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Adama Traoré (d) |
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Assa Traoré, née en à Paris, est une militante antiraciste française. Sœur aînée d'Adama Traoré, mort après son interpellation par des gendarmes, elle est fondatrice du Comité vérité et justice pour Adama et milite contre les violences policières.
Assa Traoré naît en [1] dans le 9e arrondissement de Paris[2]. Elle est issue d'une famille polygame, dont elle considérait les autres femmes de son père comme également ses mères[2], comptant dix-sept frères et sœurs[3],[2]. Son père Mara-Siré, né au Mali, s'unit d'abord à la Picarde Élisabeth, puis à la Normande Françoise, desquelles naissent sept enfants, puis se marie au Mali avec Hatoumma, mère d'Assa, puis avec Oumou, mère d'Adama ; les deux épouses vivent ensemble à Beaumont-sur-Oise[4]. Les Traoré grandissent dans le quartier de Boyenval. Leur père est chef d'équipe sur des chantiers d’étanchéité. Elle a 14 ans quand il décède en 1999, à l'âge de 46 ans, des suites de son exposition aux fibres d’amiante[5],[6].
Mère de trois enfants, Assa Traoré exerce jusqu'en 2016 la profession d'éducatrice spécialisée. Elle affirme avoir choisi ce métier en classe de CM2, alors que son institutrice avait demandé à des éducatrices de la protection judiciaire de la jeunesse de venir présenter leur métier ; elle a obtenu son diplôme en 2007[5]. Elle est également la créatrice d'une petite ligne de vêtements wax[7] qu'elle relance en 2019 sous la marque Maison Kaye[8].
Elle travaille à Sarcelles[9],[10] pour la Fondation OPEJ - Baron Edmond de Rothschild (anciennement Œuvre de protection des enfants juifs) lorsque son frère trouve la mort ; elle est alors mise en arrêt maladie jusqu'en août 2017[11] et reste salariée de l'OPEJ, sans solde, jusqu'en [11].
En juillet 2016, alors qu'elle encadrait avec une collègue un groupe de sept adolescents défavorisés en voyage à Rabac (Croatie)[11], elle apprend au téléphone la disparition puis la mort de son frère Adama, délinquant au casier judiciaire chargé, à la suite de son interpellation par la gendarmerie. Elle revient alors précipitamment en France et coordonne le combat de sa famille afin de connaître les circonstances de son décès[9]. Elle fonde et anime, depuis lors, le « Comité vérité et justice pour Adama »[12]. Très investie dans cette mobilisation, elle dit souvent : « Nous sommes devenus des soldats malgré nous »[4],[13]. En décembre 2016, elle est choisie comme « la personnalité citoyenne » par la rédaction de Mediapart pour prononcer les vœux de nouvelle année[10]. Assa Traoré explique son engagement contre les violences policières dans Lettre à Adama, ouvrage co-écrit avec la journaliste au Nouvel Observateur Elsa Vigoureux, en 2017[14],[15].
Assa Traoré est la porte-parole de la famille Traoré[16],[17] et la figure du « comité Adama Traoré » qui comprend des militants chevronnés[4]. Dès la mort d'Adama, elle reçoit le soutien d'Amal Bentounsi, fondatrice du collectif « Urgence, notre police assassine »[4], dont le frère est décédé lors d'un interpellation policière, après que ce dernier a pris la fuite à la vue des gendarmes[18], et dont un proche conçoit le graphisme du tee-shirt emblématique du comité depuis le premier rassemblement du 30 juillet 2016[4].
En , elle échange avec Angela Davis, militante historique du mouvement américain des droits civiques[19],[20],[21],[22]. Elle publie en 2019 Le Combat Adama, co-écrit avec le philosophe et sociologue Geoffroy de Lagasnerie[23]. En avril 2019, elle est rédactrice en chef invitée de l'hebdomadaire culturel Les Inrocks[24].
En , quelques jours avant la marche organisée à l'occasion du troisième anniversaire de la mort de son frère, elle publie sur le compte Facebook « La vérité pour Adama » un texte qu'elle nomme J'accuse ! dans lequel elle cite nominativement les gendarmes mis en cause — Romain Fontaine, Matthias Uhrin et Arnaud Gonzales[25] — et les personnes qui, selon elle, chercheraient à entraver l'enquête[26]. Elle est entendue le , après une plainte des gendarmes pour diffamation publique[27]. Le juge des référés déboute de leur action deux des trois gendarmes qui la poursuivent[28], et les condamne aux dépens à 2 000 € par une ordonnance du . Leurs avocats annoncent leur intention d'entamer un recours[25],[29]. En , elle est reconnue en appel coupable d'atteinte à la présomption d'innocence des trois gendarmes en affirmant notamment que son frère a été « laissé pour mort » et « tué » par ceux-ci ; elle est condamnée à retirer deux des cinq messages concernés, à la publication sur le compte Facebook d'une mention de la décision de justice durant 15 jours et aux dépens à 4 000 €, mais pas à des dommages-intérêts[30],[31]. Pour ne pas avoir retiré ces propos, elle est de nouveau convoquée au tribunal en mai 2021[32],[33].
Elle est convoquée en pour dégradation de biens publics lors d'un événement qu'elle avait organisé à Beaumont-sur-Oise, le [34].
En , elle lance le hashtag « #MoiAussiJaiPeurDevantLaPolice » pour soutenir la chanteuse Camélia Jordana dont les propos sur les violences policières, tenus lors de l'émission On n'est pas couché du , font polémique[35].
Quelques jours après la mort de George Floyd aux États-Unis et la publication d'une nouvelle expertise médicale écartant la responsabilité des gendarmes dans l'affaire Adama[36], Assa Traoré et le Comité vérité et justice pour Adama organisent une manifestation, le , devant le tribunal de Paris. Elle rassemble 20 000 personnes selon la police, 80 000 personnes selon les organisateurs[37],[38],[39]. Le , une nouvelle manifestation contre le racisme et les violences policières est organisée à la suite de l'appel à manifestation partout en France fait par le Comité vérité et justice pour Adama. La manifestation, devenue rassemblement statique après l'interdiction émise par la préfecture de police de se déplacer jusqu'à la place de l'Opéra depuis la place de la République, rassemble selon la préfecture 15 000 personnes à Paris[40]. À Lyon, un rassemblement regroupe 2 000 personnes, à Nantes un millier, tandis que d'autres manifestations sont organisées à Lille, Bordeaux, Saint-Nazaire[40],[41].
Le , la chaîne de télévision américaine Black Entertainment Television (BET) décerne à Assa Traoré le prix BET Global Good pour son combat antiraciste. Selon la chaîne, ce prix lui est remis pour le rôle central qu'elle joue dans le combat contre « l’injustice raciale et la brutalité policière » depuis 2016[42],[43]. En , elle est distinguée « Guardian of the year » par le magazine américain Time. Celui-ci voit Assa Traoré comme une des personnalités qui « se mettent en danger pour défendre les valeurs sacrées de la démocratie » et qui s'engagent contre le racisme et les violences policières[44].
Assa Traoré est la figure de proue du « comité Adama » qui comprend des militants chevronnés comme Youcef Brakni, militant de Bagnolet, Samir Elyes issu du MIB et Almamy Kanouté du groupe Émergence[4]. Au-delà du cas d'Adama Traoré, le « comité Adama » souhaite rendre visible sa lutte pour les quartiers et contre les violences policières. Il s'impose ainsi en tête de cortège lors de la manifestation unitaire « Marée populaire » contre la politique d'Emmanuel Macron lancée à l'initiative de La France insoumise, le , affirmant : « Il est temps d’en finir avec les appels creux à la convergence des luttes ». Nous refusons les injonctions qui sont faites aux mouvements des quartiers populaires de n’aborder que la « question sociale », avec au passage un refus de considérer le racisme qui structure la société comme participant de cette « question sociale ». […] On assiste à une véritable gestion coloniale des quartiers qui font face aux violences policières[45],[46] ». À partir de l'acte III des Gilets jaunes[47], le comité Adama apporte son soutien au mouvement et participe aux manifestations[48] : « On s’est reconnus en eux »[49]. Souhaitant une convergence des combats entre ceux menés par le comité Adama et les Gilets jaunes, plusieurs comités et des figures du mouvement comme Maxime Nicolle, Priscillia Ludosky et Jérôme Rodrigues participent à une manifestation en juillet 2019 à Beaumont-sur-Oise[50].
Rejetant la notion de « convergence », bien qu'elle apparaisse en soutien à des causes comme des femmes de ménage en grève, des luttes de cheminots, de sans-papiers ou d'étudiants, ou lors d'action du mouvement écologiste radical Extinction Rebellion, Assa Traoré explique : « Je ne parlerais pas de convergence, plutôt d'alliances dans la lutte des opprimés, mais chacun garde la nature de son combat »[4].
Quand des expertises requises par la Justice avancent diverses maladies pour expliquer les causes de la mort d'Adama Traoré, le comité Adama commande à ses frais un rapport à des experts de ces maladies, qui contredisent les explications avancées[51], ce qui permet d'éviter la clôture du dossier et de demander de nouvelles investigations judiciaires[52]. Assa Traoré déclare ainsi, en 2020 : « Dans l'affaire Adama, nous en sommes à la cinquième expertise, et nous avons déjà réussi à écarter trois maladies. Si on ne s'était pas battus, mon frère serait officiellement mort de causes cardiaques et d'une infection grave »[53].
Le comité Adama réussit à susciter l'implication durable d'intellectuels comme les écrivains Annie Ernaux et Édouard Louis, ainsi que le philosophe et sociologue Geoffroy de Lagasnerie, ce que n'avait pas réussi à faire le mouvement en soutien à des jeunes de Villiers-le-Bel poursuivis pour des soupçons de tirs sur la police après la mort en mini-moto dans un choc avec une voiture de police de Mushin et de Laramy, le , malgré la participation, en juin 2010, de Benjamin Rosoux — l’épicier de Tarnac proche de Julien Coupat — lors d’une manifestation à Pontoise[54]. Quelques jours après l’attaque de la mosquée de Bayonne, Assa Traoré et le comité Adama figurent, le , parmi les premiers appelants à une manifestation contre l'islamophobie à Paris le [55],[56].
La militante noire américaine Angela Davis salue le combat d'Assa Traoré, car « la lutte dans laquelle elle est engagée dénonce de façon claire la violence policière et le racisme systémique comme éléments à part entière de la société française, comme la violence policière et sa généalogie avec l’esclavagisme aux États-Unis d’Amérique » et estime qu'il « était temps que les femmes prennent la tête des mouvements de lutte, parce qu’elles en ont toujours été la colonne vertébrale »[19]. Assa Troré récuse toute proximité avec Houria Bouteldja, qu'elle ajoute n'avoir jamais rencontrée : « Je vais êtes très claire : nous n'avons pas la même vision que le Parti des indigènes de la République, et nous ne voulons pas être associés à eux. Le comité Adama est ouvert à tout le monde. »[53]. Refusant ainsi d'écarter, par exemple, les Blancs de son combat, elle déclare devant le tribunal judiciaire de Paris, à l'appel du comité Adama le : « Peu importe d’où tu viens, peu importe ta couleur de peau, peu importe ta religion, peu importe ton orientation sexuelle, tu ne dois pas rester spectateur face à l’injustice, face au meurtre, face à l’impunité policière[57] ».
En particulier après le mouvement consécutif à la mort de George Floyd, en 2020, dans le Minnesota, le comité Adama est rapproché du mouvement américain Black Lives Matter et de concepts forgés aux États-Unis comme le racisme institutionnel ou l'intersectionnalité comme outil d'analyses des discriminations[57],[58]. Toutefois, le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, soutien du comité Adama, relativise l'influence américaine. Il admet qu'« en termes de réflexion théorique, il y a une telle déconnexion dans le champ intellectuel et universitaire français avec ces problématiques qu'on est obligé de se référer à des théoriciens américains comme Paul Butler, Michelle Alexander ou Alice Goffman », mais il ajoute qu'« il y a cette tendance, lorsque l'on parle de la police ou du racisme, à toujours évoquer la situation américaine, ce qui me semble problématique. Le Comité Adama est souvent comparé à Black Lives Matter. Mais pour moi, c'est une manière de dénier qu'il s'agit d'une histoire française, encore plus cachée ici qu'aux États-Unis »[53]. Le sociologue Michel Wieviorka minore, lui aussi, l'influence des théories identitaires : « La mouvance postcoloniale ou intersectionnelle appuie l’actuelle mobilisation mais elle n’en est pas elle-même le carburant. Ce mouvement est surtout une demande de justice[58]. »
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