L'affaire du Mediator est une affaire sanitaire et judiciaire concernant les personnes victimes de la prise de benfluorex, commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier. Le Mediator est accusé d’avoir causé la mort de 1 500 à 2 100 personnes, sans compter celles qui souffrent des conséquences des effets secondaires.
L'affaire éclate en , lorsqu'est publié chez l'éditeur Dialogues le livre Mediator 150 mg : combien de morts ? de la pneumologue Irène Frachon (centre hospitalier universitaire de Brest) : elle devient ainsi lanceuse d'alerte sur ce scandale de santé publique qui touche des milliers de victimes ; celles-ci se porteront parties civiles lors des futurs procès[1]. Le livre retrace sa lutte pour révéler au grand jour et dénoncer l'indication fallacieuse, la nature amphétaminique cachée et les risques pourtant déjà connus de ce médicament commercialisé par les laboratoires Servier, et dénoncés en vain par la revue Prescrire depuis 1997[2]. Deux jours plus tard, quatre plaintes sont déposées contre les laboratoires Servier, après le retrait du Mediator, survenu en 2009[3]. La famille d’un patient décédé et un autre patient souffrant de valvulopathie cardiaque ont déposé plainte contre X au tribunal de grande instance de Nanterre pour « tromperie aggravée sur la nature, la qualité substantielle et la composition du produit », « mise en danger de la vie d’autrui », « administration de substance nuisible » et « homicide involontaire »[4]. La plainte est déposée auprès du parquet de Nanterre, car le siège social des laboratoires Servier se trouve dans les Hauts-de-Seine. Elle va être instruite par le pôle de santé publique du TGI de Paris. La Fédération nationale de la mutualité française, représentée par Patrick Maisonneuve, dépose plainte également[5].
L'affaire fait par la suite l'objet d'un film, La Fille de Brest, sorti en 2016, et dont l'héroïne est la pneumologue brestoise.
Quatorze prévenus et onze personnes morales sont renvoyés en correctionnelle en et le procès s'ouvre deux ans plus tard. Parmi les personnes morales, les laboratoires Servier sont accusés de « tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires par violation délibérée, et trafic d'influence » et l'Agence nationale de sécurité du médicament de « blessures et homicides involontaires par négligence »[6],[7].
En , les laboratoires Servier sont reconnus coupables de « tromperie aggravée » et condamnés à verser à l'État une amende de 2,7 millions d'euros, et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jugée pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, à une amende de 303 000 euros[8],[1]. En outre, Servier est condamné à indemniser l'ensemble des victimes déclarées à hauteur de 180 millions d'euros environ.
L'affaire est ouverte en mi-, lorsque deux informations judiciaires contre X ont été confiées à trois juges d'instruction du pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris : Anne Marie Bellot, Pascal Gand et Franck Zientara. Le , le procureur de la République annonçait l'ouverture de deux informations judiciaires. La première visait les chefs de « tromperie aggravée par la mise en danger de l'homme », ainsi que ceux d'ingérence et de prise illégale d'intérêt pour la période du (date de la demande d'AMM) et jusqu'au (date du retrait définitif du marché). La seconde information concernait des faits présumés « d'homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et de blessures involontaires aggravées ayant entraîné une incapacité »[9].
Le Jacques Servier est mis en examen pour tromperie et escroquerie en raison de la commercialisation d'un médicament présenté comme un antidiabétique, alors qu'il s'agissait essentiellement d'un anorexigène de nature amphétaminique, ce qui permettait de bénéficier de la prise en charge par l'Assurance maladie et les mutuelles. Cette commercialisation est susceptible de constituer une escroquerie.
Le , la Cour de cassation suspend deux instances, dans l'attente que soit réglée une demande de Servier de regroupement à Paris : la citation directe déposée à Nanterre et l'instruction menée par les juges d'instruction du pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris. Si la demande avait dû aboutir, le premier procès pénal du Mediator, prévu à Nanterre dans six mois, eut été annulé, dans l'attente d'un procès à Paris d'ici plusieurs années[10].
Fin 2011, la Cour de Cassation rejette le regroupement des procédures concernant le Mediator ; fin , les juges parisiens se sont déclarés compétents pour instruire le dossier.
Lors du premier procès pénal devant le tribunal correctionnel de Nanterre, le , la défense de Jacques Servier demande l'annulation ou le renvoi de l'audience, notamment via deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC)[11],[12].
Le , la Cour de cassation décide de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense des laboratoires Servier (qui avait entraîné en mai le report du premier procès pénal). Cette décision devrait permettre de fixer de nouvelles dates de procès, lors d’une audience de procédure prévue le devant le tribunal correctionnel de Nanterre[13].
Le , une victime du Mediator (benfluorex) saisit la Cour de justice de la République (CJR) d'une plainte visant quatre anciens ministres de la Santé (1993-2007)[14].
Le , Jacques Servier est mis en examen pour homicides et blessures involontaires dans le cadre d'un des volets de l'enquête sur le Mediator conduite à Paris[15].
Le , dans le cadre d'une information judiciaire pour tromperie et conflits d'intérêts, Jean-Michel Alexandre est mis en examen. Jean-Michel Alexandre a été président de la commission d'AMM à l'Agence du médicament de 1985 à 1993, puis directeur de l'évaluation des médicaments de 1993 à 2000 et président du comité des médicaments de l'Agence européenne du médicament de 1995 à 2000[16],[17].
En , Jean-Philippe Seta est mis en examen pour « obtention indue d'autorisation », « tromperie sur les qualités substantielles du Mediator avec mise en danger de l'homme » et « escroquerie », ainsi que pour « trafic d'influence » sur des soupçons d’intervention dans la rédaction du rapport sénatorial de (instruction menée au pôle santé publique de Paris)[18].
Le le tribunal correctionnel de Nanterre a décidé de reporter à nouveau le procès du Mediator d'au moins un an, après avoir ordonné un supplément d'information. La date d'une reprise du procès, qui vise Servier pour « tromperie aggravée », pourrait être fixée lors d'une audience le [19]. Jacques Servier répond à Nanterre de faits de « tromperie aggravée », dans le cadre d'une citation directe. Mais en parallèle, deux juges spécialisés dans les affaires de santé publique instruisent au tribunal de Paris les mêmes faits, leur saisine étant plus étendue. En conséquence, pour les avocats du Laboratoire, Nanterre doit « lâcher l'affaire pour Paris ». Effectivement, la présidente de la 15e chambre, Isabelle Prévost-Desprez, a jugé que le tribunal était dans l'impossibilité de prendre une décision en l'état, demandant que « la totalité du dossier » de l'instruction en cours à Paris lui soit transmise, une fois terminée.
Le , une Poitevine de 59 ans, dont une pathologie cardiaque a été liée à l'usage du médicament Mediator, a renoncé à poursuivre les laboratoires Servier, avec lesquels elle avait passé un accord portant sur une transaction importante, une des premières du dossier[20].
Le , la justice espère clore l'enquête sur l'affaire Mediator mi-. Les deux procédures en cours seront jointes, afin de permettre la tenue d'un grand procès en 2015 et d'étudier la responsabilité de l'ensemble des acteurs de l'affaire. Pour accélérer l'enquête, le procureur de Paris a décidé de se concentrer sur 328 victimes pour lesquelles « toutes les investigations, notamment médico-légales, étaient terminées sans soulever de contestations de la part de la défense ». Pour 49 de ces victimes, un lien de cause à effet a pu être mis en évidence entre les pathologies observées et la prise de Mediator[21].
Le , parmi les 15 personnes mises en examen à ce jour, 8 sont des experts ou des dirigeants de l’agence du médicament qui ont eu des activités de conseil pour Servier[22].
Le , treize victimes du Mediator obtiennent la reconnaissance par la justice de la responsabilité de l’État, le tribunal administratif jugeant que son retrait aurait dû être ordonné par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dès que le premier cas de valvulopathie cardiaque a été imputé au médicament[23].
Le , le tribunal de grande instance de Nanterre reconnaît la responsabilité civile des laboratoires Servier, pour avoir laissé sur le marché un médicament « défectueux », dont ils ne pouvaient « pas ignorer les risques ». Le tribunal a estimé qu'en 2003 et 2006, « l'état des connaissances scientifiques ne permettait pas d'ignorer les risques d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et de valvulopathies induits par le benfluorex », et « la seule suspicion de ces risques » obligeait le laboratoire « à en informer les patients et les professionnels de santé », notamment dans la notice d'utilisation[24]. Le jugement est confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Versailles, le [25], puis par un arrêt de la Cour de cassation du [26].
Le , le parquet de Paris, demande le renvoi du groupe Servier devant le tribunal correctionnel pour « tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d'influence »[27]. Dans son réquisitoire, le parquet estime que les laboratoires Servier ont mis en place une stratégie pour dissimuler le caractère anorexigène du médicament et n'ont pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire et ceux de lésions des valves cardiaques qui lui sont imputables[28]. Outre l’entreprise Servier, le parquet a demandé que soient jugées l'Agence du médicament, dix autres personnes morales et quatorze personnes physiques[29]. Fin , les juges d'instruction ont renvoyé les Laboratoires Servier et l'Agence du médicament devant le tribunal correctionnel de Paris[30],[31].
Le , une audience fixe le procès du à . Les plaidoiries commenceront probablement en mars[32].
Le jugement est prononcé par le tribunal de Paris en .
L'affaire du Mediator a fait l'objet d'une mission parlementaire du Sénat[33] et d'un rapport de l'Igas (dirigé par Anne-Carole Bensadon, Étienne Marie et Aquilino Morelle)[34].
Le procès pénal s'ouvre le , devant durer six mois. Selon l’ordonnance de renvoi, la prise de Mediator a entraîné « entre 3 100 et 4 200 hospitalisations pour insuffisance valvulaire », « entre 1 700 et 2 350 chirurgies de remplacement valvulaire » et, finalement, « entre 1 520 et 2 100 décès »[35].
Le procès regroupe près de 4 129 victimes, 376 avocats et 25 prévenus (dont 11 personnes morales)[36]. Les laboratoires Servier doivent répondre de « tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d’influence » et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de « blessures et homicides involontaires » devant le tribunal correctionnel de Paris[37].
Le procès, devant se terminer fin , est suspendu de mars à juin à cause de la pandémie de Covid-19[38].
Le procès terminé en , la décision des juges sur la responsabilité des prévenus, ainsi que sur les demandes d'indemnisation des victimes et des organismes de protection sociale, est reportée en [39],[40]. Le , les laboratoires Servier sont condamnés à 2,7 millions d'euros d'amende pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires », l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jugée pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du Mediator, est condamnée à une amende de 303 000 euros[1],[41]. En outre, sur les 6 500 parties civiles qui s'étaient constituées, celles déclarées recevables se voient attribuer plus de 180 millions d'euros de dommages et intérêts[1]. Néanmoins, Servier est relaxé du chef d'escroquerie pour cause de prescription[1],[41].
Le parquet de Paris fait appel de la relaxe partielle des laboratoires Servier ("obtention indue d’autorisation de mise sur le marché » et d’« escroquerie ») [42]. Les laboratoires Servier font appel de leur condamnation[43].
Une instruction pour « homicides et blessures involontaires » est toujours en cours et devrait donner lieu à un second procès[42].
Douze personnes physiques sont jugées[44].
Didier Tabuteau, directeur de l'Afssaps de 1993 à 1997, signataire en 1995 d'une note autorisant les laboratoires Servier à poursuivre la vente du Mediator[51],[52],[53], est convoqué au procès en tant que témoin.
Onze personnes morales sont jugées[44].
En outre, en 2016, Irène Frachon apporte, à l'aide de documents, la preuve des liens d’intérêts entre l’Inserm, alors dirigé par Claude Griscelli, le « relecteur officieux du rapport sénatorial », et le groupe Servier :
Le Mediator est accusé d’avoir causé la mort de 1 500 à 2 100 personnes, sans compter celles qui souffrent encore aujourd’hui des conséquences des effets secondaires[55].
À la date d', les laboratoires Servier versent plus de 115 millions d'euros aux victimes du Mediator : 3 600 patients reçoivent une offre d'indemnisation[56].
En , le laboratoire saisit le tribunal administratif pour demander à l’État le remboursement de 30 % des sommes déjà versées aux victimes pour cette indemnisation[57].
En 2020, les caisses d'assurance maladie exigent le remboursement de 450 millions d'euros par Servier[58].
À la suite de la condamnation de , les laboratoires Servier devront verser plus de 180 millions d’euros aux victimes en réparation des préjudices subis, selon les premiers calculs effectués par des avocats[55].
Adoptée en 2011 à la suite de ce scandale, la loi Bertrand vise à prévenir les conflits d’intérêts et à renforcer l’indépendance de l’expertise sanitaire publique en obligeant les professionnels de santé et décideurs publics à publiquement déclarer leurs liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique[59].
En 2012, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'Afssaps) a été remplacée par « l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » (ANSM). Le fonctionnement de l'Agence du médicament est réformé. L'ANSM est financée par l'État et a exclu l'industrie pharmaceutique de son conseil d'administration qui comprend des parlementaires ou des représentants de l'ordre des pharmaciens[60].
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