récemment étendu sa sphère d'influence notamment en déployant les mercenaires russes du groupe Wagner, et la majorité des pays asiatiques, y compris l'Inde[421], et du monde arabo-musulman, où l'on critique le « deux poids deux mesures » de l'Europe dans son accueil ouvert des réfugiés ukrainiens quand les réfugiés afghans et syriens n'avaient pas autant de faveurs[424].
Le , la guerre en Ukraine pousse le chancelier allemand Olaf Scholz à prendre une décision à laquelle l'Allemagne ne voulait pas se résoudre, annonçant « une augmentation massive des dépenses de la Bundeswehr »[425]. Son discours marque un revirement complet de l'Allemagne dans ses politiques militaire et étrangère[426].
Le , la 11e session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale des Nations unies décide, par le bias de la résolution ES-11/3, de suspendre la Russie du Conseil des droits de l'homme de l'organisation pour ses « violations flagrantes et systématiques » de ces derniers[427].
Le , la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, accompagnée du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell et du Premier ministre slovaque Eduard Heger, s'est déplacée sur les lieux du massacre de Boutcha pour y exprimer la solidarité de l'Union européenne avant de rejoindre la capitale Kiev et rencontrer Volodymyr Zelensky[428].
Le 14 avril, la France envoie des Gendarmes de IRCGN afin d'enquêter sur les actes commis à Boutcha[429].
Sur le plan militaire, les pays alliés de l'Ukraine ont dessiné une ligne avant même le début de la guerre lancée par la Russie : toute implication militaire directe contre la Russie en Ukraine est exclue, afin d'éviter le risque d'une escalade en conflit global[430]. En conséquence, la stratégie choisie par les Occidentaux est de se limiter à contenir les combats sur le sol ukrainien par des livraisons d'armes dites « défensive », afin de ne pas abandonner la population ukrainienne à son funeste sort, sans s'impliquer directement au conflit armé[430],[431].
Au regard du droit international, il y a deux corps de règles : le droit de la paix, interdisant d'utiliser la force mais pas les sanctions, et le droit de la guerre[431]. Dans ce dernier, un État n'est considéré comme belligérant, plus précisément une « partie au conflit », que s'il coordonne des forces armées du conflit, même à distance, ou planifie des opérations de combats, ou y participe de manière collective à l'intérieur d'une alliance militaire telle que l'OTAN[430],[431],[432]. En effet, les notions de « cobelligérant » et « belligérant » n'existent plus en droit international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la notion de « partie au conflit » étant préférée depuis 1977 avec la ratification des deux protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes des conflits armés[431]. Une décision du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, jugeant les auteurs de crimes de guerre dans les Balkans au cours des années 1990, affirme que pour qu'un État soit considéré comme partie au conflit, il doit « jouer un rôle dans l'organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus de le financer, l'entraîner, l'équiper ou lui apporter son soutien », sans pour autant que « le contrôle exercé par un État sur des forces armées » ne soit « global »[431],[433][Passage contradictoire]. En conséquence, l'envoi d'équipements militaire ou de financement, la formation ou l'entraînement de groupes armés, et les sanctions économiques n'engagent pas l'État dans le conflit, sauf à quelques exceptions[430],[432],[431], car cela interdirait de facto la vente d'armes, comme le font la France ou la Russie, sous peine de guerre constante[432]. Une de ces exceptions est énoncée dans le Traité sur le commerce des armes (TCA), qui interdit toute exportation d'armes s'il y a connaissance, en amont, qu'elles pourraient servir à des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l'homme[430]. Ce traité a été ratifié par de nombreux membres de l'OTAN, à l'exception des États-Unis[430]. L'alliance n'implique pas une entrée en guerre de facto, comme l'Iran qui n'est pas en guerre avec l'Ukraine malgré son alliance avec la Russie[431].
Bien que la partie russe se soit rendue coupable de violations au droit international et humanitaire de la façon la plus visible d'après les observateurs, les Ukrainiens ont aussi violé certains traités, comme quand ils ont filmé des prisonniers de guerre, ce qui est interdit par la Convention de Genève de 1949 fondant le droit humanitaire[430]. Cela explique l'enjeu des Occidentaux à tenter d'équiper les Ukrainiens le plus rapidement et le plus discrètement possible, avant que le conflit n'empire avec davantage de risques de dérapages notamment en cas de guérilla urbaine, en justifiant du droit légitime de l'Ukraine à se défendre devant l'agresseur russe, puisque ne pouvant réutiliser le principe de « responsabilité de protéger » comme lors de l'intervention en Libye puisque la Russie bloquerait avec son véto une telle résolution au Conseil de Sécurité de l'ONU[430].
Le droit international distingue donc les États neutres des États partie à un conflit, un État qui n'est pas partie au conflit armé étant de facto un État neutre[434], une conception de la neutralité qui trouve son origine dans les deux conventions de la Haye de 1907 sur la neutralité des pays tiers, en cas de guerre terrestre ou navale[430]. Dans l'article 2 de la convention (V) de la seconde conférence de la Haye (1907), il est stipulé qu' « il est interdit aux belligérants de faire passer à travers le territoire d'une Puissance neutre des troupes ou des convois, soit de munitions, soit d'approvisionnements. »[430]. Selon Geoffrey Corn, spécialiste du droit dans les conflits armés du South Texas College à Houston, cette référence de 115 ans est désuète, car ne tenant pas compte de l'apparition d'alliances militaires telles que l'OTAN ni de l'évolution de la doctrine sur l'usage de la force à la suite de la Seconde Guerre Mondiale[430]. Selon lui, « on assiste aujourd'hui chez les alliés à une révision très claire de cette notion ancienne de neutralité, dans la lignée de ce que les Etats-Unis ont pratiqué depuis des décennies, et qui consiste à distinguer le coupable et la victime, en soutenant cette dernière », menant à la nouvelle notion de « neutralité qualifiée » dans la littérature spécialisée, permettant aux pays tiers de ne pas être considérés comme parties prenantes, sans pour être complètement inactifs lors d'un conflit étranger[430]. Par ailleurs, cette notion de neutralité a été recouverte par la charte des Nations unies, dans l’ère post-1945, comme le rappelle Corn[430],[à développer].
La neutralité qualifiée offre donc une zone grise d'actions possibles où l'ambiguïté règne tant sur la définition juridique mais aussi opérationnelle des seuils d'implication dans un conflit armé qui constitueraient un engagement de la responsabilité d'un État, auparavant neutre, comme belligérant[430]. Le professeur Michael Schmitt, spécialiste réputé en la matière, souligne que la violation de la neutralité par un État ne le transforme pas forcément en cobelligérant, car cela dépend du degré[430]. Mais cette question des seuils n'est pas tranchée par le droit international, et reste donc sujette à l'interprétation, d'après Julia Grignon, spécialiste du droit des conflits armés à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), et le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air de 2009 à 2012 et commandant suprême allié Transformation de l’Otan de 2012 à 2015[430],[432]. D'après Mario Bettati, professeur émérite de droit et ancien conseiller des ministres des Affaires étrangères français, ces autres notions de neutralité n'ont aucune valeur juridique, ne décrivant le plus souvent que des attitudes partiales d'États non parties au conflit, quand la neutralité exclut toute position partisane au profit d'un ou de plusieurs des belligérants[434].
Par exemple, la livraison d'armes de petit calibre peut permettre de ne pas être considéré comme cobelligérant, mais la réponse est moins nette pour les livraisons d'avions de chasse[430],[435], une « subtilité juridique » empêchant la Pologne et les États-Unis de fournir des avions à l'Ukraine, tandis que la livraison de missiles anti-tank pouvait être faite[435]. La question du ravitaillement peut également être problématique, s'il nécessite de le faire sur le territoire d'un État ou d'une alliance neutre comme la Roumanie et l'OTAN[430]. Des avions ukrainiens décollant de Pologne pour mener des opérations contre les russes poserait la question de la cobelligérance, et la même problématique se pose concernant la Biélorussie qui a permis aux troupes russes de se positionner sur son territoire pour ensuite envahir l'Ukraine depuis la Biélorussie, dont « on peut considérer la Biélorussie comme partie au conflit » d'après Grignon[432]. En revanche, les manœuvres militaires françaises début mars sur la base militaire de l'Otan en Roumanie ne relève pas du droit des conflits armés, puisque l'Otan ne s'est pas impliqué directement dans le conflit, ses forces restant dans les territoires des alliés d'après Grignon[432]. Les convois acheminant les armes à destination des Ukrainiens n'exposent pas les alliés à être considérés comme belligérants tant qu'ils ne sont pas conduits par des militaires européens ou américains ni des fonctionnaires civils « dont il pourrait être établi qu'ils travaillent pour le compte d'un État occidental » selon Grignon, impliquant la nécessité pour les alliés de l'Ukraine d'assurer l'encadrement de l'acheminement dans la clandestinité totale, avec une possibilité de déni[430]. L'Union européenne a pour la première fois décidé de financer l'achat et la livraison d'armements et autres équipements via le fond de « Facilité européenne de paix », une décision qualifiée de « bifurcation historique » par Sylvain Kahn, docteur en géographie et professeur agrégé d'histoire à Sciences Po, car mettant fin au « tabou voulant que l'Union ne fournisse pas d'armes à des belligérants » d'après Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne[431].
Le partage de renseignements (satellites et humains) ne fait pas de l'État une partie au conflit, tant qu'il n'y a pas de coordination directe des actions militaire[432] comme le font les États-Unis avec l'Ukraine, sans toutefois faire de « ciblage en temps réel » des forces russes, ce qui est une « distinction subtile » selon Schmitt[430],[432].
Une zone d'exclusion aérienne (« no-fly zone ») serait en revanche une implication directe dans le conflit armé, car constituant une guerre aérienne, selon Paloméros[432].
Concernant les cyber attaques, le droit international humanitaire s'applique dès lors qu'elles ont lieu dans un conflit armé préexistant. En revanche, la question de savoir si des cyber attaques pourraient déclencher un conflit armé n'est pas tranchée, mais Grignon suppose qu'« une opération cyber qui aurait les mêmes effets qu'une opération militaire classique pourrait être de nature à déclencher un conflit armé, mais, pour l'instant, cela ne s'est jamais produit »[430]. Par exemple, ralentir et brouiller les communications n'implique pas un État comme partie au conflit, selon le professeur Wolff Heintschel von Heinegg, éminent spécialiste du droit international à la Europa-Universität Viadrina de Francfort, mais si les opérations cyber sont si disruptives qu'elles sont de nature à donner un avantage militaire évident à l'une des parties, comme des opérations cyber dirigées contre le centre de contrôle, de commandement, de renseignement et de communication des forces armées, alors cela pourrait être considéré comme une participation directe à des hostilités armées, qui feraient de l'État un cobelligérant[430].
Ces zones grises ont été instrumentalisées par la Russie, limitant le soutien militaire des Occidentaux à l'Ukraine sous la menace d'être considérés comme cobelligérants[430],[435]. Les déclarations des responsables politiques sont également scrutées[431]. Et même en s'en tenant strictement aux limites fixées clairement par le droit international, il y a le risque de provocations, par exemple lors d'un franchissement de frontière, volontaire ou pas, qui peut arriver très vite selon Paloméros, les avions russes pourraient franchir la frontière roumaine et impliquer l'Otan[432].
La fourniture de chars et d’avions de guerre à Kiev placerait les pays de l’OTAN en position de cobelligérants. C’est, a précisé le président Emmanuel Macron devant la presse, une « ligne rouge » que l’Alliance n’est pas disposée à franchir, afin de ne pas provoquer d’escalade du conflit[436].
En droit international, un État neutre est un État qui n'est pas partie au conflit et « s’abstenant d’y participer, que ce soit directement en prenant part aux hostilités ou indirectement en assistant l’un ou l’autre des belligérants », avec une interdiction « à un État neutre d’adhérer à un pacte militaire ou de mettre, de quelque manière que ce soit, son territoire à disposition d’une puissance belligérante »[434].
Lors du conflit en Ukraine, la Suisse et l'Autriche, tous deux non membres d'alliances militaires, ont réaffirmé leur neutralité, en interdisant tout acheminement d'arme sur leur sol, sans pour autant interdire le survol d'avions militaires des parties au conflit ou d'autres États à des fins humanitaires ou médicales, incluant le transport aérien des blessés[437],[438]. Néanmoins, la Suisse a fait évoluer sa doctrine dans le cadre de ce conflit, s'autorisant pour la première fois à se joindre aux sanctions économiques contre la Russie, ce que Laure Gallouët analyse comme une adoption d'une « neutralité différenciée, une interprétation qui permet de participer à des sanctions économiques internationales sans briser sa neutralité militaire »[437],[439]. La neutralité différenciée n'est qu'une notion juridique dans les textes nationaux, notamment de l'Autriche[439], mais n'a aucune valeur juridique en droit international, car la neutralité exclut toute position partisane au profit d'un ou de plusieurs des belligérants[434], la neutralité différenciée représentant donc une politique de demi-mesures, partiales de neutralité[434],[439]. D'autres pays comme la Suède et la Finlande étaient neutres pendant la guerre froide, annonçant éviter toute action hostile contre la Russie, ce que les historiens Gallouët et Georges-Henri Soutou qualifient de « neutralisation » ou de « finlandisation », à différencier de la neutralité, ce statut ayant été choisi non pas de façon souveraine mais sous la coercition de l'URSS[437]. Ces deux pays l'ont peu à peu abandonné après avoir rejoint l'Union européenne en 1995, car considérant qu’au regard de la clause de défense mutuelle de l'UE (l'article 42.7 du traité de Lisbonne) ceux-ci devraient intervenir dans le cas d’une attaque contre un autre État membre, suivant ainsi une politique de non-alignement, dite aussi de « politique de la porte ouverte par rapport à l'OTAN », leur permettant ne prêter allégeance à aucun bloc tout en pratiquant une politique d'ouverture[437]. Ces deux pays ont par exemple pu offrir des armements et du matériel militaire à l'Ukraine en accord avec les décisions de l'Union européenne ainsi que participer à des exercices conjoints de l'OTAN[437]. En effet, sans être membre de l'OTAN, la Suisse, l'Autriche, la Finlande et la Suède sont des partenaires neutres à travers le Partenariat pour la paix de l'OTAN, qui ne contient pas de clause d'assistance mutuelle[437]. Pour Gallouët, la clause de défense mutuelle de l'UE de l'article 42.7 du traité de Lisbonne n'empêche pas un statut neutre, car « l'assistance en question peut prendre d'autres formes que l'aide militaire »[437].
Le statut d'État neutre ne constitue pas une protection en lui-même d'après Gallouët, citant en exemple les moyens importants alloués par la Suisse à sa défense[437]. Il faut donc qu'un État se proclamant neutre ait tout de même les moyens pour assurer sa protection, sous peine de n'être à l'abri d'attaques[437]. C'est pourquoi l'Ukraine demande un accord international, ainsi que de ne pas être empêché par les russes de rejoindre l'Union européenne, afin de garantir sa sécurité en cas d'accord sur un statut neutre[437]. En revanche, un statut neutre, quels que soient ses contours, empêcherait obligatoirement l'Ukraine d'adhérer à l'OTAN[437]. Ces négociations sur un statut neutre ravivent le risque de neutralisation, puisqu'on peut douter de la marge de manœuvre et de la souveraineté dont disposera l'État ukrainien pour l'interpréter[437].
Les États-Unis sont le premier fournisseur de matériel militaire à l'Ukraine : une nouvelle aide d'un montant de 350 millions de dollars est annoncée pour combattre l'invasion russe[440]. Le , le secrétaire d'État américain Antony Blinken annonce que cette aide sera constituée de nouveaux moyens militaires défensifs[440] : des systèmes anti-blindés et antiaériens, des armes légères et des munitions de divers calibres, des gilets pare-balles et des équipements connexes[441]. Ce soutien s'ajoute aux 60 millions de dollars d'assistance militaire décidés à l'automne 2021, puis 200 millions de plus en décembre[442] : il s'agissait notamment de livraisons de lance-missiles antichars FGM-148 Javelin et d'autres armes anti-blindage, d'armes légères, de divers calibres de munitions et d'autres équipements non létaux[443],[444]. C'est un total de plus d'un milliard de dollars octroyé à l'Ukraine depuis un an[442].
D'après le journal Libération et l'AFP, le 13 avril 2022, le président Biden annonce une nouvelle tranche d'aide d'une valeur de 800 millions de dollars avec des envois d’équipements défensifs et en autorisant pour la première fois la livraison d’armes offensives. En plus des équipements annoncés par la Maison Blanche début avril qui précise que les États-Unis ont jusqu'ici déjà fourni ou promis 1 400 systèmes anti-aériens Stinger, 5 000 missiles antichars Javelin, 7 000 armes antichars d’un autre modèle, plusieurs centaines de drones kamikazes Switchblade, 7 000 fusils d’assaut, 50 millions de balles et munitions diverses, 45 000 lots de gilets pare-balles et casques, des roquettes à guidage laser, des drones Puma, des radars anti-artillerie et anti-drones, des blindés légers, des systèmes de communication sécurisée et des protections anti-mines, le porte-parole du Pentagone John Kirby a publié une liste des nouveaux équipements promis, précisant qu’ils proviennent des stocks de l’armée américaine et qu’ils sont tous disponibles immédiatement et seront livrés dès que possible. Il s’agit de 18 obusiers M777, des pièces d’artillerie de dernière génération utilisées encore récemment par l’armée américaine en Afghanistan, accompagnés de 40 000 obus de 155 mm, de 10 radars anti-artillerie mobiles AN/TPQ-36 Firefinder et de deux radars anti-aériens AN /MPQ64 Sentinel. Par ailleurs, cette nouvelle tranche comprend 300 drones kamikazes Switchblade, ainsi que 500 missiles Javelin et des milliers d’autres systèmes antichars, auxquels s’ajoutent 200 véhicules blindés de transport de troupes M113 et 100 blindés légers Humvee. Avec cette nouvelle livraison le montant total de cette assistance militaire atteindra 3,2 milliards de dollars[445].
À partir du , deux jours après le début de l'invasion, et pour la première fois de son histoire, l'UE annonce qu'elle va financer l'achat et la livraison d'armements et d'autres équipements à un pays victime d'une guerre pour la somme de 450 millions d'euros. C'est un tournant historique, comme l'a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Un vingtaine d'états européens déclarent apporter, en addition de l'aide communautaire, un soutien militaire à l'Ukraine[446].
Le , le Canada annonce l'envoi « de casques, de gilets pare-balles, de masques à gaz et de matériel de vision nocturne », après avoir déjà promis le la livraison d'armes et de munitions[465].
Quelques jours avant l'invasion, l'OTAN a commencé à fournir des armes défensives à l'Ukraine[466].
Dès les premiers jours du conflit, de nombreux pays occidentaux, dont les États-Unis, le Canada et l'Union européenne, parviennent à un accord historique pour fournir d'importantes livraisons d'armements mais ciblés à l'Ukraine pour soutenir sa résistance face à l'invasion russe, avec des centaines de milliers d'euros débloqués[467],[468],[469],[470]. Déjà les mois auparavant, 850 millions de dollars d'armes américaines avaient déjà été livrées à l'Ukraine depuis les pays baltes et le Royaume-Uni face aux exercices militaires provocateurs russes aux frontières de l'Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie[63],[83].
La logistique représente le plus grand défi de ce soutien[471],[à développer]. La Pologne, comprenant plusieurs bases de l'OTAN et avec une frontière proche de la capitale Kiev de l'Ukraine, représente le principal point de relais pour recevoir les équipements et les transporter en Ukraine[472]. Certains pays comme la Suisse interdisent le survol de son territoire pour acheminer des armes, en cohérence avec son statut neutre[473].
Des envois d'armements militaires dont des munitions et explosifs sont parfois déguisés en envois humanitaires pour l'Ukraine via la Pologne, comme découvert le par le personnel de l'aéroport civil de Pise en Italie, proche de la base militaire américaine it:Camp Darby, provoquant des protestations politiques et le refus du personnel de charger ces contenus[474],[475].
Des soutiens et dons humanitaires s'organisent progressivement pour venir en aide à la population ukrainienne. Certains pays s'engagent à fournir une aide humanitaire et logistique en excluant l'envoi de troupes militaires.
Dans les jours précédant l'invasion, la Russie et la Biélorussie effectuent manœuvres militaires conjointes sur le sol de cette dernière. Le , date de la fin prévue des manœuvres commencées le 10, la Biélorussie annonce qu'elles se poursuivent « compte tenu de la hausse de l'activité militaire près des frontières »[488].
À partir du , la Russie envahit le nord de l'Ukraine à partir du territoire biélorusse. Celui-ci est aussi utilisé comme base de lancement de missiles. Le soutien logistique biélorusse à l'invasion est perturbé par des sabotages du réseau ferré[489]. En février et mars, les Occidentaux et l'Ukraine jugent possible une intervention directe des troupes biélorusses. Malgré la dépendance du régime envers la Russie, qui a a soutenu le président Alexandre Loukachenko contre les manifestations de 2020-2021, tant la société que les élites biélorusses sont réticentes à entrer en guerre[490]. Du au , les forces russes qui occupaient la région de Kiev se replient vers la Biélorussie.
Le , l'Ossétie du Sud-Alanie, république séparatiste de Géorgie reconnu par la Russie, annonce avoir envoyé des troupes en Ukraine pour « aider à protéger la Russie »[491].
Les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni prennent de façon concertée d'importantes mesures restrictives vis-à-vis de la Russie. Ces mesures, selon la déclaration conjointe du , portent notamment sur l'exclusion de certaines banques russes du système de messagerie SWIFT et le gel d'une partie des avoirs de la Banque centrale russe et visent de nombreux responsables politiques russes[492].
Convoqué dans l'urgence, le Conseil européen extraordinaire du 24 février 2022 décide du principe « de nouvelles mesures restrictives qui auront des conséquences lourdes et massives pour la Russie », en complément de celles déjà adoptées le par le Conseil de l'UE en réponse à la reconnaissance par la Russie des républiques autonomes autoproclamées de Donetsk et de Lougansk[493]. D'après la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ces sanctions viseront d'abord le secteur financier ce qui signifie que « 70 % des banques russes auront beaucoup plus de difficultés à emprunter sur les marchés ». Ensuite, la Russie ne pourra plus bénéficier de l'accès à des « technologies cruciales », comme les composants électroniques ou des logiciels[494]. La plupart des pays européens ferment leur espace aérien aux compagnies aériennes russes et le pays entre dans la liste des compagnies aériennes interdites d'exploitation dans l'Union européenne le [495],[496]. Certains oligarques russes sont frappés de sanctions économiques, bien que l'ampleur de leurs avoirs à l'échelle mondiale compliquent l'imposition de sanctions plus sévères[497].
L'exportation de produits de luxe est également interdite par l'UE, dans le but de « porter un coup à l'élite russe »[498].
L'Allemagne suspend la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 avec la Russie, projet qu'elle avait défendu contre vents et marées malgré les pressions américaines[499]. En février 2022, le régulateur allemand avait décidé d'interdire la diffusion de la chaîne Russia Today en Allemagne[500]. Le 27 février 2022, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonce le bannissement des chaînes RT et Sputnik dans toute l'Union européenne[501]. Ces deux médias sont effectivement bloqués la semaine suivante en Europe, par Facebook et YouTube puis par les autres canaux de diffusion, la télévision et le web[502],[503].
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, annonce le « un paquet de sanctions économiques le plus important et le plus sévère que la Russie ait jamais vu »[504].
Les sanctions économiques décrétées par les puissances occidentales contre la Russie entraînent dès le au matin une très forte chute du cours du rouble dont le taux de change contre 1 dollar passe de 83,5 roubles le à 95,5 roubles. Simultanément, la Banque centrale de Russie porte son taux directeur de 9,5 à 20 %[505].
Le Canada, la Finlande, Le Danemark, les États-Unis, la Norvège, la Suède et l'Islande suspendent le 3 mars 2022 leur participation au conseil de l'Arctique que la Russie préside actuellement jusqu'à l'été 2023[506], générant des inquiétudes concernant la surveillance de la grande partie de l'Arctique sous contrôle russe pour étudier les effets du changement climatique ainsi que la protection de l'environnement avec les réserves de minéraux et de terres rares de pair avec le potentiel patrimoine génétique scellés dans la glace[507].
Plusieurs entreprises ont annoncé se retirer volontairement de Russie, voire arrêter de fournir leurs produits sur le marché russe, telles qu'Apple, mais d'autres ont choisi de continuer d'y opérer telles que TotalEnergie qui continue d'acheminer du gaz russe en Europe, ou Renault[508].
Les sportifs russes sont largement exclus des événements sportifs comme les barrages des éliminatoires de la coupe du monde de football 2022. Plusieurs manifestations sportives prévues en Russie sont annulées par les fédérations internationales et de nombreuses associations sportives annulent leurs contrats avec des sponsors d'origine russe[509]. Un sort semblable est réservé aux sportifs biélorusses[510].
Le 20 avril 2022, le Département du Trésor des Etats-Unis a annoncé vouloir cibler les mineurs de Bitcoin opérant sur le sol russe, notamment en s'attaquant aux entreprises de la vente de matériel.[511]
Afin de se protéger des sanctions occidentales, la Russie a pris en 2022 des mesures, principalement d'ordre économique et financier, mais également quant à son espace aérien. Certaines de ces mesures se présentent comme des sanctions, d'autres sont de simples mesures de gestion destinées à endiguer la fuite des capitaux et à maintenir sa monnaie à flot.
Dans le contexte des sanctions internationales contre l’économie russe, le bitcoin est apparu pour les Russes comme une valeur refuge. Le cours de la cryptomonnaie est remonté à 43 600 dollars le 1er mars, effaçant l’essentiel de ses pertes, tandis que les échanges de cryptomonnaies en roubles ont triplé depuis début février (environ 60 millions de dollars par jour selon Chainanalysis, cité par le Financial Times)[512].
L'exercice de la bonne information se heurte à la désinformation et à la diffusion sur les réseaux sociaux[513].
Bien que la désinformation puisse provenir des deux parties, les proportions et moyens diffèrent beaucoup, et leurs sujets sont asymétriques : la désinformation russe consiste en une rhétorique fondée sur le révisionnisme visant à déstabiliser les discours occidentaux même sur les politiques intérieures, et trouvant des relais dans le monde entier, ce qui lui confère un caractère plus systématique et organisé ; la désinformation ukrainienne vise à amplifier les drames humains, les catastrophes, l'héroïsme de la résistance, parfois en arrangeant les faits, et trouve un écho international mû par l'émotion publique, que Le Monde analyse comme une désinformation plus organique. Entre ces deux parties, il y a également des tiers qui insèrent des canulars, dans une quête de popularité ou d'humour[514].
La désinformation est aussi relayée par les partenaires usuels des différentes parties au conflit, comme la Chine qui coopère avec la Russie, en aidant cette dernière à contourner les sanctions contre la désinformation, la Chine n'étant pas elle-même visée par ces sanctions[515].
La guerre se fait également numérique : dans les jours précédant l'invasion russe, les organismes de veille de sécurité informatique européen, américain, français et d'autres pays ont averti les entreprises pour augmenter leurs cyberdéfenses[516].
Les plateformes numériques jouent aujourd'hui un rôle clef dans cette guerre de l'information. En témoigne par exemple TikTok. Selon le journaliste Chris Stokel-Walker a noté que l’algorithme de TikTok a renforcé la visibilité des contenus en lien avec le conflit russo-ukrainien (entre le 20 et 28 février, le nombre de vues des vidéos marquées #ukraine est passé de 6.4 à 17.1 milliards). Toutefois, selon Agnes Venema, universitaire spécialisée dans la sécurité nationale et le renseignement, l’immédiateté et la portée de ces vidéos, présentant des images jouant sur l’émotion, a pu amener les gens à négliger la légitimité de l’information et donc in fine renforcer la désinformation[517].
Fin février, les médias russes propagent délibérément la fausse information selon laquelle un conteneur de gaz au chlore a explosé près d'une zone habitée par des civils à Horlivka. Ils diffusent aussi des affrontements pré-enregistrés ou provenant d'autres pays entre séparatistes et armée ukrainienne[518].
Pour justifier l'invasion de l'Ukraine, les forces séparatistes pro-russes sont soupçonnées d'avoir orchestré plusieurs fausses attaques pour justifier l'escalade militaire[518].
Les forces armées ukrainiennes sont aussi accusées d'avoir propagé de fausses informations. Le ministère des armées ukrainien a par exemple publié une vidéo montrant un drone turc abattant un char d'assaut du régime syrien près de Maarat al-Nouman en Syrie, en la commentant ainsi : « Les Forces armées ukrainiennes ont rendu publique une vidéo de la destruction d'un équipement militaire russe Bayraktar TB2 »[519].
Le 24 février à 23 h (UTC+2), le Service national des gardes-frontières d'Ukraine annonce que ses 13 hommes qui assuraient la défense de l'île des Serpents sont morts au cours d'une manœuvre russe pour prendre l'île[520],[521]. Cette information est démentie deux jours plus tard, les militaires ont en fait été capturés par les soldats russes et sont toujours en vie[522]. L'invective d'un de ces soldats ukrainiens « navire de guerre russe, va te faire foutre », dont l'audio a été enregistré et propagé sur les réseaux sociaux[523], est rentrée dans le folklore ukrainien, avec la poste éditant des timbres en commémoration[524].
La rumeur du « fantôme de Kiev » se propagea à partir du 24 février, décrivant un hypothétique as de l'aviation ukrainienne pilotant un MiG-29 qui aurait abattu six avions russes dès le premier jour de l'invasion russe[525].
Le 28 février, Facebook et Twitter ont annoncé avoir neutralisé deux opérations d'influence anti-ukrainiennes sur les réseaux sociaux, l'une liée à la Russie et l'autre à la Biélorussie. L'une des opérations, une campagne de propagande mettant en scène un site web diffusant des arguments anti-ukrainiens, était une ramification d'une opération de désinformation russe connue. Un porte-parole de Facebook a déclaré que cette campagne de propagande utilisait des visages générés par ordinateur pour renforcer la crédibilité de faux chroniqueurs sur plusieurs plateformes, dont Instagram[526].
À la suite de l'attaque prouvée d'une centrale ukrainienne par les forces russes, Igor Konachenkov, le principal porte-parole du ministère de la Défense de la Fédération de Russie, a inventé une tentative de provocation par un groupe de sabotage ukrainien, dont le but aurait été d'accuser la Russie[527]de « créer une source de contamination radioactive »[réf. nécessaire].
Après le bombardement d'une maternité à Marioupol par les forces russes causant la mort d'une mère et son enfant ainsi que plusieurs blessés, le gouvernement russe a qualifié l'événement de « mise en scène » de « nationalistes » ukrainiens, arguant même que le bâtiment était inoccupé. Cette fausse information, propagée par WarOnFakes, un « média de fact-checking russe », et reprise par plusieurs ambassades de Russie dans le monde dont en France, a été discréditée avec les nombreuses photos sur place et l'analyse de géolocalisation de Bellingcat[528].
Le quotidien chinois nationaliste Global Times, contrôlé par le Parti communiste chinois, a relayé la désinformation russe du média Sputnik provenant d'une fausse affirmation du président de la Douma clamant que le président ukrainien Zelensky avait quitté son pays[515]. Le président ukrainien Zelensky a été la cible de nombreuses campagnes de désinformation tout au long du conflit[529].
La Russie accuse les États-Unis de développer des armes biologiques la visant dans un laboratoire en Ukraine, accusation qui apparaît dans les années 1990 dans le contexte de l'après-guerre froide, alimentant les théories du complot depuis lors[530],[531]. Bien qu'un laboratoire d'expérimentations biologiques avec un volet sous secret défense existe bien en Ukraine, cette accusation est une « interprétation absurde » des recherches légitimes qui sont menées dans ce centre d'après la Fondation pour la recherche stratégique[531].
Une enquête, datée de mars 2022, du média VICE News relate une campagne de désinformation organisée par le Kremlin dont l'objet est de financer des influenceurs russes sur TikTok, afin qu'ils diffusent des contenus pro-russes sur le déroulement de la guerre[532].
Les réseaux sociaux, utilisés par toutes les parties au conflit, ont permis une documentation méticuleuse du conflit et presque en temps réel, bien plus que tous les précédents conflits armés[533]. Néanmoins, une loi ukrainienne ratifiée le , visant à protéger les intérêts et population ukrainiens, restreint la publication d'information militaire par le public depuis lors[534].
L'application Telegram a émergé comme le plus important réseau social dans ce cadre, offrant au monde une vision sans filtre de la guerre, car offrant un service rapide, sécurisé, respectant la vie privée et, surtout, sans modération[533]. Telegram avait précédemment été utilisé par les groupes conspirationnistes comme les antivaxx COVID-19, QAnon et les suprémacistes, mais aussi par les organisateurs de Black Lives Matter, les groupes pro-démocratie du monde entier comme en Corée du Sud, Cuba, Iran et même par les groupes d'opposition en Russie[533].
Ses fonctionnalités sont aussi particulièrement indiquées pour ce genre d'usage. En effet, il n'y a pas d'algorithme de filtrage ou de recommandation, l'application supporte un nombre illimité de groupes. Ceux-ci peuvent être configurés pour être à sens unique avec impossibilité de commenter les publications pour les abonnés, les administrateurs étant les seuls à publier, agissant alors comme un canal d'annonces officielles. Ses outils de traduction intégrés de langues (par exemple du russe vers l'anglais) facilitent la communication en masse à l'international[533].
Parmi les réseaux sociaux, Telegram est donc devenu le lieu principal où cohabitent et s'affrontent les propagandes tant russe qu'ukrainienne[533]. Ces réseaux servent également à la population pour faire remonter des informations aux autorités, comme les mouvements des troupes et véhicules des soldats étrangers, ou pour s'organiser entre eux, notamment pour les évacuations et les manifestations[533].
Les manifestations sur le territoire russe s'organisent surtout à l'aide de messageries instantanées chiffrées et non censurées sur Internet, telles que Telegram ou Signal[535],[536]. En particulier, l'application Telegram est très populaire tant chez les Russes que les Ukrainiens, ces derniers l'utilisant pour échanger de nombreuses images et commentaires de la guerre[536]. Bien que de nombreux canaux soient des communautés ad-hoc d'échange d'information, des canaux de propagande russes et ukrainiens existent, et l'on voit la propagande russe cohabiter sur des canaux parallèles bien que sur la même application que la propagande ukrainienne[533]. Tandis que les autorités ukrainiennes ont pu mettre à l'œuvre leur expérience déjà acquise des réseaux sociaux, notamment en recyclant leur canal Telegram dédié à la COVID-19, la Russie a choisi de déléguer cette tâche à des cabinets privés[533]. Le canal Telegram Інтернет Війська України (Armée Internet d’Ukraine) est géré par les autorités ukrainiennes et coordonne ses 300 000 abonnés au pour des campagnes de sensibilisation à l'étranger, ainsi que des opérations de rétorsion dans le cyberespace comme des attaques informatiques par déni de service de serveurs russes[516],[533],[536],[537]. Un autre groupe Telegram, recyclé du canal gouvernemental dédié à la COVID-19 en « UkraineNow », a grossit exponentiellement, passant de 65 000 au à plus de 3 millions d'abonnés au sur ses trois canaux en ukrainien, russe et anglais, et dans lesquels le président ukrainien Zelensky publie régulièrement des vidéos personnelles, informelles, souvent filmées avec son téléphone[533]. Ces canaux sont également utilisés pour contrer très rapidement la désinformation russe, comme les fausses annonces de défections de militaires ukrainiens[533]. Le canal Telegram russe WarOnFakes, propageant des fausses informations en ligne avec la propagande russe, a été créé le jour de l'invasion de l'Ukraine et compte 700 000 abonnés en [528],[533]. La propagande russe est également relayée par des « trolls » anonymes, de leaders complotistes et de comptes diplomatiques en Europe occidentale comme en France[538].
Les canaux de réseaux sociaux ne servent pas seulement aux autorités à communiquer à leurs citoyens, mais également à la population pour remonter des informations aux autorités, comme les mouvements de troupes ou véhicules de soldats étrangers, informations qui sont relayées par des bots sur Telegram vers les autorités régionales ou nationales ukrainiennes[533]. Le , les services secrets ukrainiens annoncent qu'un de ces tuyaux leur a permis de réussir une attaque sur des véhicules russes autour de Kiev[533].
Début mars, le gouvernement chinois, allié de la Russie, a acheté des encarts publicitaires sur Facebook au profit de la Russie pour l'aider à contourner les sanctions contre la désinformation russe[515]. La Russie a également utilisé des comptes proxys en Afrique de l'Ouest pour diffuser sa propagande sur les réseaux sociaux[539]. D'après une enquête des Décodeurs de Le Monde, les comptes relayant les thèses complotistes sur la COVID-19 seraient plus susceptibles de relayer la propagande pro-russes pendant l'invasion[540]. D'après une analyse du Time de 187 médias en langue russe, les abonnés ont crû de 48 % entre le et le , ce qui représente 8 millions de nouveaux abonnés[533].
Bien que la Russie ait tenté par le passé d'interdire Telegram, sans succès, il est peu probable qu'elle le tente à nouveau, puisque les sanctions internationales contre ses médias forcent les autorités et médias russes à recommander à leurs publics de s'abonner à la place sur Telegram pour avoir accès au contenu malgré les sanctions[533].
À la suite de la diffusion en temps réel d'un bombardement russe sur un dépôt de carburant à Lviv par les médias CNN et BBC, accusés par de nombreux ukrainiens sur les réseaux sociaux de servir de « correcteur de frappe » pour les Russes, le , le président ukrainien Zelensky ratifie une loi restreignant la diffusion d'information[534]. Celle-ci « interdit strictement », à moins que ces informations n'aient été rendues publiques par les autorités, de diffuser sur les réseaux sociaux des informations, vidéos ou photos sur « les roquettes qui volent ou frappent quelque part », « les noms des rues, arrêts de transport, magasins, usines où la situation s'est produite », « les déplacements des militaires ukrainiens et les installations militaires », « les actions de défense aérienne », « les lieux de bombardement ou d'impact de projectile », « les adresses, références visuelles ou coordonnées des batailles », « le nombre de voitures, de véhicules blindés » et les « les vainqueurs ou victimes »[534]. Cela a accru les suspicions sur les reporters terrain, qui faisaient déjà l'objet de signalements excessifs depuis le début du conflit[534]. De nombreux reporters et associations de journalistes occidentaux et ukrainiens ainsi que des enquêteurs en sources ouvertes se sont plaint d'entraves à leur travail d'information, le journaliste ukrainien Serhiy Sydorenko, fondateur du média European Pravda, arguant par exemple « qu’il est de notre intérêt [ukrainien] que l’information concernant les crimes commis par la Fédération de Russie soit largement diffusée dans les médias occidentaux »[534].
Sur les réseaux sociaux, des vidéos de chants patriotiques ukrainiens deviennent virales, comme Oï ou louzi tchervona kalyna ou Bayraktar.
Le groupe Meta annonce le faire des exceptions temporaires sur ses plateformes Facebook (premier réseau social mondial) et Instagram à son règlement sur l'incitation à la violence et à la haine en ne supprimant pas les contenus hostiles à l'armée et aux dirigeants russes publiés à partir d'un nombre restreint de pays, tels que « mort aux envahisseurs russes », tout en continuant d'interdire les « appels crédibles à la violence contre des civils russes » ainsi qu'envers les prisonniers de guerre[541],[542]. Ces exceptions concernent les messages postés par les utilisateurs en Russie, Ukraine, Arménie, Azerbaïdjan, Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, et Slovaquie[542]. Quelques semaines auparavant, Meta avait également autorisé à nouveau les éloges du bataillon Azov, mais seulement dans le cadre limité de son travail de défense du territoire ukrainien[542],[543]. Pour Emerson Brooking, chercheur résident à l'Atlantic Council, Meta tente ainsi avec ces exceptions de s'adapter à un contexte de guerre, avec une situation extrêmement mouvante et tendue, en écrivant des règles plus indulgentes au fur et à mesure, notant que le réseau avait déjà fait une première tentative en juin 2021 en autorisant pendant deux semaines des messages d'opposants iraniens appelant à la mort de l'ayatollah Ali Khamenei[541].
D'autres critiquent ces soudaines exceptions, arguant qu'elles démontrent que la liste d'interdiction d'entités dangereuses de Meta est subordonnée à la politique étrangère des États-Unis, alors qu'elle devrait se fonder sur une analyse contextuelle rigoureuse et durable[543]. La semaine précédente, la Russie avait déjà bloqué Facebook, en représailles à la décision de Meta d'interdire des médias financés par le pouvoir russe (dont la chaîne RT et le site Sputnik) en Europe[541].
Le 27 février 2022, Google a annoncé avoir « suspendu la possibilité pour les médias financés par l’Etat russe de monétiser leurs activités sur nos plateformes »[544]. Dans la continuité, le 13 avril 2022, l’entreprise a décidé de mettre fin à toute opération de monétisation sur les contenus liés à la guerre en Ukraine. Plus spécifiquement, cette modification s’applique aux contenus qui « exploitent, nient ou cautionnent la guerre ». L’objectif est de limiter l’émergence et le développement de fausses informations sur le conflit[545]. Outre ce mesures, Google, à la demande et avec l'aide du gouvernement ukrainien, a développé un système d'alerte relatif aux raids aériens, disponible sur les téléphones Android en Ukraine[546].
En dehors des plateformes américaines, on peut voir que des plateformes publiques ont vu leur rôle évolué au fil de la guerre. C'est notamment le cas de la plateforme gouvernementale ukrainienne Diya, qui centralise les documents administratifs personnels, mais aussi l’accès aux services sociaux, économiques, d’éducation et de santé du pays. Dorénavant, avec Diya, les Ukrainiens peuvent « piloter des drones anti-chars Bayractar, dénoncer la position des troupes russes, faires des dons à l’armée ukrainienne ». Organisant régulièrement des levées de fonds, près de 8 millions d’euros ont été levés au cours de la semaine du 4 avril 2022[547].
Les deux pays ayant tendance à minorer leurs propres pertes militaires et à amplifier celles de l'adversaire, il est difficile de démêler le vrai du faux dans leurs déclarations respectives[548].
Le , un article du Komsomolskaïa Pravda — tabloïd appartenant à l’oligarque Grigori Berezkine (ru) proche du Kremlin — indiquait un bilan des pertes russes attribué au ministère de la Défense russe, de 9 861 morts et 16 153 blessés. Quelques minutes plus tard, l'article était retiré, puis remis en ligne sans les chiffres. Le journal précisant alors sur sa chaîne Telegram, que sa plateforme de publication avait été piratée, et que les informations « inexactes » avaient, depuis, été supprimées[549].
Le , dans un entretien avec CNN, le président Volodymyr Zelensky indique que l'armée ukrainienne aurait perdu 2 500 à 3 000 combattants et 10 000 blessés depuis le début du conflit. Il estime que l'armée de Vladimir Poutine aurait perdu de 19 000 à 20 000 soldats (tués et blessés) depuis le commencement de cette guerre. La Russie reconnaît un bilan nettement moins lourd avec 1 351 morts[550].
Dans les premiers jours de l'invasion, l'Ukraine et les Occidentaux mettent en garde contre une possible participation directe de la Biélorussie. Le , un responsable américain déclare que la Biélorussie se prépare à envoyer ses propres soldats en Ukraine pour soutenir l'invasion russe, malgré les accords conclus antérieurement avec l'Ukraine[551]. Le 28, The Kyiv Independent relaie un rapport anonyme de journalistes d'opposition biélorusses selon lesquels des parachutistes biélorusses devaient être déployés, probablement dans les régions de Kiev ou de Jytomyr[552].
Le , le Parlement ukrainien déclare que les forces armées biélorusses ont rejoint l'invasion russe et sont entrées dans l'oblast de Tchernihiv, au nord-est de la capitale[553]. Ces affirmations sont démenties par les États-Unis, pour qui rien n'indique que la Biélorussie participe à l'invasion[553],[554]. Quelques heures plus tôt, le président biélorusse Alexandre Loukachenko avait déclaré que la Biélorussie ne rejoindrait pas la guerre et avait affirmé que les troupes russes n'attaquaient pas l'Ukraine depuis le territoire biélorusse[555]. En revanche, il avait pris la décision de déployer des hélicoptères et des avions militaires au sud du pays, à la frontière partagée entre la Biélorussie et l'Ukraine, pour éviter une possible attaque par l'OTAN dans cette zone. Pour cette même raison, il avait évoqué un possible déploiement à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne[556]. L'UNIAN (« Agence indépendante d'information ukrainienne ») signale qu'une colonne de 33 véhicules militaires est entrée dans la région de Tchernihiv, sans que les Occidentaux ni la Biélorussie ne le confirment[553].
En , le président Vladimir Poutine publie un essai, De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens, où il aborde longuement les liens qui uniraient les deux peuples tant sur le plan historique que sur le plan culturel et religieux. Ce faisant, le président russe considère que « les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple qui appartient au même espace historique et spirituel »[557]. À l'occasion d'un sondage effectué peu après par l'ONG Rating Group Ukraine, sur l'ensemble de la population, 41 % des Ukrainiens sont en accord avec cette position[557],[558]. L'étude montre que les Ukrainiens sont partagés selon les régions et les mouvements politiques d'appartenance : tandis qu'à l'Est et dans les mouvements pro-russes, 60 % des répondants partagent ce point de vue, à l'Ouest 70 % sont en désaccord, tout comme les membres des partis politiques opposés au Kremlin qui réfutent à 80 % cette position[558].
Dans ce discours, le président russe affirme que l'Ukraine a été créée de toutes pièces par la Russie soviétique, et particulièrement Lénine, et conteste de nouveau son existence[559]. Les bolchéviks auraient ensuite, selon lui, abandonné des parties du territoire historique de la Russie — à l'instar du transfert de la Crimée actée par Khrouchtchev en — et découpé les Slaves de l'Est en plusieurs nations[N 5],[559]. Cette révision de l'histoire ukrainienne se place dans un discours qui trace une continuité directe entre la conversion de Vladimir Ier à l'orthodoxie, la Rus' de Kiev et la Russie tsariste[557]. Cette prééminence des communistes russes dans la « création » de l'Ukraine selon Poutine a une signification particulière quand Kiev a depuis plusieurs années amorcé une politique de décommunisation (« декоммунизация », dekommounizatsia) puisqu'il implique le démantèlement du pays sous sa forme actuelle[559]. Juliette Cadiot, directrice d'étude au Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC) à l'EHESS, indique que le président russe utilise un discours des sciences sociales actuelles donnant aux empires en voie de dislocation — ici en l'occurrence l'empire tsariste — la genèse des nationalismes, sans prendre en compte la dimension populaire, illustrée en Ukraine par l'indépendance du pays de à mais aussi par le score élevé du référendum sur l'indépendance de l'Ukraine lors de la dislocation de l'URSS où plus de neuf Ukrainiens sur dix se sont positionnés pour l'indépendance du pays, y compris à l'est de l'Ukraine et dans le Donbass, notamment dans l'Oblast de Louhansk, où ils avaient voté à 86,22 % pour l'indépendance, et dans l'Oblast de Donetsk à 86,96 %[560].
Pour le chercheur à l'université d'Oxford Milàn Czerny, l'utilisation du terme « génocide » s'inscrit dans une longue durée, comme l'indique l'utilisation par Sergueï Glaziev (en), dès les années 1990, de « génocide économique » contre les Russes après la libéralisation du pays[559]. Glaziev est devenu le conseiller de Vladimir Poutine dès 2012[559]. Pour Cécile Vaissié, spécialiste du monde slave à Rennes-II, cette vision est partagée par de nombreux membres des cercles néoconservateurs et nationalistes russes[561]. Pour ces derniers, la diminution de l'importance du russe dans les ex-pays soviétiques — même si une large majorité des Ukrainiens est bilingue, une série de lois depuis 2014 diminuent la place du russe dans l'espace public sans la supprimer comme le prétendent les tenants du discours d'une « ukrainisation totale »[562] — relève d'un « génocide culturel »[559],[561]. Aussi, l'incendie criminel à Odessa touchant des russophones en 2014 est-il régulièrement utilisé par le locataire du Kremlin[560].
Dans le même temps, l'ouverture du discours de Poutine par le terme « compatriote » remonte, selon Czerny, à Boris Eltsine et couvre toute personne se considérant comme liée à la Russie — monde russe soit en russe Русский мир (« rousskïï mir ») — et que Moscou doit protéger[559]. Vladimir Poutine est coutumier de ce terme, puisqu'il l'utilise dès et qu'il lui a servi notamment lors de la crise de Crimée[563],[564].
Le 25 février, un collectif de 664 chercheurs et scientifiques russes publie un appel contre la guerre dans la presse française. Traduit par des chercheurs français et publié par Le Monde, il affirme que[565] :
« La responsabilité du déclenchement de cette nouvelle guerre en Europe incombe entièrement à la Russie. […] Nous exigeons l’arrêt immédiat de tous les actes de guerre dirigés contre l’Ukraine. Nous exigeons le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat ukrainien. Nous exigeons la paix pour nos pays. »
Le 25 février également, une lettre ouverte des professionnels du spectacle contre la guerre est publiée par Spectate, et recueille 18 000 signatures avant d'être dépubliée[566]. Dans une déclaration, 310 enseignants de toute la Russie s'élèvent contre la guerre[567] et recueillent plus de 5 000 signatures[568]. Le 1er mars, un collectif de 100 maires et élus municipaux prend fermement position dans la Novaïa Gazeta (article dépublié depuis)[569] :
Мы — избранные народом депутаты — безоговорочно осуждаем нападение российской армии на Украину
« Nous, députés élus par le peuple, condamnons sans équivoque l'attaque de l'armée russe contre l'Ukraine »
Le 4 mars, l'Union des recteurs de Russie publie une déclaration[570] en soutien total à l'action militaire russe signée par 304 chefs d'établissements (traduction publiée par Jean-Michel Catin[571]) :
Это решение России – завершить наконец восьмилетнее противостояние Украины и Донбасса, добиться демилитаризации и денацификации Украины и тем самым защитить себя от нарастающих военных угроз. […] Очень важно в эти дни поддержать нашу страну, нашу армию, которая отстаивает нашу безопасность, поддержать нашего Президента, который принял, может быть, самое сложное в своей жизни, выстраданное, но необходимое решение. […] Вместе мы – великая сила!
« Il s’agit de la décision de la Russie de mettre enfin un terme à la confrontation qui dure depuis huit ans entre l’Ukraine et le Donbass, de parvenir à la démilitarisation et à la dénazification de l’Ukraine et de se protéger ainsi des menaces militaires croissantes. […] Il est très important en ces jours de soutenir notre pays, notre armée, qui défend notre sécurité, de soutenir notre Président, qui a pris la décision peut-être la plus difficile de sa vie, une décision qu'il a subie mais qui est nécessaire. Il est également important de ne pas oublier notre devoir fondamental : apprendre aux jeunes à être patriotes et à aider leur patrie. […] Ensemble, nous sommes une grande puissance ! »
En réaction à la prise de position des recteurs de Russie, plusieurs organismes homologues européens cessent toute coopération institutionnelle : le Conseil des recteurs francophones (CReF) belge[572], France Universités (ex-CPU)[573], la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), la Conférence des directeurs d'écoles françaises de management (CDEFM), ainsi que les trois grandes agences accréditrices internationales d'écoles de commerce (AACSB, AMBA et EFMD).
Sur Wikipédia, se joue également l'écriture de l'histoire : le 24 février, jour du début de l’invasion, les vingt articles les plus lus sur la version russophone ont trait au conflit et à ses protagonistes[574] ; des conflits d'édition éclatent sur la dénomination de la page en russe « Invasion russe de l’Ukraine (2022) » — certains contributeurs proposant sans succès de reprendre la terminologie du Kremlin, « Opération militaire spéciale russe en Ukraine (2022) » — ; des contributeurs russophones en Biélorussie sont arrêtés, tel Mark Bernstein, le 11 mars (après que son identité est révélée sur un canal Telegram prorusse) par la Direction générale biélorusse de lutte contre le crime organisé et la corruption (GUBOPiK), qui a publié une photo du détenu avec la légende: « Cet homme distribue des faux documents anti-russes », ainsi l'accusant d'avoir diffusé des fausses informations anti-russes et ainsi, d'avoir violé une nouvelle loi de Poutine contre la publication de « fausses nouvelles »[574],[575],[576],[577],[578]. Après 15 jours passés en prison, il est inculpé pour « organisation et participation à des émeutes »[578]. Le 29 mars 2022, Roskomnadzor menace de bloquer le site de Wikipédia, à cause de l'article en langue russe sur l'invasion sur l'Ukraine[578].
Le groupe de hackers Anonymous parvient à diffuser des images de la guerre sur des chaines de télévision et des plateformes de streaming (l'équivalent de Netflix) russes, afin d'informer les téléspectateurs qui ne voient habituellement aucune image de cette guerre sur ces médias[579].
La première semaine du conflit, le groupe de développeurs informatique polonais Squad303 met en service un site nommé 1920.in qui permet à n'importe quel internaute d'envoyer des messages aux Russes par Whatsapp, par SMS, par email ou de les appeler directement. L'utilisateur accède sur le site à un numéro ou adresse, selon le choix, sélectionné de manière aléatoire à partir d'une base de plusieurs millions de données russes piratées et peut alors envoyer un texte en russe, pré-rempli, qu'il est possible de modifier avec n'importe quel outil de traduction. En quelques jours, le groupe revendiquait l'envoi de sept millions de messages[580].
Outre le groupe Anonymous, d'autres acteurs se mobilisent. C'est notamment le cas des "elfes", un groupe de militants lituaniens qui luttent contre la désinformation des trolls pro-russes sur Internet. Opérant dans une douzaine de pays européens, ils participent depuis le début de la guerre en Ukraine à des attaques par déni de services (DDOS) à l'égard d'institutions russes, d'organes de propagande et de sites d'infrastructures russes et bélarusses. [581]
En 2022, l'Union européenne a une dépendance estimée à 40 % au gaz russe[582], avec de grandes disparités entre les pays, par exemple de 20 % pour la France qui possède de nombreux partenariats avec d'autres exportateurs de pétrole comme la Norvège[583], à 60 % pour l'Allemagne. À la suite de l'invasion, l'Union européenne essaye de nouer de nouveaux partenariats pour réduire leur dépendance au gaz russe, comme l'Allemagne avec le Qatar[584].
L'Ukraine étant riche en ressources naturelles, notamment en céréales et oléagineux, certains ont théorisé que cela pouvait constituer une des cibles motivant l'invasion par la Russie[585]. Néanmoins, ces ressources sont peu stratégiques, la Russie possédant des ressources similaires en plus grandes proportions[585]. Elles peuvent en revanche constituer une cible secondaire pour la Russie, afin de réduire l'impact des sanctions internationales sur son commerce extérieur[585].
En rétorsion des sanctions et cessations de paiements d'obligations occidentales, le président russe Vladimir Poutine fait une annonce surprise le instituant l'obligation de paiement des achats de gaz russe en roubles, au lieu des dollars et euros précédemment acceptés dans les contrats[586]. Pour le président du parlement russe, c'est « une décision historique […] un pas vers la dédollarisation de l'économie [russe] »[586]. L'Ukraine dénonce une « guerre économique » de la Russie visant à « renforcer le rouble »[586]. Selon des analystes économiques, cette décision aura probablement « peu de positif » pour le rouble, car même si « cela pourrait accélérer le développement de plus petits blocs commerciaux qui utilisent des devises alternatives, mais celles-ci ne rivaliseront pas avec l'ampleur et la portée du dollar »[586].
L'ONU, par la voix de son secrétaire général Antonio Guterres, a alarmé sur le risque que ces tensions énergétiques causés par la guerre en Ukraine ne freinent les efforts de lutte contre le dérèglement climatique, en « renforçant cette folie » de « marcher les yeux fermés vers la catastrophe climatique », notamment avec les plans des pays occidentaux de relancer la production d'énergies non renouvelables pour se défaire des lignes d'approvisionnement russes[587].
Selon une information publiée dans le magazine Compressor Tech le [588], la centrale thermique de Vuhlehirska utilise du gaz naturel russe, et le gazoduc a été endommagé par des tirs de l'artillerie russe.
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