Date |
Depuis le [1] (8 ans, 4 mois et 2 jours)[a] |
---|---|
Lieu | Ukraine (avec des retombées en Russie) |
Casus belli |
|
Issue | En cours, la Russie a envahi l'Ukraine le |
Changements territoriaux |
Changements avant l'invasion de 2022
|
Euromaïdan (2013-2014) Ukraine (depuis 2014) | Ukraine (2013-2014) Russie République de Crimée (depuis 2014) République populaire de Donetsk (depuis 2014) République populaire de Lougansk (depuis 2014) Biélorussie (depuis 2022)[8] |
Volodymyr Zelensky (depuis 2019) Petro Porochenko (2014-2019) Arseni Iatseniouk (2014-2016) Oleksandr Tourtchynov (2014) Denys Chmyhal (depuis 2020) | Vladimir Poutine Alexandre Loukachenko RPD Denis Pouchiline (depuis 2018) Dmitri Trapeznikov (2018) Alexandre Zakhartchenko † (2014-2018) Alexandre Borodaï (2014) Igor Guirkine (2014) RPL Leonid Pasetchnik (depuis 2017) Igor Plotnitski (2014-2017) Valéri Bolotov † (2014) Sergueï Kozlov (depuis 2015) Victor Ianoukovytch (2013-2014) |
Ukraine et ses alliés : 4 619 tués[11],[12] 9 700-10 700 blessés[10] 70 disparus[13] 2 768 capturés[14],[15],[16] 9 268 ont rejoint les forces russes après l'annexion[17] 300+ chars T-64[18] | Russie et ses alliés : 5 768 tués[10],[19][b] 12 700-13 700 blessés[10] |
Batailles
Euromaïdan · Révolution ukrainienne · Crimée · Donbass · Détroit de Kertch · Crise diplomatique · Invasion de l'Ukraine
Le conflit russo-ukrainien, ou la crise ukrainienne, est un conflit diplomatique et militaire entre la Russie (ainsi que les forces séparatistes pro-russes) et l'Ukraine[c]. Il a commencé en à la suite de la révolution ukrainienne de la Dignité, et s'est initialement concentré sur le statut de la Crimée et de certaines parties du Donbass, internationalement reconnues comme faisant partie de l'Ukraine. Les huit premières années du conflit ont inclus l'annexion de la Crimée par la Russie (2014) et la guerre dans le Donbass (depuis 2014) entre l'Ukraine et les séparatistes soutenus par la Russie, ainsi que des incidents navals (en), la cyberguerre et des tensions politiques. À la suite d'un renforcement militaire russe à la frontière entre la Russie et l'Ukraine à partir de la fin 2021, le conflit s'est considérablement étendu lorsque la Russie a lancé une invasion à grande échelle de l'Ukraine le .
L'origine du conflit remonte au , à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne[21].
Des manifestations de grande ampleur se déclenchent alors et aboutissent le à la fuite puis à la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovytch, remplacé par Oleksandr Tourtchynov. Un nouveau gouvernement, dirigé par Arseni Iatseniouk, est mis en place.
En réaction, des groupes armés prennent le contrôle du Parlement de Crimée, qui élit un nouveau Premier ministre favorable à l'union avec la Russie. Un référendum, organisé sous le contrôle de la Russie, aboutit à un vote favorable au rattachement de la Crimée à la Russie, provoquant une crise diplomatique internationale. Plusieurs autres provinces ukrainiennes à forte population russophone, notamment le Donbass, connaissent des soulèvements similaires et organisent à leur tour des référendums d'autodétermination afin de se séparer du gouvernement ukrainien en place.
Ces derniers évènements débouchent sur la guerre du Donbass, la Russie, pays frontalier, étant accusée de soutenir militairement les insurgés en y menant une guerre hybride[22],[23].
Le , un vol Malaysia Airlines transportant 298 passagers d'Amsterdam à Kuala-Lumpur est abattu en plein ciel près de la frontière russe alors qu'il survolait le Donbass. Il n'y a aucun survivant. La destruction de cet avion civil amplifie la crise diplomatique, l'armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes s'en accusant mutuellement.
Le , dans le cadre de la crise russo-ukrainienne de 2021-2022, lors d'une allocution télévisée, le président russe Vladimir Poutine annonce la reconnaissance russe de l'indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Lougansk et les forces armées russes envahissent l'Est de l'Ukraine contrôlé par les séparatistes pro-russes[24],[25].
Le , le président Vladimir Poutine annonce lancer une opération militaire en Ukraine. Dans la nuit du 23 au 24, le territoire ukrainien est bombardé et les troupes russes commencent l’invasion du territoire ukrainien[26].
Depuis 1991, les États-Unis financent des groupes politiques pro-européens en Ukraine par l'intermédiaire d'ONG comme la Fondation Carnegie[27]. La diplomate américaine Victoria Nuland, représentante du Bureau des affaires européennes et eurasiennes à Washington, indique que ce financement a dépassé 5 milliards de dollars entre 1991 (date de l'indépendance de l'Ukraine) et 2013[28],[29]. D’après le site de « factchecking » Politifact, qui s’appuie sur les précisions de la porte-parole du département d’État Nicole Thomson, ce montant inclue notamment le soutien à la croissance économique (1,1 milliard de dollars), l’assistance humanitaire (300 millions), la lutte contre le trafic de drogue. Il ne s’agit donc pas du financement « à des groupes politiques pro-européens », mais des financements sur des soutiens économiques, sociaux et d’appui à la démocratie[30].
Alors que l’Ukraine est proche du défaut de paiement et qu'elle enregistre de plus une récession de 2 % en 2013[31], il lui reste, fin , 18,79 milliards de dollars de réserves de change et elle doit en 2014 rembourser 7 milliards de dollars à ses créanciers, la Russie lui réclamant par ailleurs 17 milliards de dollars de facture de gaz naturel[32]. Le , le président russe Vladimir Poutine annonce la levée des barrières douanières entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que son intention de baisser le prix de son gaz et de proposer au gouvernement ukrainien un prêt de 15 milliards de dollars[33]. Lors des négociations entre l’Union européenne et l’Ukraine, le premier ministre ukrainien Mykola Azarov avait demandé à l’Union européenne un prêt de 20 milliards d’euros, qui lui fut refusé, l’Union européenne promettant néanmoins une aide financière.
Selon un sondage en , 44,7 % de la population ukrainienne s'était dite favorable à une adhésion de leur pays à l'UE tandis que 35,2 % des sondés s'y étaient dits opposés[34]. Les sondages effectués portant sur l'adhésion à l'Union européenne et non sur un accord d'association avec elle, des citoyens ont pu être induits en erreur sur les enjeux de cet accord d'association.
Les manifestations naissent de l'échec des négociations entre l'Ukraine et l'Union européenne. Dès cet échec, les manifestants demandent le départ de Ianoukovytch, qu'ils accusent d'avoir « vendu le pays pour s'acheter un poste de gouverneur dans l'empire russe »[35]. Sur la place de l'Indépendance, les drapeaux ukrainien et européen se côtoient, montrant à la fois l'attrait pour l'Union européenne et un nationalisme dirigé contre la Russie[36].
21 novembre 2013 | Début d'Euromaïdan |
---|---|
18 février au 22 février 2014 | Révolution ukrainienne de 2014 et destitution du président Ianoukovytch |
28 février 2014 | Début de la crise de Crimée |
1 mars 2014 | Début des manifestations pro-russes dans l'Est et le Sud de l'Ukraine |
18 mars 2014 | Annexion de la Crimée par la Russie |
6 avril 2014 | Début de la guerre du Donbass. |
11 février 2015 | Signature des accords de Minsk II pour un cessez-le-feu dans le Donbass. |
25 novembre 2018 | Incident du détroit de Kertch illustrant le contrôle russe en mer d'Azov. |
Mars et novembre 2021 | Augmentation des tensions entre la Russie et l'Ukraine avec le rassemblement de troupes russes près des frontières ukrainiennes. |
21 février 2022 | Reconnaissance de l'indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk par la Russie. Fin des accords de Minsk. |
24 février 2022 | Invasion de l'Ukraine par la Russie |
Euromaïdan, une manifestation pro-européenne, a débuté le à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer un accord d'association avec l'Union européenne. Ces manifestations ont été marquées par de fortes violences entre le et le , qui n'ont fait qu'accroître les mouvements de protestation, avec entre 250 000 et 500 000 manifestants à Kiev. Du 18 au , des affrontements ont à nouveau éclaté, faisant plus de quatre-vingts morts.
Le mouvement contestataire de 2013-2014 est celui d'une partie de l'Ukraine, alors qu'une autre partie, dans le Donbass, les villes industrielles et les grands ports, lui est fortement hostile. Les oligarques ukrainiens, Rinat Akhmetov en tête, première fortune du pays, lâchent le pouvoir de Ianoukovytch (qu'ils avaient jusque-là soutenu) dans le courant du mois de janvier, devant l'incapacité de ce dernier à rétablir l'ordre[37].
Le , deux mille manifestants protestent à Kiev pour la fin des négociations avec l'Europe[38]. Les communistes se postent régulièrement près des statues de Lénine pour éviter qu'elles ne soient renversées[39]. Les 25 et , des mouvements dénommés « anti-Maïdan » par leurs dirigeants sont menés à Sébastopol[40] et à Donetsk. Les manifestants considèrent les pro-européens du Maïdan comme des fascistes[41], qualificatif qu'emploient également le Kremlin et une grande partie des médias russes[42].
Le , le premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, reconnait que son pays a été « dissuadé par la Russie de signer l'accord avec l'UE »[43]. Le , les trois anciens présidents ukrainiens, Leonid Kravtchouk, Leonid Koutchma et Viktor Iouchtchenko, expriment dans un communiqué commun leur « solidarité avec les actions civiles pacifiques des manifestants » et s'interrogent sur la « volte-face brusque du gouvernement prise à l'égard de la signature de l'accord d'association européenne à Vilnius », affirmant par ailleurs que la « cruauté par laquelle les autorités agissent ne devrait pas être seulement condamnée publiquement, mais [l'être] également en conformité avec la législation ukrainienne », ajoutant que ce genre de pratiques est « totalement inacceptable dans un pays démocratique »[44].
Le , le conseil suprême de Crimée (parlement de Crimée, région autonome traditionnellement pro-russe) condamne dans une déclaration les manifestations, demandant au gouvernement de restaurer l'ordre à Kiev[45]. Le , plusieurs sportifs de la délégation ukrainienne aux Jeux olympiques d'hiver de 2014 décident de quitter Sotchi prématurément[46].
|
La révolution ukrainienne de a lieu entre le 18 et le à la suite de l'Euromaïdan. Elle a lieu à la suite d'émeutes à Kiev après que le président ukrainien a donné l'ordre d'évacuer la place de l'Indépendance, et conduit à la destitution de Viktor Ianoukovytch, président d'Ukraine en exercice, et à la nomination de Oleksandr Tourtchynov en tant que président intérimaire jusqu'à la présidentielle du . Un gouvernement pro-européen dirigé d'abord par Oleksandr Tourtchynov puis par Arseni Iatseniouk est nommé dans la foulée.
Le , juste après le changement de pouvoir, les pro-Maïdan sont minoritaires dans le sud-est, notamment à Odessa, Donetsk et le Donbass, ou bien à Kharkov où ils sont empêchés de déboulonner la statue de Lénine[47]. Ce même jour, dans la même ville, des anti-Maïdan s'affrontent aux pro-Maïdan sur la place de la Liberté[48]. Une partie de l'Est ne reconnaît pas les nouvelles institutions, ainsi que certains députés du Parti des Régions, alors même qu'ils ont lâché Ianoukovytch[49]. Le projet d'abroger la loi sur les langues régionales de 2014, qui confère au russe et à d'autres langues le statut de langue officielle dans 13 régions sur les 27 que compte l'Ukraine, met en effet le feu aux poudres, même si le président par intérim explique ensuite qu'il ne fera pas entrer cette mesure en vigueur pour le moment. Dans le sud-est, des brigades d'autodéfense sont créées, notamment à Sébastopol[50]. Dans cette ville, où se trouve une importante base navale louée par l'Ukraine à la flotte de la mer Noire russe ainsi qu'une population russophone, un nouveau maire pro-russe, Alexeï Tchaly, est élu à main levée pour « le retour à la stabilité »[50].
Début , la république autonome de Crimée est occupée par la Russie et formellement détachée de Kiev en se réservant le choix par référendum le de son futur statut.
Le 27 février, la Russie prétend entreprendre des manœuvres militaires[51] avec son armée de terre aux zones frontalières avec l'Ukraine[52] et, le , des hommes en armes et en uniforme sans signe distinctif prennent le contrôle de l'aéroport de Simferopol[53] ; de plus l'entrée de l'aéroport international de Sébastopol est bloquée par 300 combattants cagoulés[54],[55]. Ces deux aéroports desservent la Crimée ; le lendemain le bouclage des accès aériens sur la péninsule est confirmé, de district de Kirovskoïe compris[56]. Le ministre de l'intérieur par intérim, Arsen Avakov, dénonce comme une « invasion » l'occupation de deux aéroports de Crimée par des hommes armés qu'il identifie comme soldats russes, ce que le Kremlin ne précise pas. À la suite de cet événement, le parlement ukrainien fait voter une résolution appelant la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis à respecter le Mémorandum de Budapest visant à garantir l'indépendance de l'Ukraine en échange de son renoncement aux armes nucléaires[57].
Le , le Premier ministre de la république autonome de Crimée, Sergueï Axionov, favorable à l'union avec la Russie (son parti, Unité russe, avait obtenu 4,02 % des voix lors des élections de 2010), « élu » deux jours plus tôt par quelques députés alors que des hommes armés contrôlaient le Parlement, demande à la Russie d'intervenir militairement[58]. Faisant suite à la demande du président russe Vladimir Poutine, le Conseil de la Fédération approuve le déploiement de forces armées dans cette région autonome[59]. La base navale stratégique de Sébastopol est en effet un élément primordial du système de défense russe, lui conférant l'accès à la Méditerranée et aux mers chaudes.
L'État russe entame subrepticement le processus d'annexion de la Crimée, plusieurs témoins attestent de la distribution de passeports russes à des habitants d'Ukraine (pour justifier ses actions par la défense de citoyens russes)[60]. Le , le secrétaire du Conseil de sécurité nationale ukrainien annonce la mobilisation de tous les réservistes[61] ; de plus l'Ukraine ferme son espace aérien à tout aéronef non civil[62]. L'escalade verbale est perceptible par la convocation en urgence des vingt-huit ambassadeurs des pays membres de l'OTAN un dimanche[63]. Au soir du coup de force, l'amiral Denis Berezovsky (en), commandant en chef de l'amirauté ukrainienne, porte allégeance au camp pro-russe[64]. Mille soldats encerclent les services des douanes et des garde-côtes à Perevalnié (en), tentant sans succès de désarmer les unités ukrainiennes qui s'y trouvent. Selon les autorités à Kiev qui organisent la mobilisation générale[65], 150 000 soldats russes seraient massés de l'autre côté des frontières de l'Ukraine[66]. La chancelière allemande Angela Merkel obtient que Vladimir Poutine participe à des négociations avec un groupe de contact composé de diplomates européens.
Six mille hommes de troupe renforcent le contingent russe de Sébastopol[67], l'effectif de l'engagement russe en Crimée étant estimé à vingt mille hommes ; Washington estime que « la Russie a atteint le contrôle opérationnel de la Crimée »[68]. Le gouvernement ukrainien recense les citoyens volontaires en âge d'être incorporés[69]. Cependant, l'armée ukrainienne est inopérante et « ne dispose plus d'unité sérieuse en Crimée (…) Les autorités ukrainiennes se battent sur le seul terrain où elles sont sûres de pouvoir surpasser les Russes : celui de l'agitation médiatique »[70]. Côté diplomatique, le ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie Sergueï Lavrov souligne dans une allocution à Genève[71] que son pays n'avait aucunement porté atteinte à l'intégrité territoriale, mais assuré la sécurité des habitants russophones de Crimée face aux événements récents à Kiev. Son homologue américain, John Kerry, énumère toute une série de sanctions possibles dont la plus retentissante mènerait à l'isolement économique de la Russie[72]. Ioulia Tymochenko considère dans une interview que la raison de l'agression russe provient des velléités ukrainiennes à s'intégrer à l'Europe[73]. Selon elle, la Russie vise à la capitulation de l'Ukraine[74].
Le , le Parlement de Crimée demande à Moscou son rattachement à la Russie, le décret est signé dès l'après-midi par les dirigeants de la région autonome, et le vice-Premier ministre de Crimée, Roustam Temirgaliev (en), annonce qu'un référendum sur le statut de la péninsule de Crimée aura lieu le [75]. Dans le même temps, des manifestations de partisans pro-russes et de partisans de l'unité ukrainienne perdurent à Donetsk, débouchant parfois sur des affrontements entre les deux camps[76],[77]. Le , le Conseil suprême de Crimée déclare l'indépendance de la République de Crimée (réunissant la République autonome de Crimée et Sébastopol). Malgré ces événements, le gouvernement ukrainien affirme qu'il n'enverra pas de troupes en Crimée, par crainte de dégarnir les frontières orientales de l'Ukraine, où la Russie a déployé d'importantes troupes[78].
Le , après le référendum controversé organisé la veille qui attesterait que la population criméenne se soit prononcée à une très large majorité en faveur d'un rattachement à la Russie, le Conseil suprême de Crimée réaffirme l'indépendance de la péninsule, demande son rattachement à la Russie et décrète la nationalisation de tous les biens de l’État ukrainien sur son territoire. Les autorités intérimaires à Kiev continuent quant à elles de parler « d'une grande farce »[79]. Le lendemain, le traité d'intégration de la République de Crimée à la Fédération de Russie est signé, lequel transforme l'État autoproclamé en deux sujets de l'État russe : la République de Crimée et la ville d'importance fédérale de Sébastopol.
Le , le président du Parlement Oleksandr Tourtchynov, proche de Ioulia Tymochenko est nommé président par intérim, jusqu'à l'élection présidentielle prévue pour le [80]. Le même jour, la résidence présidentielle de Ianoukovytch est nationalisée par le Parlement ukrainien[80] et une enquête est ouverte sur des dirigeants de la police ayant pris part aux répressions[80]. L'Ukraine reste fortement divisée entre l'ouest pro-européen, qui a pris le pouvoir, et le sud-est pro-russe. La possibilité d'une partition est même envisagée[81]. Le Parti des régions, qui s'est officiellement séparé de Ianoukovytch[80], reste sceptique quant à la résolution des problèmes économiques du pays[81]. Les médias ukrainiens dévoilent peu à peu le luxe des résidences des anciens dignitaires du régime[82][source insuffisante]. Outre la résidence privée de Ianoukovytch (Mejyhiria[83]), ils peuvent ainsi découvrir par exemple la résidence de l'ancien procureur général Pchonka[84]. Le nouveau ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, annonce que des mandats d'arrêt pour « meurtres de masse » avaient été lancés à l'encontre de Ianoukovytch et d'autres anciens responsables[85]. Le , Arsen Avakov dissout les forces anti-émeutes (Berkout) par décret ministériel[86]. En abrogeant le 23 février 2014 la loi de 2012 sur les langues régionales, le parlement retire au russe (comme à plusieurs autres langues régionales comme le roumain) le statut de langue officielle dans 13 des 27 régions (essentiellement au sud et à l'est du pays)[87]. Cela implique, non seulement que tous les documents officiels doivent être rédigés uniquement en ukrainien, mais aussi que les cours dans les écoles ne doivent être dispensés qu'en ukrainien, que tous les noms de ville et autres noms propres doivent suivre l'orthographe et la prononciation ukrainienne ce qui serait mal vécu par la population russophone d'Ukraine. Cela crée un émoi dans les communautés russophiles, principalement en Ukraine occidentale, et des « brigades d'autodéfense » se forment dans ces territoires, en opposition avec les brigades révolutionnaires à Kiev[88].
Le , des manifestations pro-russes massives ont lieu dans les régions russophones du pays, notamment à Kharkiv, Donetsk ou Odessa[89]. Le , 300 manifestants pro-russes ont envahi le bâtiment administratif régional de Donetsk[90] ; la contagion à des villes de l'Est en Ukraine des événements en Crimée laisse présager d'une partition du pays.
Le , des manifestations pro-russes ont eu lieu dans les villes industrielles de l'est de l'Ukraine. À Donetsk, des manifestants ont pénétré dans les sièges du parquet et des services spéciaux, à l'issue d'une manifestation de 2 000 personnes en faveur du rattachement à la Russie. À Kharkiv, ce sont 6 000 manifestants qui ont organisé, et ce malgré l'interdiction de la justice, un meeting-référendum pour plus d'autonomie et pour la « souveraineté » de la langue russe. Des milliers d'entre eux ont ensuite marché vers les bureaux d'organisations nationalistes où ils ont brûlé drapeaux, livres et tracts devant l'entrée. Les partisans de Kiev ont de leur côté décidé d'annuler leur manifestation afin d'éviter des provocations après qu'une personne a été poignardée à mort à Donetsk le et que deux personnes ont été tuées dans la nuit du 14 au à Kharkiv lors d'une fusillade impliquant nationalistes radicaux et militants pro-russes[91],[92].
L'intervention des services russes a lieu dès le mois de mars. Des éléments en provenance du service du renseignement russe, environ un millier d'hommes, sont repérés dans des missions de renseignement et d'assistance militaire aux rebelles. Ces forces infiltrées sont rejointes par des mercenaires et des « volontaires » qui viennent apporter leur assistance pour la mise en œuvre de moyens militaires sophistiqués. Les effectifs russes impliqués, qui sont chargés de structurer les groupes de rebelles, représentent de 3 000 à 10 000 soldats selon les périodes[93].
L'usage de l'ukrainien sera plus tard encore renforcé en 2019 par un décret sur les communications professionnelles[94], bien que le russe restera encore très largement très pratiqué dans le pays en 2022[95].
Le , à la suite de la saisie du bâtiment gouvernemental de Donetsk par des manifestants pro-russes, la République populaire de Donetsk est proclamée et les séparatistes annoncent la tenue d'un référendum sur le statut de la ville le [96]. À Kharkiv un bâtiment de l'administration régionale est occupé par des manifestants pro-russes qui proclament la « République populaire de Kharkov »[97].
Le lendemain, la Russie fait savoir que l'utilisation de la force par les autorités ukrainiennes pour réprimer les protestations dans l'est du pays pourrait mener à une guerre civile[98]. Le même jour la police et l'armée ukrainienne reprennent le contrôle du bâtiment occupé à Kharkiv[99],[100],[101],[102].
Le , le président Oleksandr Tourtchynov déclare que l'opération anti-terroriste contre les séparatistes pro-russes a débuté à Donetsk[103].
Le , à l'occasion d'une réunion d'urgence à Genève, la Russie, l'Ukraine, les États-Unis et l'Union européenne se mettent d'accord sur le fait que les formations militaires illégales en Ukraine doivent être dissoutes et que toute personne occupant les bâtiments administratifs doit déposer les armes et les quitter. L'accord ajoute la possibilité d'une amnistie pour tous les manifestants anti-gouvernementaux. Néanmoins, les séparatistes pro-russes à Donetsk refusent l'accord défiant les autorités de Kiev[104],[105],[106]. En cas de non désescalade du conflit, les États-Unis avaient insisté sur le fait de prendre des « mesures additionnelles », c'est-à-dire des sanctions, contre la Russie[107],[108].
À compter du 2 mai 2014, l'armée ukrainienne intervient dans l'est du pays. Durant les quatre premiers mois du conflit les forces rebelles assistées des spécialistes russes parviennent à abattre ou endommager plus de 30 hélicoptères et avions ukrainiens et à acquérir la maitrise du ciel à l'aide de leur système de défense aérienne, une première dans l'histoire militaire. Les drones sont employés massivement des deux côtés. Néanmoins l'armée ukrainienne reprend du terrain en juin et juillet et commence à isoler les sanctuaires sécessionnistes. Face à cette réaction de l'Ukraine, sans doute beaucoup plus importante que prévue, les forces russes s'engagent désormais directement. Une campagne d'artillerie est lancée par l'armée russe le long de la frontière au mois de juillet 2014 contre les forces ukrainiennes. Le 11 juillet une frappe de lance-roquettes multiples détruit en moins de 3 minutes un bataillon ukrainien, situé à 10 kilomètres de la frontière. Une cinquantaine de frappes équivalentes s'abattent sur les forces ukrainiennes pour préparer la pénétration de six groupements tactiques interarmes (GTIA) russes sur le territoire ukrainien. Celles-ci comportent une forte composante d'artillerie, l'infanterie étant fournie principalement par des miliciens locaux et des mercenaires. Les GTIA russes écrasent les forces ukrainiennes à distance par le feu d'obusiers automoteurs et de lance-roquettes multiples et dans certains cas lancent des compagnies de chars pour exploiter le choc produit. L'offensive se poursuit sur une soixantaine de kilomètres de profondeur dans le but de pousser le gouvernement ukrainien à négocier dans les conditions les plus favorables. Les forces russes tentent de s'emparer du port de Marioupol au sud et de l'aéroport de Louhansk au nord. Il en suit des batailles de chars au cours desquelles les vieux T-64 ukrainiens sont écrasés par les chars russes plus modernes. L'armée ukrainienne coincée dans la poche d'Ilovaïsk et assurant la défense de l'aéroport de Louhansk est écrasée par les tirs des mortiers 254 Tyulpan de 240 mm. L'Ukraine est contrainte à rechercher une solution négociée[93].
Afin de trouver une issue diplomatique au conflit dans l’est de l’Ukraine, les dirigeants ukrainien, russe, allemand et français se réunissent plusieurs fois à partir de juin 2014 — la date de la genèse de ces rencontres, le , donne à ces dernières le nom de « format Normandie » — dans de nombreux pays. Ces discussions mèneront à la signature d’un accord de cessez-le-feu le à l’issue du protocole de Minsk. Courant janvier les combats reprennent avec de nouvelles interventions lourdes des forces russes. Les troupes ukrainiennes perdent de nouveau du terrain, ce qui conduit aux accords de Minsk II signés le dans la ville éponyme, en Biélorussie.
Ces réunions aboutissent à la signature de plusieurs cessez-le-feu qui ne sont pas tous respectés. Le dernier en date a été signé le et fut le plus long depuis le début du conflit en 2014.
Le format Normandie permet de mettre en place un cessez-le-feu entre les régions séparatistes et l'Ukraine le . Cependant, dès , la plus longue interruption de la guerre du Donbass prend fin avec des violations du cessez-le-feu régulières pendant deux mois. Durant cette période, des mouvements de troupes russes aux abords de la frontière ukrainienne sont repérés et augmentent les tensions entre les deux pays — et sur un autre niveau entre la Russie et l'OTAN — et la crainte d'une invasion. Après le retrait de ces troupes fin avril, de nombreux échanges diplomatiques ont lieu entre les capitales occidentales, Kiev et Moscou. À partir de , des images satellites attestent du déploiement massif de troupes russes dans les oblasts situés près de la frontière ukrainienne mais aussi dans la région administrée par la Fédération de Russie, la Crimée, et dans le voblast de Homiel dans le sud de la Biélorussie. C'est à partir de ces positions et après de nombreux mois de tensions que l'armée russe se lance sur le territoire ukrainien le à 3 h UTC+3. Entre temps, le président russe Vladimir Poutine reconnaît l'indépendance des républiques populaires de Lougansk et Donesk le avec l'appui des chambres haute et basse du corps législatif.
En , l'ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger juge ainsi la situation dans les colonnes du Washington Post :
« Les Ukrainiens sont l’élément décisif. Ils vivent dans un pays multilingue, à l’histoire complexe. La partie ouest a été incorporée à l’Union soviétique en 1939 quand Staline et Hitler se sont réparti le butin. La Crimée, dont 60 % de la population est Russe, n’est devenue une province ukrainienne qu’en 1954, quand Nikita Khrouchtchev, ukrainien de naissance, l’a offert lors de la célébration en Russie du 300e anniversaire d’un accord avec les cosaques. L’ouest est majoritairement catholique, l’est est majoritairement russe orthodoxe. L’ouest parle ukrainien, l’est parle essentiellement le russe. Toute tentative d’un côté de l’Ukraine de dominer l’autre – tel qu’en a été le dessein mènerait à terme à une guerre civile ou à une sécession. (…) Vladimir Poutine devrait prendre conscience que, quelles que soient ses doléances, il ne pourra pas imposer militairement sa politique sans déclencher une nouvelle Guerre froide. De leur côté, les États-Unis devraient éviter de traiter la Russie comme un pays aberrant auquel il faut enseigner patiemment des règles de conduite établies par Washington »[109].
Julien Vercueil analyse dans Le Monde diplomatique les racines de la crise ukrainienne en ces termes :
Pour Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques : « L'Ukraine a toujours été partagée entre ces deux pôles d'influence : la Russie et l'Europe. C’est une division classique et assez ancienne que révèlent de manière exacerbée les soulèvements des dernières semaines, mais cela ne doit pas être perçu comme un retour quelconque à la guerre froide. Pas plus que la Chine, la Russie ne cherche pas à exporter un quelconque modèle national, elle n’offre aucun système collectif alternatif aux États-Unis par exemple. Tout ce que veulent ces puissances, c’est prendre la tête de la course mondiale. On n’est plus dans des systèmes idéologiques qui s’affrontent, mais dans une logique de rivalités nationales (…) La Russie, dont on oublie trop le type d’humiliation — à la fois sociale, économique et politique — qu’elle a subi dans les années 1990, avec un PNB réduit de moitié, une influence largement diminuée sur le plan international, etc. veut retrouver son influence. Pour Poutine, qui a souvent dit que la plus grave catastrophe géopolitique du XXIe siècle était la disparition de l’Union soviétique, il ne s’agit pas aujourd’hui de recréer une Union soviétique avec un système d’alliances et de pays communistes à même de contester le modèle capitaliste occidental. Il s’agit de faire en sorte que la Russie soit respectée, quitte à ce qu’elle soit crainte et non aimée. (…) On a encore trop tendance à voir les choses de façon manichéenne : les bons d’un côté, les méchants de l’autre ; nous d’un côté, eux de l’autre… Ce logiciel de lecture très « guerre froide » ne fonctionne pas dans un monde aussi pluriel et divers que le nôtre »[111].
Pour le géopolitologue Alexandre del Valle : « Pour revenir à l’Ukraine, Poutine estime qu’il ne peut en aucun cas laisser un gouvernement radicalement anti-russe gouverner un pays situé dans sa sphère d’influence stratégique (« étranger proche »), sachant qu’une partie importante de la population ukrainienne est russe ou russophone. D’après le président russe, c’est le crédit géopolitique même de la Russie qui est en jeu. (…) Pour Vladimir Poutine, Moscou a donc tout autant le droit de défendre ses bases stratégiques donnant accès aux mers chaudes (Syrie, Crimée, etc.) que les Occidentaux défendent leurs bases partout et jusqu’aux portes d’espace russe. Rappelons par ailleurs que la Crimée, ancienne « Côte d’azur russe », est devenue ukrainienne par la négation (soviétique) des aspirations de ses habitants, puisqu’elle fut « donnée » à l’Ukraine par le dictateur soviétique Khrouchtchev. Ce fut aussi le cas du Haut-Karabagh, région arménienne « donnée » à l’Azerbaïdjan par Staline, origine d’un interminable conflit entre ces deux pays. On pourrait aussi s’étonner du fait que les mêmes occidentaux désireux de « sanctionner » Poutine pour la Crimée passent leur temps à absoudre la Turquie qui occupe illégalement depuis 1974 et colonise l’île de Chypre, pourtant membre de l’Union européenne… Mais il est vrai que la Turquie est un membre important de l’OTAN, ce qui donne des droits différents… On constate ici les sérieuses limites du principe du droit international « d’intangibilité des frontières » »[112].
Enfin, cette crise constitue de facto de la part de la Russie, une violation unilatérale du traité international de sécurité et désarmement nucléaire de l'Ukraine, dit « mémorandum de Budapest ». Par ce traité, signé le , l’Ukraine accepte de se défaire de l'énorme stock d'armes nucléaires dont elle a hérité à la dislocation de l'URSS (1 900, transférées en Russie pour démantèlement) et d'adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En contrepartie, l'Ukraine recevait des garanties de la Russie, des États-Unis et du Royaume-Uni, rejoints plus tard par la Chine et la France, pour sa sécurité, son indépendance et son intégrité territoriale :
Le président Poutine se justifiera de cette violation en dénigrant ce traité, conclu sous la présidence de Boris Eltsine.[réf. nécessaire]
Cette violation constitue un événement majeur et un précédent au plan des politiques internationales de non-prolifération et de désarmement nucléaire, en mettant en doute le caractère effectif des garanties de sécurité que tout État « proliférant » pourrait obtenir en échange d'un renoncement volontaire au nucléaire militaire, et donne a contrario à ces États un argument fort quant au caractère irremplaçable de l'arme nucléaire pour assurer leur souveraineté et leur indépendance.
L'Ukraine avait été désignée hôte du championnat d'Europe de basket-ball 2015 en [114], la sélection masculine livrant des performances remarquées aux Euros 2011 et 2013 ainsi qu'à la coupe du Monde 2014 pour sa première participation[115]. Cependant les divers événements relatés ci-dessus incitèrent la France à se porter candidate en en cas de délocalisation de l'évènement[116], ce qui se produit un mois plus tard[117]. Le , la France, ainsi que la Croatie, l'Allemagne et la Lettonie, sont déclarées par la FIBA Europe co-organisatrices du tournoi[118].
Article Conflit russo-ukrainien en français Wikipedia a pris les places suivantes dans le classement local de popularité:
Le contenu présenté de l'article Wikipédia a été extrait en 2022-03-24 sur la base de https://fr.wikipedia.org/?curid=7963236