Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud (LSC 1978)[2] et agrégé d’histoire[3], Dominique Kalifa est un temps professeur dans le secondaire en banlieue parisienne[4]. Il rencontre Michelle Perrot au milieu des années 1980, qui sera par la suite la directrice de sa thèse soutenue à Paris-VII en 1994 (publiée en 1995 sous le titre L'Encre et le Sang)[4]. Plus tard, c'est l'historien des sensibilités Alain Corbin qui dirige son dossier d’habilitation ; Dominique Kalifa lui succède à la Sorbonne en 2002[5].
Histoire des représentations du crime, des imaginaires sociaux, et travaux sur la culture de masse
Ses recherches portent initialement sur les récits de crimes et la crise sécuritaire du début du XXe siècle (L’Encre et le Sang, 1995)[3]. Il s'agit pour Dominique Kalifa de questionner les représentations et les imaginaires sociaux qui entourent le crime à la fin du XIXe siècle[4]. Il contribue alors à poser des jalons importants pour l'histoire des imaginaires sociaux[4],[6]. Dans la continuité de ces travaux, il écrit le premier livre consacré au métier de détective privé (Naissance de la police privée, 2000)[7]. Plus largement, Dominique Kalifa s'intéresse également à l’histoire de la culture de masse (La Culture de masse en France, 2001)[5], dans la lignée de ses travaux sur le crime et ses représentations, et sur le fait divers[4].
Avec l’historien Philippe Artières, son ami, il rédige en 2001 un ouvrage expérimental, Vidal, le tueur de femmes : une biographie sociale, entièrement composé d’extraits d'archives montés dans un récit biographique, autour du tueur français Henri Vidal (1867-1906)[3],[4].
Il codirige en 2011 La Civilisation du journal, qui fournit une analyse précise de l'histoire de la presse du XIXe siècle[8],[9].
Ses principaux articles sont réunis en 2005 dans un ouvrage intitulé Crime et culture au XIXe siècle[10].
Il s’intéresse plus tard aux questions de justice et pénalité militaire en publiant le premier travail scientifique sur Biribi, l'univers des bagnes et des sections de discipline de l'armée française (Biribi, 2009)[4],[11],[12].
Son ouvrage Les Bas-fonds : histoire d'un imaginaire, qu'il publie au Seuil en 2013, a remporté le Prix Mauvais genres[13],[14] ainsi que le French Voices Award 2016[15].
Travaux historiographiques et réflexion sur la pratique historienne
En 2005 est publié un ouvrage co-dirigé avec Anne-Emmanuelle Demartini, intitulé Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle ; Dominique Kalifa a le désir de rendre hommage aux apports d'Alain Corbin à l'histoire culturelle et à l'histoire des sensibilités. Les deux directeurs chargent de nombreux anciens étudiants de ce dernier de réaliser les contributions de l'ouvrage[4],[16].
En 2009, il participe à l'ouvrage Le Dossier Bertrand, un travail collectif dirigé par Philippe Artières où cinq historiens (Philippe Artières, Anne-Emmanuelle Demartini, Dominique Kalifa, Stéphane Michonneau, et Sylvain Venayre) sont confrontés au même dossier d'archives, pour mettre en lumière une diversité d'approches[4],[17].
En 2017, il écrit La Véritable histoire de la Belle Époque, une réflexion sur le temps, la nostalgie et l'écriture de l'histoire[18],[4], qui remporte le prix Eugène-Colas de l'Académie française la même année.
Ses réflexions sur la manière dont le temps est nommé, délimité, et pensé en des termes précis (par des chrononymes), aboutissent à la publication en 2020 de l'ouvrage collectif Les noms d'époque : de « Restauration » à « années de plomb » qu'il a dirigé dans la collection « Bibliothèque des Histoires », chez Gallimard[19].
Autres travaux
Dominique Kalifa en 2013.
Également spécialiste de Fantômas, il publie en 2017 un abécédaire pataphysique intitulé Tu entreras dans le siècle en lisant Fantômas, chez Vendémiaire, dans lequel il analyse les diverses facettes d'un personnage qui a passionné les poètes, les romanciers, les peintres ou les cinéastes tout au long du siècle dernier[4],[20],[21].
En 2018, il écrit un ouvrage consacré à l'histoire de l'érotisme dans la ville de Paris, intitulé Paris. Une histoire érotique, d'Offenbach aux Sixties[22].
Il est membre du Comité d'histoire de la ville de Paris[23], fondé en 2007, qui réunit des universitaires, des chercheurs et des représentants de grandes institutions, et dont l'objectif est de soutenir la recherche historique relative à Paris.
À partir de 1990, Dominique Kalifa est collaborateur du supplément littéraire du quotidien Libération[5].
Mort et postérité
Il se donne la mort le jour de son 63e anniversaire, le , à Brugheas[5],[19],[24].
De nombreux hommages lui sont rendus dans le monde universitaire, particulièrement par ses collègues et anciens doctorants[25]. Son apport à la discipline historique, notamment au renouvellement des approches de l'histoire des imaginaires sociaux, est largement souligné[4],[26],[27],[28],[29].
Le Centre d'histoire du XIXe siècle de la Sorbonne décide de rendre hommage à Dominique Kalifa dans un colloque intitulé : « Les belles époques de Dominique Kalifa. Retour sur une œuvre d'historien » qui aura lieu le 9, 10 et 11 décembre 2021. Ce colloque donnera lieu ensuite à une publication[30].
Atlas du crime à Paris. Du Moyen Âge à nos jours (avec Jean-Claude Farcy), Parigramme, 2015[31]
Les historiens croient-ils aux mythes ? (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2016.
La Véritable Histoire de la « Belle Époque », Paris, Fayard, 2017.
Tu entreras dans le siècle en lisant Fantômas (ill. Camila Farina), Paris, Vendémiaire, , 329 p. (ISBN978-2-36358-281-2).
Paris. Une histoire érotique, d'Offenbach aux Sixties, Paris, Payot, 2018.
Les Noms d'époque : de « Restauration » à « années de plomb » (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2020, 352 p. (ISBN9782072763830).
Filmographie
Co-auteur avec Hugues Nancy du film Une si belle époque : la France avant 14, CP&B/France 3, 2019
Direction (avec E. Blanchard) de la série Faits divers : l'histoire à la Une diffusée sur Arte, 2017
Chroniqueur dans Casque d'or et les Apaches (1902), un épisode de 52 min de la série documentaire télévisée Des crimes presque parfaits réalisée par Patrick Schmidt et Pauline Verdu, Planète+ CI, 2015
Arsène, documentaire de 55 min réalisé par Lucien Dirat et Nathan Miler (La Sept ARTE, FRP, 2000)
À la Belle Époque des mauvais garçons, documentaire de 52 min réalisé par Nicolas Lévy-Beff
Les Enfants du bagne, documentaire de 52 min réalisé par Nicolas Lévy-Beff
Faits divers ? Cézanne et le meurtre[32], interview de Dominique Kalifa et Philippe Comar, exposition « Cézanne et Paris » présentée au musée du Luxembourg, 2011-2012
Co-auteur avec Mathilde Damoisel du film Paris romantique, Paris érotique, France Televisions, 2021[33]
↑ ab et cFlorent Georgesco, « L’historien Dominique Kalifa, spécialiste des imaginaires sociaux, est mort à l’âge de 63 ans », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le 13 septembre 2020)
↑ abc et dClaire Devarrieux, « L'historien Dominique Kalifa, historien et fidèle contributeur de «Libération», est mort », Libération, (lire en ligne, consulté le 13 septembre 2020).
↑Dominique Kalifa, « Du discours à l'imaginaire social », Publication du texte à l'occasion du décès de Dominique Kalifa, intervention écrite pour la journée « Autour de Marc Angenot. Témoignages, relectures, questionnements » tenue le 9 mai 2014, (lire en ligne)
↑Jean-Jacques Yvorel, « Dominique KALIFA, Naissance de la police privée. Détectives et agences de recherches en France 1832-1942, Paris, Plon, 2000, 334 p. », Revue d'histoire du XIXe siècle. Société d'histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, nos 20/21, (ISSN1265-1354, lire en ligne, consulté le 1er octobre 2020)
↑« "La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle" : la France, née sous presse », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑Sébastien Soulier, « Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant [dir.], La civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle. Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, 1762 p. (ISBN978-2-84736-543-6). 39 euros », Revue d'histoire du XIXe siècle. Société d'histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, no 46, , p. 237–239 (ISSN1265-1354, lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑(en) Peter Becker, « Kalifa (Dominique), Crime et Culture au XIXe siècle. Paris, Éditions Perrin, 2005, 331 p., (ISBN2262020124) », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, vol. 16, no Vol. 16, n°1, , p. 123–125 (ISSN1422-0857, lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑Jean-Lucien Sanchez, « Dominique Kalifa, Biribi. Les bagnes coloniaux de l'armée française. Paris, Perrin, 2009, 344 p. », Criminocorpus. Revue d'Histoire de la justice, des crimes et des peines, (ISSN2108-6907, lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑« "Biribi. Les bagnes coloniaux de l'armée française", de Dominique Kalifa : dans l'enfer de "Biribi" », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑Annie Leballeux, « Alexandre Mathis et Dominique Kalifa lauréats du 2ème Prix du livre Mauvais genres France Culture - Obsession », France Culture, (lire en ligne, consulté le 16 novembre 2017)
↑Frédéric Chauvaud, « Anne-Emmanuelle Demartini et Dominique Kalifa (dir.), Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle, Études pour Alain Corbin », Histoire, économie & société, vol. 25, no 4, , p. 165–165 (lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑Olivier Poncet, « Philippe Artières et al. Le dossier Bertrand. Jeux d’histoire. », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 167, no 1, , p. 300–302 (lire en ligne, consulté le 18 septembre 2020)
↑Marie-Ève Thérenty, « « C’est dans le jeu et le dialogue des temporalités que se trame le rapport à “nos chers disparus” ». Hommage à Dominique Kalifa (1957-2020) », Le Temps des médias, vol. n° 36, no 1, , p. 5–12 (ISSN1764-2507, DOI10.3917/tdm.036.0005, lire en ligne, consulté le 8 juin 2021)