David Graeber (à gauche) en mai 2007 lors d'une manifestation pour le droit des immigrants à Union Square à New York.
Les parents de Graeber, d'origine juive, étaient des intellectuels de la classe ouvrière autodidacte à New York[3]. Ruth Rubinstein, sa mère, travaillait dans le secteur de l'habillement et jouait le rôle principal dans la revue de comédie musicale des années 1930, Pins & Needles, organisée par le Syndicat international des travailleuses du vêtement. Kenneth Graeber, son père, qui était affilié à la Ligue des jeunes communistes au collège, participa à la révolution espagnole à Barcelone et combattit dans la guerre civile espagnole. Il a ensuite travaillé sur des imprimantes offset.
Graeber a grandi à New York, dans un immeuble d'appartements coopératif décrit par le magazine Business Week comme « imprégné de politique radicale ». Graeber est un anarchiste depuis l'âge de 16 ans, selon une interview qu'il a donnée à The Village Voice en 2005[4].
Il fut chargé de cours d'anthropologie à l'université Yale jusqu'à ce que l'université ne renouvelle pas son contrat en juin 2007, ce qui fit controverse à cause du soupçon de motivation politique à cette éviction. Il se fit indemniser une « année sabbatique » durant laquelle il donna un cours d'introduction à l'anthropologie culturelle et un autre intitulé Direct Action and Radical Social Theory. Puis il occupa un poste de maître de conférences (reader) au sein du département d'anthropologie de l'université de Londres[5], de l'automne 2007 à l'été 2013. Il a ensuite été professeur à la London School of Economics.
Il est l'auteur de Fragments of an Anarchist Anthropology (en français : Pour une anthropologie anarchiste) et Towards an Anthropological Theory of Value: The False Coin of Our Own Dreams).
Il a composé de vastes œuvres anthropologiques à Madagascar, et écrit sa thèse de doctorat (The Disastrous Ordeal of 1987: Memory and Violence in Rural Madagascar) sur ce pays.
En 2011, il publie une vaste monographie intitulée Debt: the First Five Thousand Years (Melville House ; publié en français en 2013 sous le titre Dette : 5000 ans d'histoire, aux éditions Les liens qui libèrent). Dans cet ouvrage, où il s'inspire notamment des thèses d'Alfred Mitchell-Innes, il soutient que le système du troc n'a jamais été utilisé comme moyen d'échange principal durant 5000 ans d'Histoire.
Fin 2011, il est l'une des figures de proue du mouvement Occupy Wall Street.
En août 2013, il publie l'article On the Phenomenon of Bullshit Jobs dans lequel il émet l'hypothèse qu'une proportion significative des emplois sont considérés par ceux qui les occupent comme inutiles, voire comme nuisibles[6]. Cette hypothèse donne lieu à une enquête approfondie qui débouche sur le livre Bullshit jobs: A Theory, publié en français sous le titre Bullshit Jobs. Il envisage le revenu de base comme un moyen de disjoindre le travail du revenu et ainsi de lutter contre ces « jobs à la con »[7].
En décembre 2014 il se rend entre autres avec Janet Biehl au Rojava (Kurdistan de Syrie) afin de se documenter sur l'expérience en cours d'auto-gouvernement. Ce voyage donne lieu à des visites d’écoles, de conseils communaux, d’assemblées de femmes, de coopératives nées de la « révolution du Rojava »[8].
En 2015, il publie Bureaucratie (The Utopia of Rules: On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy) où il soutient que les entreprises privées sont tout aussi bureaucratiques que le service public, voire le sont davantage, et que la bureaucratie est un fléau du capitalisme moderne. Selon lui, « il faut mille fois plus de paperasse pour entretenir une économie de marché libre que la monarchie de Louis XIV »[9],[10].
En 2018, il donne sa lecture du mouvement des Gilets Jaunes en France selon laquelle celui-ci serait le signe de la déliquescence du système politico-financier actuel, qui valorise bien plus les métiers inutiles (bullshit jobs) liés à l'oligarchie managériale et financière que les métiers du care [11]. La même année il publie le livre Bullshit Jobs: A theory[12].
Il meurt subitement le à Venise. Le 28 août, il avait annoncé dans une vidéo qu'il n'était pas très en forme mais qu'il se sentait de mieux en mieux[13],[14],[15].
Œuvres
Ouvrages en anglais
Toward an Anthropological Theory of Value: The False Coin of Our Own Dreams, 2001
Fragments of an Anarchist Anthropology, 2004
Lost People: Magic and the Legacy of Slavery in Madagascar, 2007
Possibilities: Essays on Hierarchy, Rebellion, and Desire, 2007
Direct Action: An Ethnography, 2009
(en) Debt : The First 5,000 Years, Brooklyn (N.Y.), Melville House, , 544 p. (ISBN978-1-933633-86-2)
Revolutions in Reverse : Essays on Politics, Violence, Art, and Imagination, Autonomedia, , 120 p. (ISBN978-1-57027-243-1)
The Democracy Project : A History, a Crisis, a Movement, Spiegel & Grau, , 352 p. (ISBN978-0-8129-9356-1)
The Utopia of Rules : On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy, Montréal (Québec), Melville House, , 272 p. (ISBN978-2-89596-037-9)
Comme si nous étions déjà libres [« The Democracy Project : A History, a Crisis, a Movement »] (trad. de l'anglais), Montréal (Québec)/Arles, Lux Éditeur, , 280 p. (ISBN978-2-89596-180-2)
Des fins du capitalisme : Possibilités I [« Possibilities: Essays on Hierarchy, Rebellion, and Desire »] (trad. de l'anglais), Paris, Payot, , 363 p. (ISBN978-2-228-91151-1)
Les Pirates des Lumières : ou la véritable histoire de Libertalia, Libertalia, , 228 p. (ISBN978-2-37729-106-9)
Contributions à des ouvrages collectifs
Collectif, La commune du Rojava : l'alternative kurde à l'État-nation, Syllepse, 2017, préf. Michael Löwy, Le Kurdistan libertaire nous concerne !, [lire en ligne].
Les nouveaux anarchistes, [The new anarchists], New Left Review, n°13, janvier-février 2002, en français, en anglais.
Avec Andrej Grubacic, L’Anarchisme, ou Le Mouvement Révolutionnaire du Vingt et Unième Siècle, 6 janvier 2004, texte intégral.
Jade Lindgaard, Nicolas Haeringer, « L’idée d’avoir une revendication unique ne parle à personne », entretien avec David Graeber, Mouvements, 3 mai 2012, texte intégral.