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Nom de naissance |
Lucy Renée Mathilde Schwob |
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Nantes, Paris, Saint-Brélade (depuis ) |
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Parsons Mead School (en) Lycée Gabriel-Guist'hau (jusqu'en ) |
Activités |
Artiste, photographe, écrivain, résistant, sculpteur, peintre |
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Claude Cahun, née Lucy Schwob le à Nantes et morte le à Saint-Hélier (Jersey), est une écrivaine et plasticienne-photographe française.
Sa vie est étroitement liée à celle d'une autre artiste d'origine nantaise, Suzanne Malherbe (Marcel Moore), sa compagne.
Liée au mouvement surréaliste, Claude Cahun s'est aussi engagée dans la vie politique de l'entre-deux-guerres et dans la Résistance pendant l'occupation allemande de Jersey.
Lucy Schwob naît le à Nantes[1]. Son père est Maurice Schwob, propriétaire, directeur et rédacteur du journal républicain de Nantes Le Phare de la Loire, acheté en 1876 par son grand-père George Schwob. Malgré l'aisance matérielle de sa famille, sa petite enfance est malheureuse en raison de l'état de santé de sa mère, Marie-Antoinette Courbebaisse, qui sombre dans la démence[2].
L'écrivain Marcel Schwob est son oncle et l'écrivain Léon Cahun son grand-oncle[3],[4].
Schwob est élève au lycée de jeunes filles de Nantes. Durant les années 1905-1906 et 1906-1907, certaines condisciples la persécutent en raison de sa judéité. Ces persécutions sont exacerbées parce que c'est l'époque où se discute la question de la réhabilitation d'Alfred Dreyfus. Dans l'ensemble, l'enfant ne fait pas état de cette situation dans sa famille. En 1907, on l'attache à un arbre avant de commencer une lapider, vite interrompue par les surveillants[5]. Lors de la distribution des prix, l'hostilité de la salle apparaît à Maurice Schwob, qui décide de retirer son enfant du lycée. En 1907-1908, Schwob rejoint une institution anglaise dans le Kent, à la Parson's Mead School à Ashtead[6],[7]. En 1908-1909, Schwob est de nouveau au lycée de Nantes, mais ne suit qu'une partie des cours.
C'est durant cette année scolaire que Schwob tombe en amour pour Suzanne Malherbe. Les deux se connaissent depuis une dizaine d'années, puisque les Malherbe sont des amis des Schwob. Leur relation est clandestine jusqu'en 1917. Cette année-là, les deux deviennent « sœurs par alliance » lorsque Maurice Schwob, divorcé de Marie-Antoinette, se remarie avec la mère de Suzanne, Marie Rondet, veuve depuis 1915. Dès lors, Malherbe et Schwob vivent ensemble dans un appartement dans l'immeuble du Phare de la Loire, place du Commerce. Malherbe est alors inscrite à l'École des beaux-arts de Nantes (de 1915 à 1918).
En 1914, le Mercure de France publie ses premiers textes sous le pseudonyme de Claude Courlis puis de Claude Cahun (vers 1917), reprenant le nom de sa grand-mère paternelle, Mathilde Cahun[8]. Ce nouveau nom participe de sa volonté de brouiller son identité de genre (Claude remplaçant Lucy comme Marcel remplace Suzanne, pour Suzanne Malherbe) tout en affirmant ses origines juives (Cahun remplaçant Schwob). Elle publie aussi des textes dans Le Phare de la Loire, ainsi que Malherbe qui y tient une rubrique « Mode ».
En 1918, Claude Cahun part à Paris pour des études de Lettres et Suzanne Malherbe la rejoint un peu plus tard. Suzanne Malherbe, peintre, graveuse et collagiste, a donc choisi le nom d'artiste de Marcel Moore. Elle sera la compagne de Claude Cahun, jusqu'à la mort de cette dernière[4].
Elle s'installe définitivement à Paris à partir de 1922[2] avec Marcel ; elles vivent au 70, bis rue Notre-Dame-des-Champs dans le quartier de Montparnasse[2].
En 1924, elle dessine les costumes du film La Dame masquée de Victor Tourjansky.
En 1925, elle publie dans la revue Mercure de France Les Héroïnes, textes sur Ève, Dalila, Judith, Sapho[9]…
En 1928, elle rejoint le groupe théâtral Le Plateau, animé par Pierre Albert-Birot et y effectue des mises en scène baroques[4]. Elle y rencontre Henri Michaux, Pierre Morhange et Robert Desnos[9]. En 1929, elle joue dans la pièce de théâtre Barbe-Bleue de Pierre Albert-Birot. Elle entreprend la traduction d'une étude de psychologie sociale du « médecin-philosophe-poète » Havelock Ellis (Mercure de France). Elle collabore à la revue Bifur qui publie une de ses photographies et se lie d'amitié avec l'écrivain Georges Ribemont-Dessaignes.
En 1930, elle publie Aveux non avenus (Éditions du Carrefour), texte autobiographique illustré de photomontages[10].
« Je sens comme si je les voyais, mes cuisses maigrir d'une sueur de fièvre, douche parfois brulante, parfois glacée, toujours inattendue. Mes genoux vidés, les os dissous, vêtu d'un parchemin lucide, se gonflent, flottantes vessies de porc. Mon cœur alenti sonne un glas funèbre, puis bat bruyamment comme un tocsin. Il devient mobile, se promène dans mon ventre, y éclate en coliques profondes. À chaque secousse, une conscience tombe, pulvérisée. Peu à peu, je m'allège. Bref répit ! Mon cœur se gonfle outrageusement et s'emplit d'hydrogène. Gros ballon rouge et bleu, il monte au bout d'un fil.
À l'autre bout, c'est une guêpe enfermée, qui frappe à coups venimeux aux parois de ma poitrine. Si je l'aidais à sortir ? Et mes ongles sans hésiter pratiqueraient un jour qui guide l'échappée de ce cœur s'il ne faisait dehors désespérément noir.
Ô nocturne sans issue qui se joue dans les cercles de la nuit musicale, infernal serpent qui s'est décapité en avalant sa queue, bracelet aux sept chaînes hermétiques... »[11]
En 1932, Marcel et elle adhèrent à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR)[12]. Claude Cahun rencontre André Breton et René Crevel et fréquente le groupe surréaliste[13]. Elle est aussi liée au « groupe Brunet » fondé par Jean Legrand.
En 1934, elle fait paraître un tract Les paris sont ouverts aux éditions José Corti dans lequel elle dénonce la position de Louis Aragon, qui vient de quitter le mouvement surréaliste pour se fondre dans la doctrine du Parti communiste français[2],[4]. En 1935, aux côtés d'André Breton et de Georges Bataille, elle participe au groupe (éphémère) Contre Attaque[4].
En 1936, elle expose à la première Exposition surréaliste d'objets[14] (Galerie Charles Ratton à Paris, du 22 au 29 mai) et, à Londres, à l'International Surrealist Exhibition (New Burlington Galleries). En , elle illustre de vingt photographies le poème de Lise Deharme Le Cœur de pic (José Corti)[4].
En , Claude Cahun et Marcel Moore achètent une ferme à Jersey, La Rocquaise, et s'y installent en .
Entre 1940 et 1945, Jersey est occupée par les Allemands. Elles participent à la Résistance en rédigeant et en diffusant des tracts en allemand à destination des soldats de la Wehrmacht, signés Le soldat sans nom [13]. Elles profitent en particulier des cérémonies de funérailles militaires, le cimetière utilisé par les Allemands étant situé près de leur maison. Elles ne sont identifiées comme auteures de ces tracts que tardivement, après un premier interrogatoire en mars 1943. Elles sont arrêtées le et condamnées à mort le . Leur peine est commuée en février 1945, à une époque où la France est presque totalement libérée, tandis que les îles anglo-normandes restent occupées, Jersey jusqu'au . Elles ne sont libérées qu'à ce moment et retrouvent leur demeure pillée.
Pendant toute la guerre, Claude Cahun a tenu un carnet de note, le scrap-book.
Affectée par les années de guerre, la santé de Claude Cahun se dégrade. Au cours de l'année 1953, elle tente de renouer des liens avec ses amis surréalistes (André Breton, Meret Oppenheim, Benjamin Péret, Toyen), pense à s'installer à Paris, y cherche un logement, mais rentre finalement à Jersey pour y mourir quelques mois plus tard, le à Saint-Hélier.
Très intimiste, poétique et largement autobiographique, son œuvre, en particulier photographique, est très personnelle et échappe aux tentatives de classification ou de rapprochement.
Son appartenance au mouvement surréaliste est dépassée par une inspiration très baudelairienne et la quête d'un mythe personnel. Elle ne cherche ni à provoquer, ni à « faire spectaculaire ». C'est elle-même qu'elle cherche, dans un jeu de miroirs et de métamorphoses permanent, entre fascination et répulsion dans une œuvre en grande partie composée d'autoportraits. De son goût pour le théâtre, elle tire une véritable passion de la mise en scène, d'elle-même comme des objets. Ainsi, elle use de déguisements, de maquillage, se rase la tête et les sourcils, etc. Elle préfigure par ses installations des photographes contemporains comme Alain Flescher ou des plasticiens comme Christian Boltanski. Son œuvre est souvent rapprochée du travail de Cindy Sherman (mise en scène de soi, déguisement...)[15].
Son autobiographie par l'image fait une large place à l'identité de genre : elle était de genre neutre[16]. « Toute création est création de soi », dit-elle, rebelle à toute identification et considérant que « les étiquettes sont méprisables ». L’artiste joue avec son apparence grâce à son comportement, ses postures, ses habits, ses accessoires et ses cheveux. A travers ses œuvres, elle n’évoque ni le genre féminin ni le genre masculin dictés par les codes vestimentaires du début du XXe siècle. Par ailleurs, son nom d’artiste « Claude » est à la fois un prénom masculin et féminin[17],[18].
Lorsqu'il ne s'agit pas d'elle-même, elle tourne l'objectif vers ses partenaires féminins et masculins pour de tendres portraits : Suzanne Malherbe, Sylvia Beach, Henri Michaux, Robert Desnos[4].
Claude Cahun construit une œuvre discrète et sensible, peu connue de son temps. Ses poèmes visuels (Le Cœur de Pic, Aveux non avenus) constituent un travail très original, unique en son genre, dont la diffusion fut très restreinte.
Il faut attendre les travaux de Man Ray, qu'elle connaissait, et surtout de Bellmer pour que ce type d'ouvrage rencontre le public. Elle n'est véritablement reconnue qu'à partir de 1992.
C'est en partie volontairement que Claude Cahun s'est tenue à l'écart tout en participant activement à des actions pour l'émancipation des mœurs, pour le progrès social ou la lutte anti-nazie. Son parcours artistique était surtout son précieux jardin secret qu'elle revendiquait comme son « aventure invisible ». Toutefois, une partie non négligeable de son œuvre a été perdue, notamment à la suite de son arrestation sur l'île de Jersey par la Gestapo en 1944[4].
Étant elle-même lesbienne, Claude Cahun s’est battue pour les droits des hommes homosexuels et des femmes lesbiennes. En effet, elle participe à la rédaction des revues Inversions, créée en novembre 1924, et Amitié, publiée en 1925.
Avant de travailler pour Inversions, Claude Cahun avait publié des textes dans les revues La Gerbe et Le Phare de la Loire. Ainsi, son expérience dans le monde de la presse va beaucoup aider les créateurs de la revue. Sa compagne, Marcel Moore, participe également à la création d’Inversions. Marcel Moore avait aussi travaillé dans le milieu journalistique. C’est elle qui s’occupait de la rubrique mode dans le journal Le Phare de la Loire.
Dans les deux revues, Claude Cahun écrit sous le pseudonyme Clarens. Elle a, en tout, écrit trois textes : un dans le quatrième numéro d’Inversions et deux autres dans l’unique numéro d’Amitié. Elle a eu beaucoup d’influence pour les deux revues. Son texte intitulé « Amitié », publié dans Inversion, est repris pour donner le titre de la revue Amitié. Dans cette dernière, elle publie des lettres de soutien, écrites pour soutenir les créateurs d’Inversions qui sont en procès[19].
Extrait[20].
Certaines de ses œuvres sont visibles :
La bibliothèque municipale de Nantes a acquis récemment[Quand ?] des photos inédites de Claude Cahun concernant l'île de Jersey.
Depuis 1992, de grands musées du monde entier (musée national d'art moderne de Paris, Institute of Contemporary Arts, Tate Modern de Londres, Grey Art Gallery de New York) ont consacré des rétrospectives à son œuvre[4]. Son œuvre photographique a été présenté au musée du Jeu de Paume de Paris, du 24 mai au 25 septembre 2011[27],[28].
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