Les continuités humaines et linguistiques entre les périodes pré-islamiques et l'époque contemporaine ne sont pas établies, même si elles sont possibles[2]. Les Afars sont appelés Adal (ge'ez: ኣዳል) en Éthiopie, reprenant le nom d'une entité politique du XVIe siècle (Adal), et Dankali (arabe : دنكل) en arabe (Danakil au pluriel), peut-être par extension du nom d'un groupe nordiste, sans que les continuités historiques ne soient non plus fermement établies. De même, les solutions de continuité entre les Afars et d'autres ensembles dit « couchitiques » de la région (Bejas, Issas, Saho, Oromos…), ne sont pas franches[3]. Des groupes se sont certainement agglutinés, d'autres se sont séparés, absorbés par d'autres identités en fonction des évolutions politiques et territoriales.
Selon certaines théories, les Afars seraient présents et identifiés dans la Corne de l'Afrique depuis plusieurs milliers d'années avant notre ère[4]. Cependant les continuités ne sont pas établies et les premières mentions connues remontent au plus au XIIIe siècle[5], si l'on accepte une continuité entre Adal et Afar. Les «sultanats» de Tadjoura et Rehayto auraient été créés au XVe siècle, plus probablement au XVIe siècle.
Selon des analyses linguistiques, les Afars et les Saho seraient les premiers peuples répertoriés dans cette corne d'Afrique. On retrouve des os et des traces des peuples préhistoriques dans la région Afare. Leur langue forme un ensemble distinct au sein des Couchites orientaux qui s'est ensuite scindé[6]. Les Afars sont décrit par Herodote comme étant des troglodytes éthiopiens vivant le long de la
Mer rouge et que les garamantes chassaient. Les troglodytes vivent dans des cavernes, le mot « Afar » a sans doute une origine berbère, car ce mot signifie « habitant des grottes » ce qui traduit bien l’habitat troglodytes que leur prête Herodote. Ce mot n’étant pas attesté en langue afar (se désignant par le terme « Adal ») D’après certaines théories sur l’étymologie de ce mot. Ce nom a pu être donné par les berbères garamantes qui les ont nommés ainsi à cause de leur habitat troglodytes.
Des traditions afares intègrent la conversion à l'Islam, à partir du VIIIe siècle[7]. Par exemple, des généalogies font remonter les lignages à des ancêtres venus d'Arabie. Des mélanges et circulations entre les deux rives de la mer Rouge et à l'intérieur de la Corne sont certains même si l'on n'est pas capable de les préciser.
Période historique
Selon certains auteurs[8], au début du XVIe siècle, sous le nom d'« Adal », des Afars auraient fait partie des troupes qualifiées de musulmanes dirigées par Ahmed Ibn Ibrahim Al-Ghazi qui affrontent l'Abyssinie chrétienne. Mais pour Amélie Chekroun, « aucune source de l’époque ne mentionne la présence des Afar, nommés “Dankali” dans la littérature, dans cette zone de la Corne de l’Afrique »[9].
Malgré la pression des peuples voisins (Oromos et Somalis en particulier), les Afars étendent leur territoire vers le sud à la fin du XVIIIe siècle. À partir des années 1840, certains aident les Européens en assurant, moyennant finance, la sécurité des caravanes occidentales qui circulent entre le littoral méridional de la mer Rouge et l'Éthiopie centrale. Mais le contrôle du territoire leur échappe peu à peu à partir de 1885 avec les avancées de l'Éthiopie de Ménélik II, reconnue comme un État souverain après Adwa. Les côtes de la mer Rouge sont alors partagées entre des puissances européennes : l'Angleterre forme le Somaliland avec Zeila et Berbera, l'Italie l'Erythrée avec Assab et Massaoua, et la France la Côte française des Somalis à Djibouti.
Des frontières nationales sont tracées entre 1891 et 1955. Les Afars voient alors leurs zones de pâturage partagées entre plusieurs entités nationales. L'accession à l'indépendance de l'Érythrée en 1993 ajoute une troisième souveraineté sur les territoires afars.
Commerce
Le sel qui provient du lac Assal, à Djibouti, est récolté lorsqu'il est tout à fait sec. Il faut d'abord soulever la croûte superficielle à l'aide de longues perches, puis la casser à la hache pour découper des plaques d'environ quarante centimètres d'épaisseur (amoles). Elles sont ensuite chargées sur des dromadaires ; le sel est alors transporté en Éthiopie où il est vendu[10].
↑En Éthiopie, lors du recensement de 2007 portant sur une population totale de 73 750 932 personnes, 1 276 867 se sont déclarées « Affar ». Cf (en) Ethiopia. Population and Housing Census 2007 Report, National, p. 73, téléchargeable [1].
↑Par exemple Didier Morin [2004], p. 9, estime que « les Afars devaient être assez nombreux, ou d’un poids particulier, pour, dès l’origine, donner leur nom à une entité politique, qui, même lorsqu’elle intégrera des éléments non-Afars, conservera ce nom de Adal. ».
↑Amélie Chekroun, Le « Futuh al-Habasa » : écriture de l'histoire, guerre et société dans le Bar Sa'ad ad-din (Éthiopie, XVIe siècle) (thèse d'histoire sous la direction de Bertrand Hirsch), Université Paris I, , 482 p. (lire en ligne), p. 195.
« Afars de la Corne d'Afrique » (exposition au Musée de l’Homme), Arts d'Afrique noire, arts premiers, n° 108, hiver 1998, p. 19-20
Ali Coubba, Les Afars : de la préhistoire à la fin du XVe siècle, Paris, L'Harmattan, 2004, 253 p. (ISBN978-2-7475-6175-4)
Aramis Houmed Soulé, Deux vies dans l’histoire de la Corne de l’Afrique : Mahamad Hanfare (1861-1902) et Ali Mirah Hanfare (1944-2011), sultans afars, Addis Abeba, CFEE, Études éthiopiennes n° 2, 2005 (rééd. 2011), 137 p.
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