La Cène (terme issu du latin cena, « repas du soir, dîner ») est le nom donné dans la religion chrétienne au dernier repas que Jésus-Christ prit avec les douze apôtres le soir du Jeudi saint, avant la Pâque juive, peu de temps avant son arrestation, la veille de sa crucifixion, et trois jours avant sa résurrection. Après avoir célébré avec eux la Pâque, il institua l'Eucharistie — selon trois des quatre évangiles canoniques — en disant : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ».
La chronologie des évangiles a été étudiée pour les évangiles synoptiques seulement (Problème synoptique), sans intégrer l'évangile selon Jean, qui est le seul à contenir le discours de la Cène[1].
« Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ». Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés. »
Avant le repas proprement dit, Jésus lave les pieds de ses disciples. Cette action n'est pas mentionnée dans les autres évangiles.
Jésus ne prononce pas dans cet Évangile les paroles qui instituent l'Eucharistie, « Prenez, mangez, ceci est mon corps ».
Il donne un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres », Jean (13, 34). Dans ce que l'on appelle le Discours de la Cène (Jn, chapitres 14 à 17) : Jésus transmet une sorte de testament sur les commandements à garder par les disciples qu'il considère, non plus comme ses serviteurs, mais comme ses amis. C'est cette partie de la Cène qui est la seule relatée par Jean dans son évangile. Jean indique que Jésus répète le commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn, 15, 12).
Jésus annonce ensuite que l'un des disciples va le trahir : Judas. Celui-ci quitte la pièce.
Jésus dit à Pierre qu'il le reniera par trois fois avant que le coq ne chante. (Matthieu situe ces paroles après qu'ils sont sortis de la pièce).
Jésus dit d'abord à ses disciples : « Lorsque je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » Ils répondirent : « De rien ». Puis il leur dit : « Maintenant, par contre, celui qui a une bourse, qu'il la prenne ; de même, celui qui a un sac ; et celui qui n'a pas d'épée, qu'il vende son manteau pour en acheter une » (Luc 22, 35-36).
Paul Verhoeven, membre du Jesus Seminar, attire l'attention sur l'évolution de la pensée de Jésus concernant le recours à la violence dans l’Évangile de Luc, et notamment sur le fait qu'avant son arrestation, Jésus avait recommandé à ses disciples d'acquérir des épées - armes dont l'un d'eux au moins fera usage contre un des gardes chargé de son arrestation[note 1].
« L'idée d'un banquet communautaire célébrant l'arrivée du Royaume de Dieu existait dans le judaïsme contemporain chez les esséniens, qui anticipaient un tel repas présidé par le Prêtre et le Messie (1 QSA 2, 17-22[2]), et qui observaient selon leur règle un repas communautaire en prévision du « banquet messianique » de la Fin des temps (1 QS 6, 4-6[3]). Des textes apocalyptiques postérieurs (Baruch, Enoch, l'Apocalypse d'Elie) parlent d'une abondance de nourriture à la Fin des temps ainsi que d'un repas pris avec le Messie »
— Paula Fredriksen, De Jésus aux Christs[4]
S'interrogeant sur le caractère historique de la Cène dans les Évangiles, Paula Fredriksen conclut que Jésus a « bien pu célébrer un repas spécial avec douze de ses disciples, nombre qui symbolisait l'Israël restauré de l'eschatologie[4]»
Dans l'Évangile de Luc (au chapitre 24), à la suite du récit des femmes et de Pierre allant au tombeau, deux disciples se dirigeaient vers un village appelé Emmaüs, parlant de tout ce qui s'était passé. Pendant qu'ils discutaient, Jésus vint faire route avec eux ; mais ils ne purent le reconnaître. Déjà se crée un décalage entre ce que savent les disciples et ce que sait le lecteur : le lecteur sait que Jésus est ressuscité et qu'il est celui qui marche avec les disciples mais eux ne le savent pas. Dès lors, tout le récit est marqué par cette redécouverte autour du verset central (v. 23c « il est vivant »). Ainsi les disciples racontent à Jésus leur témoignage et leur déception et attente, ensuite ils relatent les événements du tombeau sans y découvrir la vraie lumière. Jésus leur répond alors, lui-même déçu de la fermeture de leurs cœurs, et leur montre que la souffrance de Jésus est nécessaire à l'accomplissement de sa grâce et qu'il est le Christ (v. 26). Et afin d'illustrer ceci, il leur explique tous les passages de l'Écriture parlant de cela. Enfin, au moment où il semblait les quitter afin de les mettre à l'épreuve, les disciples désirent qu'il vienne avec eux, montrant que leur cœurs sont devenus brûlants. Et au moment du repas (v. 30), la dernière cène est reproduite par Jésus, bénissant et rompant le pain, ouvrant enfin leurs cœurs au mystère de la résurrection. Et c'est à ce moment précis que Jésus disparaît à leurs yeux mais apparaît à leurs cœurs. Alors les disciples prennent conscience de tout le cheminement de leurs cœurs vers l'ouverture finale, et passent de la déception et l'isolement à la joie et au désir d'annoncer ce qu'ils ont vu. Le récit se conclut donc par un retour à Jérusalem, un retour à l'espérance et un début de l'annonce missionnaire. Et à leur retour, la communauté est elle aussi instruite dans la foi et leur annonce que Jésus est ressuscité et qu'il leur est apparu plusieurs fois. C'est donc un récit de fondation, de consolidation et de compréhension du mystère de la résurrection. Le récit relie également la Bible hébraïque et les faits de la vie de Jésus à travers l'annonce messianique présentée par Jésus expliquant la nature du Christ. Enfin, il fonde le rite de la dernière cène, non plus comme un épisode mais comme l'expression d'une communion et d'une présence divine, ouvrant les cœurs au mystère de Pâques.
Les chrétiens de toutes tendances confondues (orthodoxes, catholiques, protestants), considèrent que ce dernier repas pris par Jésus avec ses disciples institue le sacrement de l'Eucharistie (eucharistein, Lc 22, 19), eulogein (Mt 26, 26). Aussi la Cène est-elle un des événements fondateurs du christianisme. Par ce sacrement, les chrétiens font mémoire de la mort et de la Résurrection du Christ :
En rapport avec la Cène et l'Eucharistie, on trouve d'autres appellations :
Dans l'Église catholique, la Cène est célébrée à nouveau par les fidèles chaque dimanche au cours de la messe, plus particulièrement lors de la communion, dans la deuxième partie de la messe. L'Église célèbre une Cène perpétuelle dans laquelle le Christ est réellement présent dans le Saint-Sacrifice. Le Christ se présente à chaque consécration en médicament pour la vie éternelle.
De plus, dans l'Église catholique, une célébration particulière a lieu le jour dit du Jeudi saint, la veille du Vendredi saint (qui commémore la Passion). Le Jeudi saint a lieu le rite du Lavement des pieds, en célébration du geste de Jésus envers ses disciples, évoqué dans l'évangile de Jean.
Chez les protestants, l'appellation sainte cène souligne l'importance symbolique et commémorative du repas pascal. Cette interprétation remonte à Jean Calvin dans son Institution de la religion chrétienne, bien que les églises issues de la Réforme protestante considèrent généralement que leur approche de la Cène est la position historique[5].
Chez les chrétiens évangéliques, on parle d'un souvenir du sacrifice de Jésus-Christ et une annonce de son retour[6],[7]. Ce geste est pratiqué selon l'invitation de Jésus et de Paul de Tarse dans la bible [8].
Selon Georges Minois, « dans une religion aussi ritualisée que le catholicisme, où tout tourne autour de la répétition quotidienne de la même cérémonie [...] reproduisant le dernier repas, la Cène, il était inévitable qu'apparaisse très tôt une déformation comique de ce rituel, sous forme de parodie. Du repas sacré au repas bouffon, le passage s'opère très tôt, et cette utilisation comique du tragique sacré est la source principale du rire médiéval, qui s'enracine dans la religion. Le cas le plus célèbre est celui d'un texte latin anonyme, composé entre les Ve et VIIIe siècles, la Cena Cypriani[9] », ou Cène de Cyprien.
La représentation de la Cène a d'abord une valeur pédagogique. Utilisée au Moyen Âge central comme instrument de lutte contre les hérésies qui rejettent l'Eucharistie, elle ne devient un thème iconographique majeur qu'à la Renaissance.
Ni l'essor des représentations de la table au XIIIe siècle, ni le renforcement de la doctrine et de la doctrine eucharistique de l'Église à partir du concile de Latran IV ne réussirent à imposer la Cène comme une des grandes images chrétiennes : elle demeure loin derrière, par exemple, le Lavement des pieds, qui la jouxte dans les programmes où elle est présente[10].
C'est le XVe siècle, puis la Contre-Réforme qui donnent au Dernier Repas une place de choix dans l'art occidental : il suffit de penser à la production quasi industrielle de représentations de la Cène par le Tintoret à Venise.
La représentation de la Cène dans l'art ne se cantonne pas à la peinture, on en trouve également dans les arts de la photographie ou du cinéma.
Les représentations de la Cène montrent le Christ et les Apôtres à des moments différents de la Cène selon les artistes :
Selon les représentations dans l'art, l'apôtre Jean, « celui que Jésus aimait », se trouvait assis à côté de Jésus lors de ce repas, à gauche ou à droite selon les représentations.
Généralement, les douze Apôtres sont représentés.
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