Il a notamment vulgarisé le concept de « résilience » (renaître de sa souffrance) qu'il a tiré des écrits de John Bowlby[1]. À la suite de ce dernier, Boris Cyrulnik voit d'abord l'éthologie comme « un carrefour de disciplines »[2].
Boris Cyrulnik naît à Bordeaux en 1937[4], au sein d’une famille juiveashkénaze arrivée en France dans les années 1930[5]. Son père, Aaron Cyrulnik, ébéniste ukrainien né à Luck[6], s'engage dans la Légion étrangère[7]. Sa mère, polonaise, Estera Cyrulnik (née Smulewicz), est née à Lublin[8]. Durant l'Occupation, ses parents le confient en 1942 à une pension pour lui éviter la déportation[9]. Il est ensuite recueilli à l'Assistance publique, puis par une institutrice bordelaise, Marguerite Farges, qui le cache chez elle rue Adrien-Baysselance[7]. Lors de la rafle du , il est détenu à la grande synagogue de Bordeaux[7]. Il s'y cache dans les toilettes et est sauvé alors par une infirmière[10],[11]. Il est ensuite pris en charge et caché par un réseau, puis placé dans une ferme, sous le nom de Jean Laborde, jusqu'à la Libération[7].
Ses parents, eux, meurent en déportation, et il est recueilli à Paris par sa tante maternelle, Dora, qui l'élève. Il explique que c'est cette expérience personnelle traumatisante qui l'a poussé à devenir psychiatre[6].
Formation et carrière
Boris Cyrulnik fait ses études secondaires au lycée Jacques-Decour à Paris, puis supérieures à la faculté de médecine de Paris. Le service de neurochirurgie parisien dans lequel il fait fonction d'interne pendant un an (1967-1968) refuse de prolonger son contrat, et le service de psychiatrie de l'hôpital de Digne dans lequel il commence alors son internat refuse également de prolonger son contrat au bout d'un an (1968-1969), malgré l'appel de cette décision qu'il fait alors auprès du conseil de l'ordre[12]. Afin de valider son certificat d'études spéciales en neuropsychiatrie, il semble trouver un point de chute dans le service de psychiatrie du Pr Sutter[12] à Marseille (une autre version de sa biographie mentionne quant à elle un internat en psychiatrie à Digne-les-Bains de 1968 à 1971)[réf. nécessaire]. Dans les entretiens réalisés pour l'émission À voix nue de France-Culture, il dit avoir passé plusieurs années à exercer à l’hôpital de Digne-les-Bains.
Il devient ensuite médecin chef de La Salvate, un établissement privé de postcure psychiatrique[13]. Il quitte ce poste en 1979 et s'installe comme psychanalyste à mi-temps[4], tout en donnant des consultations au centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne-sur-Mer (jusqu'en 1991) ; il y crée un groupe de recherches en éthologie clinique qu'il anime jusqu'à la fin des années 1990 au moins[14]. Il publie en 1984 Éthologie clinique : 14 textes originaux (éditions de la Société de psychologie médicale de langue française)[15]. Chargé de cours d'éthologie humaine à la faculté de médecine de Marseille de 1974 à 1987, il est depuis 1995/1996[réf. souhaitée] directeur d'enseignement d'un diplôme universitaire en éthologie humaine de l'université de Toulon[16].
Il préside à partir de 2012 le conseil scientifique de l'université privée Fernando Pessoa, devenue le Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI) puis Europe Eduss, avec un autre universitaire et ancien président de l'université de Toulon, Bruno Ravaz[19],[20]. Elle sera condamnée à fermer ses portes le 18 septembre 2014[21].
Après avoir présidé, en 2018, les Assises de l’école maternelle, Boris Cyrulnik s'est vu confier par le président Emmanuel Macron en septembre 2019 la présidence du « Comité des 1 000 premiers jours de l'enfant », une période fondatrice dans le développement des tout-petits. La commission d’experts bénévoles a rendu ses travaux en septembre 2020[22]. Le gouvernement a en parallèle engagé le cabinet privé Roland Berger pour une mission identique mais facturée 425 000 €[23].
Boris Cyrulnik s'est positionné à plusieurs reprises contre la gestation pour autrui, notamment au titre des effets délétères sur la vie entière qu'aurait la séparation précoce d'avec la mère biologique[27], et parce qu'un bébé né d'une mère ne l'ayant pas investi affectivement pendant sa grossesse aurait selon lui un retard de développement à la naissance.
Interrogé fin 2011 sur la querelle autour de la « théorie du genre », Boris Cyrulnik répond : « Je pense que le « genre » est une idéologie. Cette haine de la différence est celle des pervers, qui ne la supportent pas. Freud disait que le pervers est celui qu'indisposait l'absence de pénis chez sa mère. On y est. »[28].
Sur l'homoparentalité, Boris Cyrulnik est plutôt pour : « Selon mon expérience, les enfants élevés par des couples homosexuels grandissent comme les autres[29]. »
Conteur à la « voix douce, enveloppante et délicieusement régressive[31] » et vulgarisateur (en 2010, il a vendu plus de 1,5 million d'exemplaires de ses différents ouvrages)[32], Boris Cyrulnik a en effet réussi à médiatiser des thèses biologisantes[33] : « gène du surhomme » qui « facilite le transport de la sérotonine, un neuromédiateur qui lutte contre les émotions dépressives » et joue un rôle déterminant dans la résilience[34] ; différences naturelles de tempéraments et de comportements entre individus (et plus particulièrement entre hommes et femmes), déterminées par les prédispositions génétiques, les hormones sexuelles, le système immunitaire[35],[36].
Critiques
Le journaliste scientifique Nicolas Chevassus-au-Louis explique dans une enquête que Boris Cyrulnik raconte « peu ou prou la même chose » dans ses 18 livres (2,5 millions d’exemplaires vendus) avec de nombreuses banalités, des contradictions et des références, notamment scientifiques, défaillantes (non référencées, invérifiables). Son statut de scientifique y est aussi questionné puisque : il n’exerce plus comme médecin depuis 1999, il n’est pas éthologue (ce qu’il confirme au journaliste) et il n’est guère cité dans les publications académiques. Concernant la notion empruntée de résilience, le journaliste ajoute qu’il se contente « dans ses livres d’enchaîner les anecdotes sans esquisser la moindre théorisation sérieuse » alors même que des discussions ont cours dans le milieu scientifique[37].
La chercheuse indépendante Odile Fillod a consacré deux billets critiques aux thèses et au parcours de Boris Cyrulnik[38],[39].
Publications (sélection)
Ouvrages
Mémoire de singe et paroles d'homme, Paris, Hachette, 1983.
Sous le signe du lien, Paris, Hachette, 1989 ; rééd., Paris, Fayard/Pluriel, 2010.
La Naissance du sens, Paris, Hachette, 1991 ; réédition 1998 (ISBN978-2012788916)
Les Nourritures affectives, Paris, Odile Jacob, 1993.
De la parole comme d'une molécule, avec Émile Noël, Paris, Seuil, 1995.
L'Ensorcellement du monde, Paris, Odile Jacob, 1997.
La Naissance du sens, Paris, Hachette Littérature, 1998.
La Tentation du Bien est beaucoup plus dangereuse que celle du Mal, avec Tzvetan Todorov, dialogue animé par Nicolas Truong, éditions de l'Aube, 2017
Psychothérapie de Dieu, Paris, Odile Jacob, 2017, coll. "OJ-Psychologie", (ISBN978-2-7381-3887-3)
La nuit, j'écrirai des soleils, Paris, Odile Jacob, coll. «OJ-Psychologie», 2019. (ISBN978-2-7381-4828-5)
Des âmes et des saisons : psycho-écologie, Paris, Odile Jacob, coll. «OJ-Psychologie», 2021. (ISBN978-2-7381-5411-8)
Chérif Mécheri, préfet courage sous le gouvernement de Vichy (avec José Lenzini), Paris, Odile Jacob, coll. «OJ-Psychologie», 2021. (ISBN978-2-7381-5708-9)
Resilience: How your inner strength can set you free from the past Tarcher, 320 pages (ISBN1101486384) 2011
En allemand
Warum die Liebe Wunden heilt Beltz GmbH (2006), 232 pages (ISBN978-3-407857767)
(Pourquoi l'amour guérit les plaies)
Mit Leib und Seele Hoffmann und Campe (2007), 272 pages (ISBN978-3-455500387)
(Corps et âme)
Scham. Im Bann des Schweigens. Wenn Scham die Seele vergiftet, traduit par Maria Buchwald et Andrea Alvermann. p (2011), 248 pages
(Mourir de dire : La honte)
Rette dich, das Leben ruft!, Ullstein Buch Verlage GmbH, Berlin 281 p. (2013) Sauve toi, la vie t'appelle, traduit par Hainer Kober
Préfaces
Françoise Maffre-Castellani : Femmes déportées, Histoires de résilience (ISBN978-2721005199)
Patrick Lemoine : Séduire, comment l'amour vient aux humains, Rouge, 2002
Jean-Bernard Bonange et Bertil Sylvander : Les clownanalystes du Bataclown : Miroirs révélateurs de la vie sociale, collection Précursions (dirigée par Jean-Pierre Klein), 2017
Ouvrages collectifs
La Plus Belle Histoire des animaux, collectif, éd. Seuil, 2006.
Si les lions pouvaient parler. Essais sur la condition animale, sous la direction de Boris Cyrulnik, éd. Gallimard, coll. « Quarto », Paris, 1998, 1 540 p. 80 documents.
Boris Cyrulnik, « Instinct/Attachement », dans Dictionnaire de la sexualité humaine, 200 notices par 122 coauteurs, sous la direction de Philippe Brenot, éd. L'Esprit du temps, collection « Les Dictionnaires », Paris, 2004, 736 pages, et Les Objets de la psychiatrie, dictionnaire de concepts, 230 notices par 150 auteurs, sous la direction de Yves Pélicier, éd. L'Esprit du temps, collection Les Dictionnaires, Paris, 1997, 650 pages.
Boris Cyrulnik et Claude Seron (dir.), La Résilience ou Comment renaître de sa souffrance, éd. Fabert, collection « Penser le monde de l'enfant », Paris, 2004 (ISBN2-907164-80-5)
Nicolas Martin, Antoine Spire, François Vincent et Boris Cyrulnik, La Résilience. Entretien avec Boris Cyrulnik, Le Bord de l'eau éditions, coll. « Nouveaux Classiques », Lormont, France, 2009, 111 pages (ISBN978-2356870261).
avec Jean-Pierre Pourtois : École et résilience, Odile Jacob (ISBN978-2738120120)
Nous étions des enfants, Entretien d'introduction au coffret de 10 DVD réalisés par Jean-Gabriel Carasso et produits par L'oizeau rare avec le Comité École de la rue Tlemcen. Cet ouvrage présente 18 témoignages d'enfants déportés ou cachés parce que Juifs, durant la Seconde guerre mondiale
La Folle Histoire des idées folles en psychiatrie, sous la direction de Boris Cyrulnik et Patrick Lemoine, Odile Jacob, 2017 (ISBN978-2021107708)
L'impossible paix en Méditerranée, avec Boualem Sansal, éd. L'Aube, 2017
Histoire de la folie avant la psychiatrie, sous la direction de Boris Cyrulnik et Patrick Lemoine, Odile Jacob, 2018
Faut-il imiter pour exister? Tous des copieurs (et tant mieux!), Philippe Duval, 2019 (ISBN978-2490737000)
Boris Cyrulnik et la petite enfance - 2° édition, Philippe Duval, 2019 (ISBN978-2490737093)
Entretiens
Édith Goldbeter-Merinfeld, « De la neurobiologie à la psychothérapie. Interview de Boris Cyrulnik », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, vol. 2, no 43, , p. 17-33 (lire en ligne)
↑Au début de la vie psychique (Odile Jacob, 1999), p. 172 : « Boris Cyrulnik : neuropsychiatre, anime un groupe de recherche en éthologie clinique à l’hôpital de Toulon-La-Seyne ».
↑« « 1 000 premiers jours » de l’enfant : la commission Cyrulnik, bénévole, ignorait que le gouvernement avait payé des consultants privés sur une mission parallèle », Le Monde.fr, (lire en ligne)
↑Sébastien Lemerle, « Les habits neufs du biologisme en France », Actes de la recherche en sciences sociale, nos 176-177, , p. 68-81
↑Boris Cyrulnik, De chair et d’âme, Odile Jacob, , p. 13
↑Boris Cyrulnik, Pierre Bustany, Jean-Michel Oughourlian, Christophe André, Thierry Janssen, Patrice Van Eersel, Votre cerveau n'a pas fini de vous étonner : Entretiens avec Patrice Van Eersel, Albin Michel, , 242 p.
↑Sébastien Lemerle, Le singe, le gène et le neurone. Du retour du biologisme en France, PUF, , 280 p.
↑Nicolas Chevassus-au-Louis, « Le grand bazar de Boris Cyrulnik », Revue du crieur, no 6, , p. 22-37 (lire en ligne)
↑Marie-Pierre Genecand, « Boris Cyrulnik: «On a tous le choix entre comprendre ou condamner» », Le Temps, (ISSN1423-3967, lire en ligne, consulté le )
↑Robert Habel, « Un plaidoyer pour la pensée libre », Le journal de l'immobilier, , p. 34 (lire en ligne)
Corinne Benestroff, « Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle », Témoigner, Entre histoire et mémoire (Revue internationale de la Fondation Auschwitz), no 116, , p. 113-116 (DOIhttps://doi.org/10.4000/temoigner.392, lire en ligne)
Catherine Vincent, « Boris Cyrulnik, bâtisseur d'espoir », Le Monde, 18 septembre 2008.
Boris Cyrulnik. À l'assaut du malheur, documentaire de 52 minutes réalisé par Youki Vattier, dans la collection « Empreintes », France Télévisions Distribution, 2009.
« Le travail peut être beau et rendre heureux », entretien avec Boris Cyrulnik, Acteurs de l'économie, 19 novembre 2010.